jeudi 31 mai 2012

Quand travail et plaisir ne font qu'un...

Dernier jour d'un mois très contrasté, à la fois des craintes pour la santé de mon mari, ce qui m'empêche de voyager comme je le souhaiterais, mais aussi des week-ends improbables et très riches de rencontres, d'échanges et d'émotions gustatives intenses liées à l'ingestions de Feuilles qui, elles, m'ont fait voyager. Aujourd'hui, je vais rechercher des informations sur l'arrivée du thé en Europe; c'est Kris qui m'a donné l'idée de ce billet en me demandant des infos sur les relations des Portugais et le thé ( http://la-theiere-nomade.blogspot.com/2012/05/surrealisme-la-retrolfaction.html )
J'ai sorti les livres qui, de mémoire, parlent de l'histoire du thé. C'est un vrai plaisir pour moi de me replonger dans ces livres dans lesquels je découvre chaque fois des détails qui n'avaient pas retenu mon attention lors de précédentes lectures. Surtout quand je peux le faire dehors!
Mais avant cela, évidemment, de quoi me tenir en éveil sans m'énerver. J'ai choisi ce thé vert du Fujian, Perle de Neige, dont j'ai déjà parlé ici e. a. http://la-theiere-nomade.blogspot.com/2012/04/il-etait-temps.html .
 Je l’infuse d'abord à chaud dans cette théière en verre pour observer les feuilles, les voir se développer et colorer la mère du Thé. Je l'infuse également à froid pour l'après-midi. Je suis toujours impressionnée par les parfums et les saveurs que dégage ce breuvage traité différemment.
 L’aspect des feuilles après 2 infusions ne m’est pas inconnu, je suis curieuse de découvrir celles infusées à froid. L’infusion à froid après 3 heures est vraiment très légère, trop pour moi, j’attendrai encore et je me mets au "travail".
 Je commence par cette surprenante Monographie, je le feuillette d’abord me remémorant ce que j’ai ressenti en découvrant certains passages, entre "stupeur et tremblement", des rires et des fous rires également… Je n’en reparlerai pas mais si vous aussi… c’est ici : http://la-theiere-nomade.blogspot.com/2010/09/vais-je-continuer-la-lecture.html http://la-theiere-nomade.blogspot.com/2010/09/suite-de-la-monographie-du-et-des.html http://la-theiere-nomade.blogspot.com/2010/09/monographie-du-suite-mais-pas-fin.html . Le premier chapitre s’intitule Histoire du Thé et son introduction en Europe. Et je trouve les informations recherchées dès la première page : "Une spéculation de la compagnie des Indes-Hollandaises, constituée en 1602, amena la première importation du thé dans nos contrées. (…) Ils leur expédièrent une grande quantité de sauge qui leur fut payée en thé, dans la proportion de trois livres de cette dernière substance contre une de la première. Ils vendirent à Paris ce thé, qui ne leur revenait qu’à huit ou dix sous la livre, jusqu’à 30 et même 100 francs". Le style de l’auteur et les prix indiqués nous rappellent que ce livre fut écrit en 1843. Même si j’ai déjà une réponse, il n’est pas question que je me contente d’une seule source, il s’agit de confirmer ou d’infirmer l’information.
Deuxième ouvrage : Histoire du Thé, de Paul Butel, paru en 1997 aux Editions Desjonquères dont le deuxième chapitre s’intitule L’Europe découvre le thé. Nous avons ici une information supplémentaire : " (…) L’Europe de la Renaissance connaissait dès le XVIe, la boisson de l’Asie à travers les écrits des premiers missionnaires occidentaux et des voyageurs portugais. Cependant elle ne devait la découvrir par elle-même qu’un peu plus tard par l’intermédiaire des Hollandais, au début du XVIIe siècle. "  Voilà donc la première mention des Portugais et du thé. Ils ont donc fait découvrir le thé par leurs écrits et ce sont donc bien les Hollandais qui ont amené LA feuille. Par contre, les auteurs divergent au sujet de la date : "Les Hollandais de la Compagnie des Indes orientales auraient effectué un premier transport vers 1606 et la tradition voudrait que ces marchands aient échangé aux Chinois la sage contre le thé. Mais ce n’est qu’en 1637 que la consommation du thé en Hollande est mentionnée pour la première fois : "Comme le thé commence à entrer en usage chez certaines personnes, écrivent les directeurs de la Compagnies des Indes orientales, nous en attendons quelques jarres de Chine ou du Japon sur chaque vaisseau." Une information sur la qualité du thé de l’époque (mais aussi une autre date encore) nous est donnée plus loin : "On commençait à s’enthousiasmer pour un produit cher : selon le Père Alexandre de Rhodes, en 1653, les Hollandais qui apportaient le thé à Paris le vendaient fort cher près de 30 francs la livre alors qu’ils l’achetaient en Chine à 8 ou 10 sols et ne craignaient pas de le livrer « fort, vieil et gasté." L’auteur ne donne pas la date de ce texte mais il date d’avant la transformation du AS en Â, et vieil se dit maintenant vieux. Ces 2 livres donnent les informations les plus complètes, normal, l’histoire du thé en est le sujet. D’autres livres corroborent ces données.
Ainsi Olivier Scala dans le chapitre Une aventure millénaire  nous donne quelques informations supplémentaires et anecdotiques : "(…) Marco Polo (1254-1324) signale le désordre des maisons de thé mais rien sur le thé lui-même. (…) L’arrivée de la première cargaison, dans le sillage des épices, du café et du cacao, date de 1606 à Amsterdam en Hollande. " Cette date correspond à celle citée par Butel.
Outre-Atlantique, sous le titre Quelques repères historiques, une autre date encore : "1610 : Premières importations de thé répertoriées en territoire européen (Amsterdam) par les Hollandais. »
Et enfin, dans le Thé, la merveilleuse histoire, écrit par Laurence Catinot-Crost, publié en 2008 chez Atlantica, l’auteure écrit dans le chapitre intitulé Le thé à la conquête de l’Europe et du monde que : Le jésuite portugais Jasper de Cruz, établi en Chine, étudia avec intérêt le thé et ses vertus, vers 1560. On trouve la première mention du « chai catai », en Europe, dans un texte écrit à Venise en 1559. »
 Je m’attendais à trouver dans ce livre très documenté d’autres précisions sur les Portugais et le thé.
 Et notamment sur Catherine de Bragance, princesse portugaise ayant épousé Charles II d’Angleterre. On lui attribue d’être l’initiatrice de la vogue du thé en Angleterre, il semble que, s’il est avéré qu’elle en buvait, ce ne soit pas confirmé. Voilà, chère Kris, j’espère que le très agréable travail auquel je me suis livrée aujourd’hui te satisfera.
 J’ai eu envie de terminer ce billet par quelques mots sur Le culte du thé, écrit par un Portugais Wenceslau de Moraes, amoureux fou du Japon, et publié à Kobe en 1905. Une très longue introduction (29 pages) nous raconte la vie de ce personnage hors du commun. Il étudia et décrivit tous les aspects du Japon de l’époque et entre autres le thé : "C’est la boisson de tous, riches et pauvres, la boisson qui étanche la soif, qui parfume le palais de subtils arômes et qui peut-être entretient chez ces bonnes gens, grâce à ses proprités légèrement enivrantes, capiteuses, la bonne humeur, le sommeil léger, la fine acuité des sentiments, la petite pointe de fièvre stimulante, perpétuelle, que révèlent les yeux noirs brillants, les moqueries, les éclats de rire. Voilà mon vœu le plus cher pour ce pays que j’aime au plus profond de moi-même: que le Japon ne cesse jamais de boire du thé ! (…) J’ai sous les yeux cet arsenal exotique, à côté de la table où je travaille et médite : je prépare moi-même l’infusion, religieusement ; de temps en temps j’en bois, je savoure l’âpreté bizarre de la première gorgée, la sensation sucrée qui s’ensuit et qui persiste tel un baiser sur la bouche ; et si, par miracle, dans ces pages palpite une phrase de vérité intense, peut-être est-ce au thé que je la dois." Je parlerai une autrefois du Culte du thé, proprement-dit, un texte magnifique, pas tendre avec l’Europe et ses "valeurs " et qui se termine par un beau conte, le Roméo et Juliette japonais…
 Infusé plus longtemps, le thé a plus de saveur mais aussi plus d’amertume, contrairement à celui infusé à chaud. Par contre, en observant les feuilles, je constate qu’elles ne se sont pas toutes développées, il y a encore pas mal de bourgeons. Même s’il était très rafraîchissant, j’ai fait une erreur en infusant ce thé à froid, les feuilles n’ont pas tout donné et les infuser plus donnerait une trop grande amertume. Ainsi se termine une merveilleuse journée d’un mois de mai qui le fut aussi.

lundi 28 mai 2012

Surréalisme, la rétrolfaction...

Aujourd’hui, c’est certain, je ne bouge pas d’ici, je dois me remettre de mes émotions, pas positives celles-là, d’hier soir ! Je suis rentrée dans un état second, comme en état d’ébriété et j’ai voulu "guérir le mal par le mal", en infusant un de mes thés préférés du soir, un Dong Ding mais rien qu’en humant le contenu de la boîte, qui d’habitude chatouille déjà mes papilles et les met dans un état de bonheur anticipé, j’ai eu un haut-le-cœur et comme un vertige. LE choc ! Adeline et Nicolas m’avaient dit qu’ils avaient déjà connu cet état, moi jamais et j’aurais aimé rester ignorante de ce genre d’expérience. C’est donc en manque et perturbée que je me suis endormie. Ce matin, mon premier geste a été de reprendre la boîte de Dong Ding et là, j’ai retrouvé ces parfums tant aimés.
Après un rapide petit-déjeuner, je vaque à mon occupation préférée : me choisir un thé, l’infuser et le savourer en pensant à cette chaîne humaine qui a fait parvenir ce nectar jusqu’à ma tasse grâce à l’amour du travail bien fait dans le respect absolu de la nature. J’ai choisi un merveilleux Sencha Iro de chez ThéÔdor qui à toutes les saveurs subtiles caractéristiques des grands thés japonais s’ajoute celle, à la fois forte et très douce d’un beau geste d’amitié. Et, pour compléter mon bonheur retrouvé, je l’accompagne d’une de ces petites gâteries sucrées, un sablé au cacao et au Qimen conseillé avec les thés verts dans ce Menu – Carnet de soif, reçu en souvenir hier. Revenons-y justement à cette journée surréaliste !
Il est près de 10 heures et comme chaque matin je fais le tour du jardin avec mon mari
pour terminer par la serre.
 M’entendant m’extasier une fois de plus sur les pivoines, mes fleurs préférées, bientôt en fleurs, il me demande si je suis sûre de quitter cela pour aller à Bruxelles alors que tout est bouclé, no comment… Ce sont les 20 km de Bruxelles et non Bernard, le surréalisme ne concerne pas ma participation à cette manifestation (= ma réponse à ton mail impertinent… j’attends que tu me montres l’exemple pour te suivre, je ne prends donc pas beaucoup de risque !).
J’arrive donc rue Bosquet pour prendre mon petit-déjeuner : un Matcha Chiyonoshiro.
Accompagné d’un moelleux au chocolat et Qimen.
C’est Eric, très concentré, qui me le prépare, je suis impressionnée par sa maîtrise du poignet, geste que je n’ai pas encore complètement acquis. Il m’apprend alors que c’est son passé d’escrimeur qui l’a aidé… je sais maintenant ce qu’il me reste à faire ! Adeline elle aussi s’y met, tandis que je sirote ce nectar vert fluo ; il vient du Jardin d’Eden, je suis presque à court du mien, je sens que je vais bientôt y aller, d’autant que c’est tout près de chez Lilicup… Pour le moment, pas besoin, j’ai tout ce qu’il faut ici.
 Le deuxième thé proposé m’est inconnu, c’est le Tamazioku Cha Yonkon, Il vient d’une maison que j’aime Le Comptoir Florian et où je ne suis plus allée depuis trop longtemps, mais maintenant, cela va changer.
Les feuilles sèches dégagent un léger parfum de citron.
 La couleur de l’infusion est elle aussi d’un beau jaune citron brillant, curieux pourun thé japonais.
 Il est incroyablement frais, exactement ce qu’il faut par ce temps.
En voilà un qui est proche de l’extase…
 Tout en sirotant le mien, j’observe avec intérêt ce que le thé provoque chez d’autres, ou quand l’Autriche et l’Italie partagent cette passion. Je les écoute parler avec Adeline et Eric de Venise, et de tous les coins incontournables pour manger … des pâtes ! C’est vrai que sur cette "île" on pourrait presque se passer de thé. Même au café Florian, si mes souvenirs sont exacts, il n’y avait, à côté d’un Darjeeling blend, que des thés parfumés. J’aime ces rencontres improbables dans un garage bruxellois, seul le thé peut provoquer cela.
 Et les gestes lents, concentrés et harmonieux de nos hôtes.
 J’achève la 2e infusion de ce surprenant thé japonais dont les saveurs sont si particulières, c’est un excellent désaltérant.
 Insatiable je suis, j’aurais voulu découvrir les Aiguilles d’Argent du Népal mais il n’y en a plus. Adeline m’en propose un autre, le Bai Hao Yin Zhen, encore un thé très rafraîchissant.
J’aime ce thé à la couleur claire, à la saveur sucrée qui me fait penser à du raisin blanc, bizarre.
Les infusions se succèdent, de plus en plus longues et une saveur plus fleurie maintenant.
Les belles ont maintenant tout donné, il est temps de passer à autre chose, je suis loin d'avoir fait le tour de la carte de soif....
J’attends d’être conseillée et j’écoute Adeline conseiller 2 nouveaux arrivants.
Très séduits par les pâtisseries de la maison deline.
Proposition suivante et alléchante, comparaison de 2 Baozhong de chez Teasmith.
Un "green Oolong",
aux feuilles très légèrement fermentées.
 Et un "light roast Oolong",
aux feuilles plus foncées. Je suis curieuse de voir ce que cela va donner.
Rien qu’à l’œil on voit déjà la différence de ces 2 thés d’un même terroir traitées différemment. L’un nettement fleuri, l’autre fruité mais tous deux sucrés.

 Les feuilles infusées montrent bien la différence : ici tirant sur le vert profond.
Ici tirant plus sur le brun.
Deuxième infusion, la différence de couleur est plus marqué, par contre, et cela m’étonne, pas beaucoup d’évolution dans les saveurs.  
Devant l’enthousiasme des commentaires de ces 2 gourmets qui me font saliver,
 je fais une pause et me laisse tenter par ces miso biscuits aux noix et au sésame.
Voici maintenant une charmante famille portugaise, 3 générations réunies dans ce lieu. En sortant Monsieur nous rappelle que ce sont les Portugais qui ont introduit le thé en Europe.
De quoi me donner l’occasion d’admirer une fois de plus le calme et le savoir-faire de ceux que je ne présente plus.
Entourée de 2 nouvelles arrivantes, dont ma voisine de table, une "récidiviste" elle aussi. Ils sont impressionnés par ce qu’ils découvrent et posent beaucoup de questions sur les différentes façons d'infuser le thé.
Tout en étant très concentrés, Adeline et Eric répondent et je suis toujours aussi impressionnée par leur calme.
Et toujours ces gestes si élégants…
Troisième infusion de ces 2 Baozhong.
Je suis émue, je me revois dans les plantations de ce grand thé taïwanais, ah la nostalgie... Mais là, je suis très étonnée, si la couleur reste belle, la saveur s’est fortement atténuée, particulièrement sur le "light roast Oolong". Ils ont pourtant été infusés avec soin et dans les règles.
Pourquoi ces feuilles ont-elles déjà tout donné ?
Cela ne correspond pas à ce que je connais de ce thé. Je me sens un peu bizarre mais Adeline elle-même les a goutés et confirme. J’ai la tête qui tourne, comme si j’étais saoule… d’après mes très vieux souvenirs, cela ne m’est arrivé qu’une seule fois un 15 août au fin fond de la Grèce, après 3 verres de retsina !
Adeline me conseille de manger quelque chose et je ne me fais pas prier, ces shortbreads sont d’ailleurs conseillés avec les Baozhong entre autres. .
Voilà maintenant 2 autres habitués, à leur air, ils sont bien ici aussi…
La journée n’est pas terminée, très loin de là...
Une joyeuse bande, des amis des propriétaires du garage, viennent d’arriver, ambiance assurée… Il est près de 19 heures, mon état ne s’arrange pas, je n’ai même plus envie de thé !
J’ai passé 8 heures merveilleuse dans ce lieu aussi improbable qu’éphémère, eh oui c’était la der des ders… mais quand ils liront le livre d’or, cela les inspirera peut-être et leur feront changer d'avis.
Je ne repars pas les mains vides, dans ce sac spécial se trouvent quelques petits paquets non pas de thés mais de gâteries dont j’attends avec impatience les recettes (déjà merci Adeline).
 J’ai aussi reçu ce Carnet de soif, un autre souvenir de ces 3 week-ends féériques qui ont suivi les 4 jours passés à Teaworld. Ce "simple morceau de papier" va trouver sa place dans ma boite à trésors...
C’est sur cette superbe photo qui me touche particulièrement tellement elle représente ce que vous nous avez offert que je quitte LE lieu. Encore MERCI d’avoir imaginé faire découvrir le thé autrement, je ne regarderai plus jamais les garages de la même manière. Mais plus sérieusement, la Voie du Thé, vous l’avez en vous, vous avez merveilleusement illustré les 4 vertus de cette Voie: Harmonie, Respect, Pureté et Sérénité. Vous avez inventé une autre manière de boire le thé dans ce lieu à jamais imprégné de cet Esprit du Thé. En rédigeant ce billet, mes 5 sens sont en action : je revois des tas de visages croisés dans ces moments hors du temps, j’entends les interrogations, les questions, vos réponses et le bruit de l’eau ; je sens encore les parfums subtils de ces thés d’exception, je me rappelle  les saveurs de ces feuilles si bien traitées, comme si je les goûtais encore, bref j’ai touché le Nirvana, c’était palpable chez vous, aux émotions gustatives intenses s’en sont ajoutées d’autres liées à la passion. A dans 2 ans pour le parcours d’artiste et au mois de juin pour une Tea party dans ma campagne, mais ce ne sera pas dans le garage… sauf si vous y tenez vraiment, et que vous l’aménagez ! "Les gens du thé sont une même famille". Vous en faites partie maintenant.