Après
un mois de juillet exceptionnel, le mois d'août s'annonçait plus
calme mais j'étais loin d'imaginer ce qui allait arriver : le 2
au soir, je me suis préparé un Hojicha
griffé
Tamayura,
en espérant voir la lune et les étoiles mais elles n'étaient pas
au rendez-vous. Et le thé avait une saveur bizarre, j'ai cru que je
l'avais mal infusé bien qu'il faut vraiment le vouloir pour rater un
Hojicha,
j'ai mis cela sur le compte de ma fatigue et de cette tristesse
liée
à l'absence pourtant temporaire du petit Dragon. Le lendemain, après
une nuit tumultueuse, je me prépare comme chaque jour mes rituels
théinés et là, panique, je ne sens plus rien et ne goûte que
quelque chose de fade et amer, rien à voir avec la saveur prononcée
du Pu
Er choisi,
les Bourgeons
pourpres déjà
infusés la veille avec bonheur ! Depuis 3 jours, j'ai le nez
transformé en fontaine mais pas bouché, cela ne pouvait donc pas en
être la cause. Et j'ai eu peur, très peur, ma mère était atteinte
d'agueusie depuis des années et dans les derniers mois de sa vie,
elle avait aussi perdu le goût, j'étais malade à l'idée que cela
pourrait m'arriver et pour la première fois depuis des lustres, j'ai
craqué, impossible de me raisonner, je me suis repliée sur
moi-même. Six jours sans thé c'est autant de jours sans vie :
non seulement plus de thé mais envie de rien, ni musique, ni
lecture. Je ne parvenais pas à me projeter dans cet avenir sans
passion et j'ai voulu décommander la dégustation de thé prévue
chez Source
de Lumière,
je n'envisageais pas d'aller dans ce lieu magique dans cet état.
Mais vendredi j'ai reçu un SMS de Guang Yuan : "Je
suis sous le théier-ancêtre, 3;200 ans d'âge,
im-pes-sion-nant !!!!!! je pleure !!!"
Est-ce l'énergie indicible qui se dégageait de ce message ou cette
même réaction ressentie dans les plantations de Dong
Ding lors
de mon voyage initiatique dans la belle Île qui m'ont fait émerger
de ma léthargie ? Les deux certainement mais j'ai décidé d'y
aller avec une grande appréhension, comment vais-je réagir, vais-je
pouvoir apprécier ces thés que j'aime ? Quand Cha Hua est venue me
chercher, je lui en ai parlé, elle était étonnée de me voir dans
cet état (et moi donc...) mais elle m'a cité une phrase que je ne
risque pas d'oublier et qui m'aide à supporter cette situation
éphémère je l'espère : "Le goût et l'odeur sont l'aspect extérieur du thé mais il y a
aussi l'énergie, pour les Taoïstes, nous sommes des récipients,
des urnes, des organes vides".
Nous voici arrivées dans ce lieu magique dont j'attends beaucoup.
Source de Lumières est encore dans le Yunnan, c'est donc Cha Hua qui est à la manœuvre.
Premier thé : un Mi Xiang Oolong originaire du county de Nantou, cultivé à 700 mètres.
Infusé en gong fu dans la théière en argent, elle aura bientôt sa cousine, je suis curieuse de la découvrir... Je suis très émue de voir avec quel naturel elle prépare ce nectar.
Elle captive son auditoire.
La couleur de cette première infusion est d'un beau jaune pâle, la
texture est soyeuse, pour ce que j'en perçois, il me fait penser
à
un Alishan
d'automne. L'infusion suivante est plus corsée, avec des notes de miel.
Les feuilles infusées ont encore des choses à offrir.
Notre voyage nous emmène maintenant au Nord de Taipei, à Musha à la découverte d'un Tie Kwan Yin.
La couleur de l'infusion est d'un orange clair, signe d'une torréfaction plus forte que le Mi Xiang Oolong.
Cha Hua répond aux questions des participants montrant ainsi sa connaissance approfondie de ces thés mais elle a une immense qualité, sa modestie et ce cet esprit du thé dont elle est imprégnée.
Les infusions se poursuivent, les échanges aussi.
Parfois surréalistes quand Cha Hua se transforme en Anne-Marie Ferrari (le nom que lui a donné mon mari lors d'une rencontre où une partie des conversations a dérapé :http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2014/08/un-dernier-jour-de-juillet-pas-ordinaire.html.) Je n'en croyais pas mes oreilles, pour faire très court, et c'est déjà trop long: elle a comparé l'excellence de certains thés avec l'excellence de cet engin à 4 roues, je n'en dirai pas plus...
Je préfère ne pas répondre et admirer ce petit panda, la mascotte de ces séances (merci Sugi pour tes belles photos, les miennes sont assez nulles, je dois absolument m'en procurer un du genre de ta "vieillerie"= message codé).
Elles non plus n'ont pas tout donné, elles feront le bonheur de certaines...
Une petite pause à présent
pour préparer les
commandes, Sabine, c'est pour toi... Sous l'œil intéressé de petit Panda, Cha Hua nous propose un Bi Yun Tian, un sublime thé vert qui porte un nom très poétique : Ciel bleu, nuages blancs qui me rappelle de beaux souvenirs : http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2013/07/comment-dire.html .
La préparation à l'ancienne (1/3 d'eau froide, 2/3 d'eau chaude) donne une liqueur très pâle. Même si je ne perçois pas tout en détail, il me fait penser à la première gorgée à un Bi Lo Chun.
J'en ai encore chez moi, je compte m'en refaire dimanche.
Nous quittons maintenant la belle Île pour le Yunnan à la découverte de cette galette de ces Mille fleurs qui s'ouvrent, un Pu Er 2013.
Incroyable douceur pour ce tout jeune Pu Er cru, d'habitude beaucoup plus fougueux, voire agressif.
Une de nos conversations a porté sur les bambous, Agnès cherche des informations tandis que Nadiejda, très concentrée, hume ce nectar.
Un dernier Pu Er, sheng cette fois de 1990.
Cha Hua se concentre sur les arômes, mais pour moi à part une forte saveur camphrée à la première gorgée, je ne perçois plus rien.
Et je sens à peine l'odeur pourtant prononcée des feuilles infusées. Mais je ne veux pas me braquer sur ce constat négatif, je veux ne garder que les moments chaleureux de cet après-midi.
J'aide Cha Hua à préparer les dernière commandes avant d'aller retrouver mon mari, impatient de revoir Anne-Marie Ferrari...
Pendant qu'ils papotent de futilités, je jette un œil sur ce ciel bleu gris strié de fines bandes blanches en remerciant Cha Hua de ce qu'elle nous a fait vivre aujourd'hui.
Ce dimanche, c'est un beau ciel bleu avec quelques nuages blancs qui m'accueille sur ma terrasse.
Le thé de ce matin est tout choisi : un Bi Yun Tian, Ciel bleu, nuages blancs.
Il fait doux, j'installe les ustensiles nécessaires à la préparation à l'ancienne.
La couleur des feuilles, assez irrégulières, oscille du vert au gris.
Première infusion 1/3, 2/3.
Après
ce passage beau camaïeu de verts des feuilles, Liqueur jaune pâle tirant sur le vert, saveur végétale.
Deuxième infusion, les feuilles s'ouvrent de plus en plus au contact de leur mère l'eau.
Dans le zhong la couleur du breuvage est plus soutenue mais je ne perçois qu'une saveur très atténuée de ce thé que je connais très bien.
Les feuilles sont de plus en plus pâles et tendres.
Je tente une dernière infusion à chaud uniquement cette fois.
La couleur de la liqueur est toujours aussi belle et ce que je goûte me fait vaguement penser à du Bi Lo Chun.
Un dernier regard admiratif à ces belles en pensant avec émotion aux cueilleuses et à leurs doigts de fées...
J'ai besoin d'un thé de lecture pour entamer le dernier Jean d'Ormesson : Comme un chant d'espérance, celle qui m'habite aujourd'hui.
Le ciel devient tout gris et menaçant mais tant qu'il ne pleut pas... J'ai choisi d'infuser un Gaba Cha griffé Source de lumière, à la fois chaleureux et relaxant. Mais dès la première gorgée, j'ai à nouveau ce goût fade et amer dans la bouche. Déception mais pas désespoir, je ne veux plus revivre ces jours affreux, demain je vais prendre rendez-vous chez le toubib pour essayer de comprendre ce qui se passe. J'ai toujours un snotneus, le nez qui coule comme on dit en flamand, peut-être faut-il chercher par là mais ce qui me rassure un peu c'est que ces troubles ne sont pas héréditaires...
10 commentaires:
Effarante sensation mais j'aime bien l'idée que c'est l'énergie qui compte dans le thé. Que trouvera ton médecin comme explication?
Kris
@ Kris: merci pour tes mots, moi aussi je me raccroche à l'énergie de cette boisson mythique pour le moment, cela m'aide et je bénis Anne-Marie pour cette phrase pleine de sagesse et de vérité. Pour le reste j'attends les résultats de l'analyse de sang, sereinement! Bonne fin de journée, bons thés
Il y en a qui passent de bons moments en Ferrari... Merci Francine, c'est comme si j'étais avec vous. De tout cœur. J'espère que ton goût est revenu. Lorsqu'un sens fait défaut pendant un temps, les autres prennent le relais et c'est la magie d'être vivant et être de chair et de sens. Bientôt Cha Hua va venir me rejoindre dans le sud, elle te ramènera des pépites amicales comme on sait les partager... Sabine.
@ sabine: Je passe sur la Ferrari... J'ai retrouvé mes sensations gustatives, un vrai bonheur! Vous allez passer de superbes moments Cha Hua et toi, petites veinardes! Je me consolerai en buvant du thé...
Contente que tu retrouves le goût, pour une goûteuse de thé émérite, c'eût été le comble ! Tu es la bienvenue aussi, tu sais...
@ "anonyme": merci et tu me tentes: ne fait-il pas toujours beau à Nice?...
Désolée Francine, j'ai oublié de signer. Tu connais les dates : début octobre... Tout sera en anglais, Cha Hua pourra éventuellement traduire, on est en train de faire le programme de ce petit séjour. Après, on part en retraite de thé avec eux à Barcelone ! Bises, bons thés. Sabine.
Mais tu penses bien que je t'avais reconnue! Ceci dit, quel beau programme...Je serai avec vous, mais en pensée seulement. Biz, bons thés à toi aussi
ah, dommage de ne pouvoir partager cette nouvelle aventure ensemble. On pensera à toi très fort. Ton étoile de quinoa a l'air fameuse. Je suis en train de déguster un Pu Er 1970 d'arbres de 400ans, tchin tchin Francine...
Wouaw! Je me contenterai de celui de 1980, son nom? Xing Fu...
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