mardi 30 décembre 2014

Encore et encore...

Combien de fois ai-je accompli ces gestes tout au long de cette année ? Je ne sais, quand on aime, on ne compte pas... Ce qui est certain par contre, c'est que ces gestes répétitifs me font vivre, moi qui déteste pourtant la monotonie des habitudes. Justement parce qu'ils ne sont pas monotones.
Ainsi ces Belles que j'admire une dernière fois, ont enchanté le week-end.
De même aller scruter le ciel et constater aujourd'hui que la neige qui alourdissait les branches du charme a fondu même si le brouillard tarde à laisser la place au pâle soleil hivernal.
Choisir alors une musique que j'aime.
Et enfin aller à l'Essentiel, sélectionner les premières feuilles en fonction de mon humeur ou de mon état d'âme. Les regarder, admirative, en pensant au labeur des cueilleuses aux doigts de fée. Les humer, pour qu'elles chatouillent déjà mes narines. Attendre que l'eau chauffe, écouter attentivement le frémissement qui annonce qu'elle est prête.
Et enfin porter à mes lèvres ce breuvage magique. Oui magique parce que malgré des paramètres toujours les mêmes : température de l'eau, grammage, durée de l'infusion, le résultat dans la tasse n'est jamais vraiment le même, à côtés de ces données immuables, se glisse le ressenti de l'instant : c'est évident aujourd'hui avec ce Tumsong griffé ThéÔdor que je connais pourtant par cœur en principe. Ce thé du Jardin des Cœurs heureux sera ce matin le thé de la consolation, mettant du baume sur mon cœur troublé par un souvenir douloureux, vieux de 38 ans cependant... C'est cela la magie du thé. Vivre intensément l'instant dans ce lieu si serein, propice à la méditation où le temps n'a pas prise... Appel à redescendre sur terre par un mari qui a faim. Cet après-midi me réserve de superbes surprises.
A commencer par la visite inopinée de ce lieu inconnu pour moi.
C'est impressionnées par la majesté de ce château que nous pénétrons dans le parc en suivant le lent voyage d'une montgolfière.
Construit au 18e siècle, il fut la résidence d'une famille noble, les d'Ursel.
Entouré de douves, avec ses étangs où s'agite la gente à plumes,
les arbres majestueux dont les branches dénudées s'étirent jusqu'au ciel.
Un dernier regard ici avant de découvrir le plus surprenant:
non loin de là, un authentique Pavillon de thé où les châtelains et leurs invités venaient prendre cette boisson mythique face à L'Escaut,
illustré sur le fronton
ainsi que les autres cours d'eau des environs.
et juste en face, un dicton chinois, qui dit à peu près ceci : "Si je porte une branche verte (de roseau je suppose) contre mon cœur, viendra le chant des oiseaux".
Et les voilà ces roseaux (plus du tout verts) qui se dressent, bercés par le vent, le long de la berge de l'Escaut. Mais à cette époque aucun chant d'oiseau, seulement le silence et la quiétude de ce plat pays chanté par le Grand Jacques et immortalisé par les grands peintres flamands
éblouis par la lumière particulière du lieu
et ces allées si typiques.
Un dernier regard à ce pavillon fermé en hiver. Il ouvrira à nouveau en mars, uniquement les week-ends de 14 à 18 heures et à partir d'avril tous les jours auxpagné quittons ce village de Bornem pour Sint-Niklaas, ville proche où se cache ce lieu improbable, but premier de notre escapade. Au fur et à mesure que se rapproche l'endroit, mon chauffeur-guide (qui veut rester anonyme) et moi sentons monter l'impatience et venir le désir de savoir si cette découverte vaut la peine, fous rires garantis...
Nous y voilà enfin : Biochi, un petit coin de Chine à deux pas de la Grand-Place.
Dès l'entrée ce qui frappe est la sobriété du lieu et l'authenticité simple des objets. C'est l'endroit idéal pour se poser après avoir déambulé dans ce piétonnier très animé. 
La philosophie de cette maison est écrite à la craie jaune (couleur de l'Empereur) sur un tableau noir : "Les feuilles de thé de Biochi donnent : santé, paix, amitié, respect de chacun, joie, sociabilité. Bio, éco, recyclage est bon pour vous, moi et la nature !" Nous allons très vite nous rendre compte que ce ne sont pas que des mots.
Notre choix s'est porté sur un Anji Tie Kwan Yin préparé à la chinoise, par notre charmante hôtesse.
servi dans une jolie petite tasse blanc et bleu
accompagné d'un gâteau chinois fourré au haricot rouge. Emotions gustatives évidentes, c'est un tout grand Tie Kwan Yin.
Et, "cerise sur le gâteau", le grand sourire de Zhou, le maître des lieux.
Voyant notre intérêt pour le contenu de ces écrins,
il nous parle avec passion de ses trésors, entre autres un Yunnan green tea 1st grade roulé à la main dans un wok et une exclusivité, le Yunnan white tea Moonlight 1st grade lui aussi, tous les deux issus de théiers sauvages et constitués essentiellement de bourgeons. J'écoute émerveillée l'échange entre Vivian (nouveau prénom de mon chauffeur-guide) et lui, ils rayonnent tous les deux, quelque chose de fort se passe dans ce lieu hors du temps, nous touchons le cœur de l'Esprit du Thé.
Il nous apporte sa théière personnelle, une Yixing. Patinée par de nombreuses infusions, elle brille.
Un vrai privilège de la porter et de l'élever tel un calice... Zhou ne se contente pas de parler de ses thés et de cet objet qui grâce à leur mère l'eau magnifie si les feuilles. Il explique ce qu'il voudrait faire passer comme message : "Le plus important pour moi est le partage, ouvrir son cœur, que ceux qui rentrent ici prennent du bon temps, se sentent bien". Et ce ne sont pas que des mots, nous l'avons vécu véritablement au point qu'il a été difficile de s'en aller... "Ô temps, suspends ton vol" Même le nom de cette maison de thé est symbolique : Biochi = Energie de la nature, du bio, tout est dit. Il nous parle aussi de son parcours d'ancien footballeur ayant beaucoup voyagé dans son pays avec un coup de cœur pour le Yunnan. J'ai l'impression que mes mots traduisent bien pauvrement la magie de cette belle rencontre, les émotions gustatives et bien au-delà. C'est certain, nous reviendrons et je veux tout savoir sur cette dernière découverte de l'année qui finit en beauté ! Biochi est ouvert depuis le 28 novembre exactement au 10 Stationsstraat. Cinquante thés sont proposés dans une fourchette de prix allant de 7.95 à 29.95 Euros les 50 g. La dégustation est à 5 Euros/ personne. Ouvert du lundi au samedi de 10 à 18 heures. Dégustation chaque dernier dimanche du mois, de 13 à 14 heures sur réservation au 0485 99 58 85.
Avant de partir, je n'ai pas pu résister...
Le Yunnan white tea Moonlight 1st grade sera mon premier thé de cette année nouvelle.
Il faisait nuit noire quand nous avons quitté à regret ce lieu hors du temps,
et dans le ciel, un clin d’œil de l'Astre de la nuit auréolé de brouillard. Enfin,  un énorme MERCI à "Vivian", une nouvelle belle Amitié est née, ou s'est amplifiée, c'est selon, mystérieux en tous cas ! Xing Fu résume parfaitement ce que nous avons vécu et partagé ce jour.

dimanche 28 décembre 2014

Rétrolfactions

Après le départ de Fabienne, je suis retournée dans mon cocon pour continuer à infuser les feuilles de ce fabuleux vieux Pu Er, la neige continuait à tomber qui me rappelle le seul accident de voiture que j'aie jamais eu le 4 février 1974, j'ai glissé sur une plaque de verglas, et après plusieurs tonneaux me suis retrouvée dans un champ. S'en est suivi une forte commotion cérébrale que je n'ai pas vraiment soignée, reprenant le travail avant la date prévue par la Faculté, je n'avais pas de fracture du crane, n'avait perdu connaissance que quelques minutes. Les seules séquelles étaient de violents maux de tête et un traumatisme de l'oreille interne qui a entraîné des troubles de l'équilibre, pas de quoi donc vivre aux crochets de la sécurité sociale. Ces dernières années cependantj'ai développé une peur quasi panique de rouler par ce temps, cela + le manque de lumière et le froid expliquent mon envie d'hiverner. Heureusement, il reste le thé, la lecture et la musique.
Ce matin, avant de continuer à infuser LES feuilles, j'ai aéré très brièvement mon cocon, combien de temps va-t-elle tenir ? Ce qui me frappe est ce silence épais, lourd. Je reviens à l'essentiel.
Et elles, quand s'arrêteront-elles ?
La lumière de ce soleil d'hiver donne tout à coup un peu de vie à ce paysage transformé.
Dans la tasse, une couleur acajou brillante et des saveurs subtiles. Les passages se suivent, la liqueur se fait moins épaisse mais toujours aussi vivifiante,
ces vieilles feuilles dégagent vraiment un QI puissant. Certains de nos échanges d'hier me reviennent en mémoire, douces rétrolfactions...
Malgré un nombre incalculable d'infusions, elles sont loin d'avoir tout donné, je les laisse se reposer pendant que je vais préparer le repas.
Pendant tout le dîner nous admirons comme un ballet le va-et-vient incessant de ces oiseaux, ils sont tous au rendez-vous sauf les bouvreuils.
Des pas dans la neige, il faut approvisionner ce restaurant aussi.
 Le seul bonhomme de neige qui supporte la chaleur, bien plus que cette froidure !
Et toujours cette superbe lumière mais il fait vraiment glacial.
C'est avec ce Pu Er sans fin que je vais me réchauffer.
Le breuvage devient légèrement plus clair à présent mais les saveurs sont toujours présentes où domine celle de camphre.
Je ne sais combien de fois l'eau a réveillé ces belles mais ce qui est certain c'est qu'elles ont encore des choses douces à offrir... je les laisse un temps, j'ai envie de lire.
Mon thé de lecture, un Yunnan vert griffé Terre de Chine et 3 petits livres, petits par la taille et le nombre de pages pas pour le contenu. Après l'extase du thé, celle des mots...
Après le souper, retour dans ma pièce préférée. Les belles attendent mais cette fois c'est la fin, elles ont tout donné.
Sans l'une, les autres seraient restées figées.
Beaucoup d'émotions en admirant ces vieilles dames, cette brique a quelque chose de magique, elle évolue vraiment, vers des saveurs plus complexes, j'ai pénétré ici dans l'âme du thé...
Un dernier regard aussi sur les branches du charme déguisées, et je vais m'écraser devant la télé pour regarder ... La mélodie du Bonheur (pour la énième fois), mon mari m'a demandé si je n'étais retombée en enfance, mais que nenni, j'ai gardé mon âme d'enfant!