Je
suis encore dans cet état quasi indicible d'hier. La plupart du
temps les moments de bonheur même intenses sont assez éphémères,
le quotidien reprenant sa place, notre esprit lui emboitant le pas
les transformant en beaux souvenirs comme de jolies parenthèses.
Pour moi, ce bonheur n'a pas encore de passé, il m'enveloppe, me
berce, me prend entièrement, le temps s'est arrêté, est-ce cela
l'éternité ? La nuit dernière, j'ai pendant des heures écouté
de la musique : cantates de Bach, chants grégoriens, ce
livre-CD intitulé Musique du silence me parle particulièrement :
"Celui
qui a compris que les trajectoires du soleil, des étoiles et des
âmes, ne s’effectuent pas au hasard, dans le néant, tient son
cœur prêt pour l’heure où l’univers entrera en extase. Car les
objets ne sont pas muets : l’immobilité est chargée
d’exigences, elle attend l’âme qui inhalera le mystère que
toutes choses exhalent, dans leur soif inextinguible de communion".
A ce beau texte, il faut adjoindre la lune, resplendissante cette
nuit.
Et le thé bien sûr, celui que j'ai encore infusé un
nombre incalculable de fois jusqu'à ce que les Belles aient tout
donné, elles attendent maintenant d'entamer leur deuxième vie :
bercer mes rêves. Leur histoire a commencé hier à Hasselt, il est
temps de reprendre la balade dans ce jardin japonais,
une autre
belle histoire racontée par Charles. En effet, il a été
réalisé grâce à la collaboration entre la ville d'Hasselt et
celle d'Itami. Ce petit fascicule nous explique les caractéristiques
de l'art des jardins japonais en commentant chaque élément.
Comme ici, cette lanterne de pierre "ayant
pour modèle une lanterne du temple Sennyu – ji
de
Kioto, où reposent les cendres des plusieurs empereurs japonais".
L'eau et les pierres sont des éléments essentiels de ce jardin,
toujours associés à une symbolique particulière.
Si celle de
l'eau est évidente, les roches représentent les montagnes en
miniature. "Il
existe une autre raison (...) les roches sont inaltérables, dans le
jardin, elles sont les éléments indestructibles par les éléments
et par le temps".
L'énorme bloc de pierre pèse près de 14 tonnes...
"L'ensemble
des roches de gneiss métamorphique (...) totalisent un poids
approxomatif de 650 tonnes". Ceci
termine les infos techniques.
Entre la maison de cérémonie et
une partie de ceux que l'on fête ce dimanche se trouve une petite
ère de repos, c'est là que nous nous sommes installées après voir
quitté Staf et ses étudiantes. Nous avions décidé de fêter ce
jour si particulier en partageant du thé,
c'est Anne-Marie qui
a commencé en chauffant ces 2 beaux bols.
Dans la boite, du Mao
Feng de Wuliangshan,
un Yunnan
vert de
chez Aaron Fisher dont Anne-Marie et Sabine ont abondamment parlé
lors d'une autre rencontre mémorable:
http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2015/03/commenttraduire-en-mots-tout-ce-que.html,
j'ai vraiment hâte de le rencontrer, dici-là il faudra que je me
plonge dans son livre The
way of TEA - Reflections on a Life with Tea...
En déposant délicatement les feuilles dans les bols, elle me
rappelle ce retour à l'essentiel comme était préparé le thé dans
les premiers temps : de l'eau, des feuilles un bol. Sen no Rikyu
n'a rien dit d'autre des années plus tard : "Qu'est-ce
que le thé ? Faire chauffer de l'eau. Y battre la poudre de thé
et boire. Saisir l'essentiel".
L'eau vient maintenant réveiller les feuilles.
C'est en
silence que nous observons son travail.
Prendre le bol à 2
mains pour observer les feuilles.
C'est un thé tout simple me
dit-elle. Mais qu'est-ce que cela signifie ? Faut-il un thé
cher, haut de gamme, pour parler à notre âme ? Ou est-ce
seulement lié à un certain snobisme, que nous avons nous aussi...
Un thé, quel qu'il soit, donne toujours tout ce qu'il a à offrir, je
parle ici de vrais thé évidemment, en feuilles et pas réduit en
poudre comme dans certains sachets.
Tandis qu'elle verse une
deuxième fois l'eau, elle parle du bol, on le porte à hauteur du
cœur pour observer les feuilles reprendre leur état naturel au
contact de l'eau.
Il est rond, il n'a ni commencement ni fin, il
est profond pour retrouver la profondeur de la vie, il est cependant
limité en hauteur, comme l'est la vie.
Et elle continue :
la vraie valeur du bol, c'est le vide qui se remplit... Avant de me
l'offrir "en souvenir de ce que nous avons partagé ici
aujourd'hui". A cet instant, il est devenu inestimable...
Quand le quotidien sera un à nouveau un peu lourd, j'infuserai dedans de simples
feuilles en me remémorant ces moments hors du temps. Merci, un mot
un peu trop pauvre pour exprimer ce que je ressens...
Ces simples
feuilles ont tout donné, elles reposent à présent au pied de ce
cerisier majestueux.
O Hanami, contempler les fleurs, est un
jour férié au Japon, c'est dire son importance dans un pays où les
35 heures sont un concept incompréhensible. La nourriture partagée
en famille fait partie des festivités, dont les mochi.
Le
soleil brille, il fait merveilleusement doux, pour les accompagner,
retour à ce cocktail à l'Hanami
impérial.
Au Japon, c'est plutôt le saké qui coule à flot...
L'occasion aussi de composer ou de lire quelques haïkus qui
célèbrent ce grand moment.
Retour à la fête chinoise de la
Pure lumière, à mon tour d'offrir un thé à mon amie, infusé en
gong fu dans ce set de voyage, acheté à L'heure
bleue que
je vais utiliser pour la première fois. Dans ce bel écrin, le
fabuleux Wild
BT shan cha,
et les intenses rétrolfactions qui y sont liées :
http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2014/11/retrolfactions-souvenirs-proches-et.html.
Après avoir ébouillanté la théière et les tasse, première
infusion de ce Oolong
très
torréfié de Taiwan dont le parfum puissant nous promet des émotions
gustatives intenses.
Et que dire de la couleur de ces
feuilles...
En bouche, c'est l'extase dès les premières
gorgées, Anne-Marie est conquise et pourtant elle en a vu d'autres,
elle a un palais beaucoup plus fin que le mien et j'ai plaisir à
l'entendre décrire avec tant de précision ces saveurs à la fois
fortes et subtiles.
Les passages se succèdent dans ce lieu
enchanteur, celui-ci sera malheureusement le dernier, les thermos
sont vides. Ce qui est certain, c'est que je continuerai à vider mes boites avant de me réapprovisionner, mais celui-ci sera l'exception, je n'en ai aucun autre qui donne ces saveurs... Et je pense qu'Anne-Marie fera de même.
Avant de continuer notre balade, brève rencontre
avec ces cosplay, charmant(e)s derrière lesquelles nous avons vidé
l'eau du bateau à thé. Je ne connaissais pas du tout ce monde
jusqu'à ce que mon beau-fils à l'époque envoie des dizaines de
photos de Taipei où ils sont légion(s)... Mais c'était avant,
maintenant il a un autre sujet central dans son existence !
Ici quelques marches nous conduisent à la plage de galets d'où on
peut admirer le ballet des kois, et une fée des eaux...
Et les
cerisiers toujours qui ici forment un écran entre le jardin et le
ring juste derrière.
Tout au long de la journée, le parc a
retenti de ces musiques particulières, mais il est plus de 18
heures, il ne reste plus que les instruments.
Nous devons aussi,
à regret, penser au retour.
Mais pas avant d'admirer ces fleurs
particulièrement éphémères qui ont tant inspiré les poètes
parlant de ces fleurs fragiles comme une métaphore de la vie,
lumineuse et belle mais passagère.
Et tout à côté, plus
imposant, mais encore en dormance, ce chêne plus que centenaire...
Et
l'eau encore, ce paysage un peu mystérieux dans le contre-jour.
Nous avons toutes les deux le même réflexe : caresser ces
bourgeons
pour qu'ils nous transmettent la force de leur sève.
En voulant immortalisé cette ère de repos où nous avons tant
partagé, je découvre avec stupeur le nom de cet if... venijnboom ,
arbre à venin!
Nous nous dirigeons à présent vers la sortie
en passant par ce Tori, ce portail traditionnel japonais qui sépare
la partie spirituelle de la partie temporelle... Ce long week-end
pascal se termine dans l'allégresse, je suis toujours dans cet état
d'hier de sérénité absolue mais mon corps m'annonce qu'il est
fatigué, il ne refera pas un nouveau tour d'horloge, je vais
l'écouter pour une fois... Je n'admirerai pas la lune cette nuit.
4 commentaires:
Magnifique Francine.
Comme si j'étais avec vous.
Bonjour Francine
Merci, pour l'excellente surprise ;) magnifique set de voyage...
bon thé sur ta terrasse ?
Bise
@ "Anonyme": Merci "S", si je ne me trompe pas, c'est vrai que c'était magique, si le paradis existe, il devrait ressembler à ce jardin...
@ Cathy: ce fut un plaisir dans ce cadre idyllique. J'ai hâte d'utiliser à nouveau le set. Un thé sur ma terrasse, pas vraiment malheureusement, il ne faisait pas encore assez chaud. Je t'ai envoyé un courriel avec des dates possibles pour fêter l'Hanami... des azalées! Bonne fin de soirée, bises
Bonsoir Francine!
Merci pour ce partage magique! C'est un peu comme si on y était :-) J'y ai ressenti beaucoup d'émotions! Je vous imaginais bien toutes les deux!!! ^^ Ca me manque ces 'petits' partage en petit comité!!
Biz et bon thé
Sugi
Enregistrer un commentaire