mercredi 27 février 2013

Un an déjà


Il y a un an jour pour jour, mon Amie s’en est allée dans la dignité, comme elle l’avait souhaité… Je n’oublierai jamais ces moments intenses qui ont couronné plus de 50 ans d’amitié. "Il y a des jours, des mois, des années interminables où il ne se passe presque rien. Il y a des minutes et des secondes qui contiennent tout un monde." Cette phrase est de Jean d’Ormesson, un de ses auteurs fétiches qu’elle m’a fait connaître, résume si bien nos tout derniers moments ensemble. Même si elle vit en moi comme mes Grands Absents, je me sens triste et un peu seule aujourd’hui, ces sentiments bizarres liés au manque.  Et les grandes questions sur la finitude, l’après dont nous avons tellement parlé, je n’en parle plus aujourd’hui, c’est je crois ce qui provoque cette tristesse et cette solitude, la richesse et la profondeur de nos échanges. Tout en savourant du thé japonais, le seul qu’elle buvait, j’ai pensé à tout cela et à des souvenirs joyeux aussi et ce qui domine maintenant c’est cette chance inouïe de l’avoir eue, je suis privilégiée… Merci ma chère Chantal, ma Soeur pour tout ce que tu as été et es toujours pour moi... 

lundi 25 février 2013

En attendant la "goutte d'eau"...

Ce matin après avoir dormi comme un bébé (effet bénéfique des herbes fines d’hier ?), j’aurais dû sortir. 
Mais en voyant l’état de ce qui fut un chemin, 
et celui de ma voiture, j’ai renoncé. 
Je me suis occupée de cette superbe azalée qui fleurit très bien mais perd beaucoup de feuilles. Je n’ai pas la pratique de ces plantes, il faut que je sache si c’est normal.  Après cela, j’ai infusé un Long Men Xiang de Thés de Chine et j’ai essayé de me replonger dans le roman de Yasushi Inoué mais peine perdue, je n’accroche vraiment pas. Je suis un peu excitée et je sais pourquoi… Je dois me calmer et pour cela une douce tisane : le Jardin d’Alix griffé ThéÔdor
Mon programme de cet après-midi. 
Il y a un certain temps que je n’ai plus goûté à cette brique de vieux Pu Er ramenée de Taipei. 
Infusée dans Grande Anse dont j’ai parlé ici : http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2009/01/elle-sappelle-grande-anse-je-lai.html
Après 2 rinçages immédiats, je commence les passages successifs. Et je me rappelle avec beaucoup d’émotion ce lieu magique d’où provient cette galette, il porte un nom qui dit beaucoup : Au bonheur serein et paisible : http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2008/09/une-rvision-trs-personnelle.html 
La liqueur est brillante et très goûteuse, d’abord des saveurs prononcées de sous-bois après la pluie. 
Grande Anse a le don de magnifier ces feuilles. 
J’ai tout à coup envie de déblayer cette neige même si je ne compte pas sortir, je me sens bouclée. 
Je rentre me réchauffer en continuant les infusions qui au fur et à mesure deviennent plus sucrées. Et mes pensées s’envolent maintenant entre Bordeaux et le Passeur de théières et ici depuis que David m’a informé qu’une "goutte d’eau se dirigerait vers la Belgique"… Cette métaphore me fait rêver, il ne s’agit évidemment pas de pluie ! 
Les belles sont loin d’avoir tout donné, je vais continuer en relisant un autre roman historique de Bernard Tirtiaux que j’ai aimé autant que Le Passeur de Lumière
Les sept couleurs du vent raconte le périple du jeune charpentier Sylvain Chantournelle pour parfaire son art. On emboîte les pas de ce compagnon pendant une trentaine d’années faites de joies, de malheurs, de belles rencontres aussi ; c’est son indéfectible rêve qui le fait se mesurer à l’impossible et le dépasser. 
Elles ne sont plus très jeunes  mais elles ont encore de la ressource et des choses à dire, je les remets dans la théière, j’y reviendrai demain. Je continue cette passionnante relecture. C’est très rare que quand j’ai été emballée par un premier roman, je le sois également par les suivants. J’ai en tête 2 romans qui m’ont emballée : Le Parfum et Les Piliers de la Terre. Après les avoir relus, j’ai acheté Le pigeon, je ne l’ai pas achevé, quant au roman de Ken Follet, je ne me souviens même plus du titre ! Encore une très belle journée, avoir des passions embellit le quotidien parfois morose. 
Je reçois à l'instant un courriel de Lydia Gautier que je me fais un plaisir de relayer ici avec toutes mes félicitations à cette véritable professionnelle, à la fois rigoureuse et créative:J'ai le plaisir de vous annoncer que 1001 Secrets sur le Thé a remporté samedi soir au Cookbook Fair au Carrousel du Louvre le "Best in the world" Gourmand Awards 2012. C'est un prix pour lequel  "Thés et Mets : Subtiles Alliances" avait été finaliste France en 2009... 

dimanche 24 février 2013

Un week-end surréaliste, tout en contraste

Hier, j’avais décidé qu’après la corvée courses, je passerais le week-end dans mon salon bleu-thé, loin du monde : samedi musique, lecture, méditation, thé et dimanche, un billet sur les tisanes et préparation de l’atelier-dégustation thé à Andenne. Il n’en fut rien, une hallucinante proposition de mon mari en a décidé autrement… Je dois remplacer la hotte qui fait un bruit d’avion au décollage mais je dois aussi me résoudre à remplacer ma cuisinière, alors que les taques sont encore parfaites, le four de cette vieille compagne de plus de 20 ans fonctionne encore mais montre des signes de fatigue et d’usure, il n’est malheureusement plus vraiment fiable. Cela ne pressait évidemment pas, Xavier en a décidé autrement. Non seulement, il voulait que cela se fasse ce samedi mais de plus, il voulait m’accompagner « parce que je te l’offre et que j’ai une petite idée.» Ma stupeur passée, j’ai accepté. Bien mal m’en a pris… Si j’étais allée seule, c’était l’affaire d’un quart d’heure grand max, je voulais exactement la même. Nous voilà donc dans un premier magasin, et là j’entends mon mari demander au vendeur de lui montrer les plaques à induction et les fours encastrables, je ne veux ni l’un ni l’autre, et jusqu’à plus ample informé, c’est moi qui cuisine! C’était donc cela son idée… Pauvre Doudou, il n’a pas de chance, déjà j’ai du mal à accepter les cadeaux, surtout de ce type-là mais en plus sa réflexion m’a achevée, "je veux que tu aies le nec quand je serai mort." Là, je ne rigolais plus du tout, je commençais à être en manque… de plus, le vendeur ne me plaisait pas, nous sommes donc sortis pour nous rendre dans mon magasin habituel où j’avise un vendeur, je lui demande s’il a des cuisinières Bosch avec four à chariot (je n’en veux pas d’autre). Il m’annonce que dans cette marque, cela ne se fait plus mais il y a l’équivalent en Siemens. Je vais voir, elle me convient, OK, c’est vendu. Là, intervient mon mari en me disant que je ferai ce que je veux mais … il voudrait quand même avoir des renseignements sur les engins précités, et c’est reparti pour un tour ! Pendant ce temps, je vais jeter un œil sur les hottes pour constater que la mienne est vraiment une antiquité, j’en choisis une au hasard quand mon mari m’appelle car après avoir discuté avec ce vendeur à la patience archangélique, me propose un modèle bien plus puissant, bien plus ceci, bien plus cela, je ne discute pas, on prend, je n’avais jamais passé autant de temps dans ce genre d’endroit, j’avais hâte de quitter les lieux… sauf que. Nous allons nous asseoir pour finaliser l’achat quand mon mari constate qu’il est tout près des frigos américains. 
Nous en avons un depuis une quinzaine d’années, je ne comprenais donc pas son intérêt soudain pour la chose, cela commençait à drôlement m’énerver. Je serais partie si nous n’avions pas eu la mauvaise idée d’aller en une seule voiture pour une fois ! Moralité, j’étais coincée mais j’étais à mille lieues d’imaginer la suite… Il en a aussi acheté  un neuf pour les mêmes raisons ! J’aurais voulu me fâcher mais il avait l’air si heureux que je n’ai rien dit pour ne pas gâcher sa joie. 
Après avoir préparé le dîner-souper, j’ai passé la soirée dans mon cocon en partageant symboliquement cette Tisane de l’Abbaye  avec deux êtres qui me sont très chers. 
Le breuvage très doux et la musique de Bruch m’ont vraiment bien détendue. 
Ce matin, elle était là 
comme un linceul, mais cette fois, cela m’est égal, je passe la journée dans mon cocon ! 
Mais avant cela, le petit déjeuner avec mon mari et un drôle d’oiseau. 
Première partie du programme : thé et musique : le thé, un Tumsong issu du Jardin des cœurs heureux griffé ThéOdor. La musique, le Grand Jacques. Pendant près de 3 heures, à l’écoute de ce poète visité, écorché vif mais si touchant, me reviennent de merveilleux souvenirs d’adolescence, avec mon amie Chantal principalement, cette époque où nous refaisions le monde ; nous connaissions par cœur ses chansons, que nous jouions à la guitare. Emotions intenses, pendant ses derniers jours l’année dernière, elle a souhaité que nous revisitions cette période folle, pas facile mais tellement excitante… Trois théières plus tard, le cœur heureux, je passe à la deuxième phase : thé et lecture. 
Changement de décor, un Houjicha griffé Tamayua infusé dans cette jolie théière japonaise. C'est un très bon thé de lecture.
Pour accompagner la lecture de La tuile de Tenpyô de Yasushi Inoué. 
C’est la 4e de couverture qui m’a décidée, j’aimais aussi les branches de cet érable japonais… J’aimais l’idée de cette quête évoquée brièvement d’autant que la 3e phase de mon plan est la méditation. Je dois avoir un vrai problème avec la littérature japonaise, je ne suis pas du tout rentrée dedans… Je le reprendrai plus tard, j’espère que j’accrocherai alors, ce ne serait pas la première fois, déjà avec Le Maître de Thé du même auteur, j’ai dû m’y reprendre à 2 fois : http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2011/07/il-y-un-temps-pour-tout-et-je-netais.html . Je m’apprêtais à entreprendre la 3e partie du programme, la méditation, quand mon mari est arrivé en me disant qu’on me demandait au téléphone et que je ne serais pas déçue. Dois-je préciser que cet engin n’a pas droit de cité dans ce lieu hors du temps ? Je descends donc au galop me demandant qui je trouverais à l’autre bout du fil, j’ai tout imaginé sauf cela : c’est Gabrielle que j’ai encore de temps en temps au téléphone, qui m’annonce que 2 anciennes collègues voulaient me parler… je ne les avais plus ni entendues ni vues depuis 30 ans. D’autres intenses émotions ont nourri ma méditation…, on a décidé de se revoir dès qu’il ferait meilleur. Décidément, c’est la journée des beaux souvenirs. 
Après ce moment de nostalgie, préparation du billet sur les tisanes, appelées Herbes fines par ThéÔdor dont les écrins sont des boîtes bleues, de quoi me faire craquer. Je ne parlerai plus de la Tisane de l’Abbaye, voir ici : http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2012/12/premier-jour-de-lhiver-et-dune-nouvelle.html mais de 2 autres, la camomille et la verveine. Le livre, je l’ai depuis le siècle dernier mais si j’ai regardé toutes les superbes photos, je n’avais lu que les quelques pages consacrées au thé. Pour chaque herbe, on pourra découvrir 3 côtés : jardin, tisane, beauté, je ne m’attarderai qu’à ce qui est dit de la tisane. 
Je commence par la camomille dont j’ai déjà parlé aussi (http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2013/01/a-chacun-son-metier.html ). Voici ce qu’en dit ThéÔdor : "Elle a la couleur du soleil, de là d’où elle vient ! Cette tisane digestive, souvent rangée dans « les boissons de grand-mère », est pourtant aujourd’hui omniprésente dans nos produits du quotidien et prisée par de nombreux amateurs de tous âge. La raison en est très simple : La réputation de cette plante n’est plus à refaire, tant on lui prête des principes énergisants, analgésiques, digestifs, anti-inflammatoires, pour ne citer qu’eux …
Chez Theodor, nous l’aimons depuis toujours, et nous vous proposons les plus jolis boutons de cette plante radieuse.
Temps d’infusion conseillé : de 4 à 6 minutes avec une eau à 85°c."
Qu’en disent les auteures du livre. "Prises en infusion, les fleurs de camomille sont connues depuis toujours pour leurs vertus toniques et stomachiques. Elles apaisent les digestions difficiles, calment une migraine naissante et diminuent les petites fièvres."  Plus loin il est dit que "pour adoucir son incontestable amertume, il ne faut pas hésiter à édulcorer l’infusion avec du miel ou du sucre", je suis étonnée, je n’ai pas du tout perçu cette amertume, question de dosage peut-être. Une pause pour préparer le souper et le partager avec mon mari. 
Je passe maintenant à la verveine. Pour ThéÔdor : Le saviez-vous ? On la surnomme aussi "L’herbe de Vénus"Cultivée depuis l’Antiquité, on attribue à la Verveine mille vertus : lutte contre les migraines, la nervosité, tonique circulatoire, douleurs gastriques, rhumatismes … Mais elle est surtout connue pour ses bienfaits apaisants, pour s’offrir un petit moment de pause confortable. Cette plante se consomme tout le temps, et de toutes les façons : peut-être une des herbes les plus aromatiques de toutes les plantes, elle vous ravira aussi bien en infusion qu’en cuisine ou en feuilles dans votre bain !
Temps d’infusion conseillé : de 4 à 6 minutes avec une eau à 85°c."
 Et le livre, moins complet : "Elle possède des vertus légèrement sédatives et apaise les maux dus à une mauvaise digestion". On signale toutefois "qu’il ne faut pas en abuser, car à haute dose et en cas de prise prolongée, la verveine peut provoquer une irritation de l’estomac".  Rien par contre sur sa saveur ni sur le dosage. Je l’ai trouvée amère, je pense qu’il s’agit aussi d’une question de dosage, je recommencerai. Pendant tout ce temps, j'ai eu une pensée émue pour ma filleule, clouée au lit par une grippe canon, courage ma Puce, pense à samedi prochain! Ici s’achève un week-end inattendu, surprenant mais finalement plein d’émotions. Je ne parlerai pas ici de mes aventures avec Pay Pal et un virement européen, c’est un message codé, tout est rentré dans l’ordre maintenant, il me suffit d’attendre la suite…  

mercredi 20 février 2013

Des travaux qui m'enchantent!

Ils auraient dû se faire hier, mais la fée électricité s’est transformée en sorcière maléfique pendant plus de 5 heures, résultat, plus de courant, plus de thé donc et accessoirement, plus de chauffage ni de possibilité de cuisiner non plus. Alors, ce matin, j’étais très impatiente de voir arriver Jean-Charles, cet artisan aux doigts d’or ! 
Une belle lumière dans un ciel tout bleu malgré le froid piquant. 
Et un Yamato Kabuse Sencha griffé ThéÔdor pour tromper l’attente. 
Mon regard se porte sur ce mur, il va bientôt y avoir du changement. 
Et sa sœur jumelle aussi va changer d’affectation. Pour le moment le mur est vide, pour Pâques il sera à nouveau occupé. 
Quelques heures plus tard… les Tea for One - je refuse de les appeler égoïstes - vont temporairement prendre place ici. 
Quant aux jumelles, elles sont maintenant vouées à la musique…  
Mais voici le plus grand changement : une étagère consacrée uniquement à  mes théières en terre. Je suis ravie du résultat, merci cher Jean-Charles pour ce travail, j’ai toujours été fascinée par ceux qui savent utiliser leurs mains associées à leur cœur : aimer son travail, et leur tête pour traduire et adapter les élucubrations de la pauvre intellectuelle que je suis ! Quelques heures plus tard, il ne me reste "plus" que le nettoyage. 
En effet, faire des trous dégage de la poussière, beaucoup de poussière !  Même si je déteste cela, dans mon salon bleu-thé, je retrouve mon instinct de perfectionniste, après 3 heures tout ce qui devait l’être est impeccable, je continuerai demain parce que je ne sens plus mon dos, mes épaules, et même mes doigts ! Je reprendrai mes lectures aussi et la préparation du prochain atelier thé, j’ai encore le temps, il a été reporté au 17 mars au lieu du 10 pour cause de carnaval à Andenne, mais j’ai des envies de mer du Nord, de Londres ou de Paris… Je n’ai pas beaucoup bu de thé aujourd’hui, je me rattraperai demain !

dimanche 17 février 2013

Un week-end improbable et exceptionnel

Il est une heure… du matin ce samedi. Je reviens de la cathédrale de Chartres. Eh oui. Je me sens en forme, je n’ai donc pas envie de me rendormir. Direction mon salon bleu-thé encore plongé dans cette nuit noire, sans étoile ni météorite. 
Les belles reposent dans leur écrin de terre, je vais les réveiller. 
Elles ont retrouvé leur générosité et m’offrent cette liqueur de la couleur du soleil, qui me ramène à ce voyage dans le temps, l’espace et de merveilleux souvenirs de lumière et de vitraux. J’ai toujours été fascinée par les vitraux. Depuis mon enfance. Née dans une famille catholique pratiquante, je m’ennuyais un peu à l’église le dimanche. Le latin, un prêtre qui, même magnifiquement paré, ne montrait que ses talons et sa tonsure qui m'intriguait, des enfants de chœur, uniquement des garçons, - les filles n’y avaient pas droit – alors que j’aurais aimé en être, tout cela m’ennuyait mais une chose me passionnait : les vitraux et leurs jeux de lumière. 
C’est à tout cela que je pensais tandis que les infusions se succèdent. 
Tout comme tout ici ce liquide brillant et lumineux, j’avais l’impression que ces vitraux vivaient grâce précisément à leurs jeux de lumière. Et je me plonge maintenant dans mon adolescence et ce coup de foudre que j’ai eu pour les vitraux de la cathédrale de Chartres, leurs bleus éclatants qui les transfiguraient. Dans les années 60, je suis allée deux fois en pèlerinage à Chartres avec mon amie Chantal. Nous étions toutes les deux éclaireuses et nous aimions cette idée de marcher en priant et en chantant. Je suis particulièrement émue en évoquant ces souvenirs très lointains, il y a un an, cette amie de plus de 50 ans vivait ses derniers jours avant d’aller, en pleine conscience et sérénité, dans cet ailleurs dont on ne revient pas: http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2012/02/adieu-mon-amie-ma-soeur.html )
La liqueur a pâli mais pas ces souvenirs extraordinaires. 
J’infuse une dernière fois cet Oolong des Concubines. Il est devenu plus boisé. 
Il n’y a pas que la lumière des vitraux qui transforment les choses. 
La lumière du flash aussi. 
Comme un jeu d’ombre 
et de lumière, même artificielle. Après un petit-déjeuner partagé avec mon mari, je file à la librairie. 
J’en reviens très excitée avec LE livre qui occupe mon esprit depuis un vendredi printanier. Il y sera encore question de voyage au Moyen Age et de lumière à une époque où les vitraux étaient, avec les chandelles, les seules sources de lumière dans les chapelles, les églises et les cathédrales. 
J’aurai besoin d’un thé de lecture qui me tiendra éveillée sans m’énerver, je suis réveillée depuis plus de treize heures. Cet Oolong au ginseng, le Thé des Princes griffé ThéÔdor fera l’affaire. Je me plonge alors dans ce livre qui, en fin du siècle passé, m’avait fascinée, j’aime l’histoire passionnément et donc  les romans qui y font référence.  Je retrouve avec émotion certains passages qui m’avaient déjà frappée à l’époque, comme cette citation que j’avais complètement oubliée : " Nous sommes des nains montés sur des épaules de géants" signé Bernard, maître (verrier) à l’école de Chartres – XXIe siècle, tiens, tiens. Et un sourire dès la première phrase du prologue qui met tout de suite dans l’ambiance de l’époque : "Vieille mémoire me revient des pays infidèles." Et un petit plongeon dans cette enfance où on nous faisait à prier pour les "païens" (qui n’avaient rien demandé) et dans le cours d’histoire, on y apprenait que Godefroy de Bouillon a mené la première croisade pour délivrer Jérusalem des "infidèles". A l’époque, tout cela ne me choquait pas, une dichotomie évidente : les bons et les méchants, le paradis et l’enfer, un monde coupé en deux, heureusement nous étions du bon côté. Et je pense à l’instant à cette parole d’Albert Jacquard : " Classer pour ne pas penser." Je ne savais pas alors que ces croisés n’étaient pas loin s’en faut de preux chevaliers… Des preux chevaliers, il y en eut mais, comme le dit l’auteur de cette épopée : "(…) ils ont souffert de la barbarie de la croisade, du fanatisme de la chrétienté qui cautionna les plus infâmes exactions. Ils ne parleront jamais de la prise de Jérusalem, qui fut un monstrueux et incontrôlable massacre, face auquel les preux atterrés se trouvèrent impuissants. Ils tairont cette "guerre sainte" qui s’est avilie dans l’horreur et la répression, aussi gratuite qu’ignoble (…)" (pp. 104-105). Les heures passent, les pages se tournent, ma 2e théière est vide. 
Mais petit à petit, malgré mon envie d’aller plus loin, je n’arrive plus à vraiment me concentrer, mes paupières se font de plus en plus lourdes. Alors, après avoir relu la 4e de couverture, je referme ce livre en pensant à demain j’aurai tout le temps de ne faire que ce que j’ai envie, mon mari passe la journée avec sa meilleure amie avant son départ pour l’autre bout du monde. 
C’est pleine d’allégresse que je me suis réveillée après une longue nuit réparatrice. J’aime ce paysage brumeux des petits matins. Et tout est redevenu vert, un signe.
Après un petit-déjeuner vite expédié, tout est prêt, c’est avec un Pu Er de La Maison de la Chine que je reprends ma lecture. 
A la fin de la matinée, après avoir vidé 2 théières de ce Pu Er très en phase avec les routes boueuses empruntées par les pèlerins, je vais m’aérer un peu au jardin où, abrités sous les rhododendrons, je découvre les premiers crocus alors que je n’ai trouvé aucune trace des perce-neige, les premières sorties d’habitude, bizarre. Le dîner est vite expédié, j’ai mieux à faire. 
Un Long Men Xiang de Thés de Chine accompagnera cette fois ma lecture. La théière où dominent les ors et les bleus me fait penser aux vitraux de Chartres où j’étais la nuit dernière… 
Il est passé seize heures sans que je m’en rende compte. 
Le temps pour moi d’une pause méditative après avoir admiré ce beau ciel bleu à l’image de cette journée exceptionnelle, cela sent le printemps. 
Je m’empare de cette boîte qui contient un trésor, le Sichuan Hong Mao Feng de chez Cha Yuan que m’a offert ma jeune sœur sur les conseils de Sanmao. C’est d’ailleurs chez elle que je l’ai découvert il y a un certain temps déjà. 
Le parfum assez capiteux qui se dégage de ces superbes feuilles sent la rose et les agrumes, et je ne sais pourquoi, il me fait penser à des notes d’encens. 
Je choisis le verre pour les infuser, ce matériau à la base des vitraux. Et pour accompagner ma méditation, des chants grégoriens. 
Après 2 infusions, 
La liqueur ambrée est toujours aussi douce mais ce sont maintenant des notes de chocolat qui se dégagent de cette belle infusion. 
J’en suis au 4e passage, les feuilles sont maintenant tout à fait épanouies. 
Les chants mélodieux se sont tus, ce sera la dernière infusion dans l’ombre 
comme dans la lumière. 
Un dernier regard aux belles qui ont tout donné, une pensée reconnaissante aux cueilleuses et je retourne à ma lecture. Le soir est tombé maintenant, mon mari est rentré, je continuerai la relecture du Passeur de lumière demain. Encore un merveilleux et improbable week-end s’achève comme un beau prélude au printemps tout proche maintenant.