Après un bref regard sur le jardin et en voyant ce pauvre faisan frigorifié, je me retranche dans mon cocon bleu-thé, mon île à moi, comme l'a si joliment baptisé Vanessa au début de ce blog. Ma première tâche est de choisir un thé et d'habitude, il s'impose à moi c'est en général soit un Yunnan, un vert japonais ou encore un English breakfast pour le coup de fouet nécessaire. Aujourd'hui, je n'avais envie d'aucun de ceux-là. Alors, j'ai d'abord installé le décor et choisi la théière. Et tout de suite, la seule boîte qui complétait bien l'ensemble s'est imposée, gris perle et turquoise. C'est l’O. Great Ceylon, de chez ThéOdor. Il me rappelle un bon souvenir et l'appréciation très comment dire... directe de ma filleule (http://la-theiere-nomade.blogspot.com/2011/12/aujourdhui-ce-fut-saint-nicolas-noel-et.html). ue vais-je en penser? En général, je peux dire après quelques gorgées d'un nouveau thé si je l'aime ou pas. Ici, c'est plus compliqué: ce que je goûte n'excite pas mes papilles, par contre la rétro olfaction m'intéresse, une légère amertume un peu sucrée... C'est un thé qui ne se donne pas immédiatement, il demande à être apprivoisé. Ce qui est évident par contre c'est la saveur incomparable qui s'en dégage, celle de ce beau geste d'Amitié, l’Amitié, une valeur inestimable. Mais le cerveau humain est bizarre : une image douloureuse me revient, celle d'un très petit cercueil blanc vu hier soir au journal télévisé... (8) C'est celui de la plus petite victime d'un tueur monstrueux. Le petit Gabriel, 17 mois, a reçu une balle dans le crâne, il était dans les bras de sa maman, il lui a donc sauvé la vie. Cette maman brisée va devoir vivre avec cela, le monde à l'envers. Pour calmer cette rage, violente et inutile qui monte en moi, j'écoute en boucle 2 chansons d'Yves Duteuil: "Prendre un enfant" et "Les enfants du monde entier". Cela m'a rappelé un autre épisode atroce, l'arrestation d'un autre monstre. Nous étions à Heathrow, dans un de ces clapiers de luxe, la chambre 824. Nous revenions de 5 semaines au paradis, ces îles seychelloises dont nous sommes tous les deux amoureux, quand mon mari m'annonce la nouvelle, la télé anglaise annonçait la fin du cauchemar. Le contraste était choquant, cela m'a hantée pendant des semaines, je le revis aujourd'hui. Je suis alors allée rechercher un de mes carnets de voyage, celui dans lequel j'ai noté tout ce que ce traumatisme national m'inspirait, l'écriture est un bon moyen d'exprimer l'indicible... Ma violence de l'époque m'a fait peur, il y a des mots qui tuent... je ne l'avais jamais relu et n'ai pas été au bout aujourd'hui. Heureusement, il y avait le thé... J'ai des dizaines de Moleskine, je ne pars jamais sans eux en voyage, que ce soit pour un jour ou un mois, je les relirai un jour... Je ne suis pas encore calmée malgré un bol d'air dans ce jardin encore trop blanc et surtout le dîner partagé avec un mari pourtant apaisant. Retour dans mon cocon, un thé de lecture et ce livre dont chaque parole est d’or. Et cette musique qui d’habitude me détend. Cela n’a pas suffi cette fois, il faut que je m'occupe les mains, je vais donc à la cuisine pour préparer des soupes et un navarin d’agneau pour demain. En remontant, je croise mon mari qui m’offre un sourire entendu que je connais très bien… il est allé "s’aérer " à Bruxelles et n’est pas revenu les mains vides. Il est aussi passé par la serre et m’a ramené cette "mauvaise herbe", je sais où je serai et ce que je boirai après le souper! Dès que l’eau est versée sur la citronnelle, je me retrouve à +/- 9 mille km d’ici. Il y a du thé à Mahé, une petite plantation pousse sur le Morne blanc, c’est par là que je termine chacun de nos voyages, mais soyons de bon compte comme on dit à Litch, ce thé n’est pas exceptionnel, loin de là et est en général mélangé à du Ceylan… Par contre, ces petits gâteaux n'ont pas leur place ici, ils vont regagner le frigo.La musique aidant, une multitude d’images se bousculent dans ma tête tandis qu’infusent ces feuilles odorantes. "Zil zoizo", 1 km sur 450 m, tête d’épingle émerge de l’océan "endyen" au milieu de nulle part , celle qu'on l'aperçoit sur la pochette du CD; pendant 3 semaines au moins nous vivons en symbiose totale avec la nature, snorkeling et natation avec les raies et tour de l’île 2 à 3 fois par jour pour moi, observation des oiseaux pour nous deux, le seul endroit au monde où j’arrive à me détendre complètement ! Avant cela, Praslin et cette fabuleuse vallée de Mai, où poussent ces cocos de mer immenses, à la démesure de cette forêt. On les appelle aussi coco fesses, on se demande bien pourquoi… Et c’est également de là que viendrait l’expression "cucu la praline"… L’infusion parfume mon île à moi de ces senteurs tropicales, je vais rechercher mon carnet de voyage pour relire tout ce que j’ai écrit dans ces lieux d’une beauté stupéfiante, propres à la méditation, où on est loin de la société de consommation et où on se retrouve vraiment dans ce jardin d’Eden… C’est ici en effet que se trouve le paradis, il est bien sur terre, "Sesel o mon pei". Les feuilles on tout donné à présent, il est temps de revenir sur terre. Je bois ma dernière tasse de citronnelle en pensant à deux de mes petites-filles qui ont examen demain. Courage mes chéries, je sais que vous allez cartonner. Ici se termine une journée vraiment très particulière.
J'espère que la nuit t'apportera de la chaleur et de l'énergie pour une autre semaine...
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup ta citronnelle, qui ne ressemble en rien à ce que toute ma famille appelle citronnelle (soit la mélisse).
le faisan vous a donné une belle journée avec un thé intéressante de Mahé ... il semble bon... /Celina
RépondreSupprimer@ Vanessa:mille mercis. "Ma" citronnelle vient de Praslin, une des îles volcaniques; j'avais d'abord ramené à 2 reprises celle de Bird Island, une des îles coraliennes, mais elles n'ont pas tenu. Chaque année, je redoute l'hiver, on chauffe la serre mais là-bas, il ne fait jamais moins de 20°... Sinon, elle se présente en touffes, du genre chiendent, elles sont assez rèches et coupantes. Quand tu viendras à Bruxelles, je t'en offrirai. Bonne journée, bons thés
RépondreSupprimer@ Celina: thanks. Citronnella is not tea but herbal tea...but also delicious
Passée les lignes de désarroi, je me suis laissée embarquée dans un voyage. Merci pour tes billet Francine. Je me sirote également un thé de la Maison Théodor en famille au coin du feu, une pensée pour toi! Joyeux Noël Francine.
RépondreSupprimer@ Claire: merci pour ton gentil message et pour tes bons voeux que je te réciproque de tout coeur. Bonne fin de soirée, bons thés
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