Un
sentiment étrange me submerge en cette froide soirée, c'est la
dernière fois que je vais contempler le ciel sur ma terrasse, demain
4 décembre, jour de la sainte Barbe, nous déménageons. Il fait
nuit noire je suis anormalement calme, comme anesthésiée, la tête
vide, aucune pensée ne me vient, c'est vraiment bizarre, il vaut
mieux que j'aille me coucher... Ce matin, il fait très froid, des
gelées blanches recouvrent tout le jardin mais j'ai trop envie
d'aller une dernière fois embrasser mes arbres, bien emmitouflée,
je ne risque rien et j'ai besoin de leur énergie.
8H17, la
sonnette retentit, c'est le camion de déménagement, bleu pâle,
pompeusement nommé Romulus.
Les déménageurs commencent par ce
qui fut mon salon bleu-thé. Puis pièce par pièce. C'est maintenant
qu'un malström de sentiments m'envahit, mélange de tristesse, de
peur mêlée à de l'excitation face à ce nouveau départ... Je suis
impressionnée par la force herculéenne de ces hommes, je suis
incapable de les regarder sans rien faire, j'ai donc voulu participer
et ce qui devait arriver arriva : je me suis littéralement
cassé le dos et malgré un mal de gueux, je souris en pensant à
cette sagesse tibétaine que j'aurais mieux fait de suivre : "Si tu écoutes ton corps lorsqu'il chuchote, tu n'auras pas à
l'entendre crier". J'ai eu beaucoup de difficulté à
rejoindre notre nouveau lieu de vie, mon dos me lançait comme des
décharges mais je ne l'ai pas laissé m'envahir, il fallait bien que
j'ouvre la porte à ce camion et vu mon état, je voulais être
certaine d'y arriver ! Là, j'ai cru devenir folle de rage,. Ce
n'était plus les gens sympas que j'avais admiré de l'autre côté,
ils n'en faisait qu'à leur tête, un premier exemple, dans la
buanderie j'avais demandé que le séchoir soit à droite du
lave-linge, ce qu'ils n'ont pas fait "pas d'importance, c'est
la même chose". Concernant les caisses, je leur ai
demandé de les empiler, "ça on fait pas, on pourrait casser
celle d'en dessous…" Impuissante, je n'avais qu'une envie, voir
leurs talons plutôt que leurs pointes et me retrouver seule avec mon
Doudou pour apprivoiser notre nouveau chez nous !
Installés
à la cuisine, nous admirons cet instant magique du jour entre chien
et loup.
Il fait très paisible et nous savourons ces moments
hors du temps, prémices d'une nouvelle belle vie malgré les
circonstances, je me suis en effet juré que sa dernière ligne
droite serait flamboyante, qu'il oublie le très sale coup qui lui est
tombé dessus ! Si mon mari a retrouvé son lit avec plaisir,
j'ai dû étrenné le mien, ma chambre est beaucoup trop petite pour accueillir le mien. Ce ne fut pas une réussite d'autant que mon dos
poussait des cris assourdissants, il faudrait qu'il se calme !
D'habitude, le mercredi je me délecte de La Grande Librairie et ce
soir au programme, une interview d'un de mes chouchous littéraires,
Christian Bobin sauf que nous sommes coupés du monde, du moins d'un
certain monde : téléphone fixe, Internet, télévision et ce
jusque vendredi 14H30...
Ce matin, dès potron minet, j'ai
savoure ENFIN mon premier vrai thé dans mon salon, j'ai choisi un
ancien Shui
Xian 2009 griffé
Postcars
teas,
Il vieillit vraiment bien, il reste fougueux avec des arômes à la fois miellés et boisés. Après un moment de méditation intense – je
n'en avais plus pratiqué depuis longtemps -, je feuillette un de mes
carnets de lecture, ce que j'y lis correspond exactement à ce que je
vais vivre tous ces jours-ci:
"La
vraie richesse
D’une
table préparée pour le thé
Réside
dans sa capacité à sublimer le quotidien,
À
illuminer ce moment privilégié
Et
à célébrer l'heure où s'arrêtent
Les
exigences de la journée"...
Et
ces exigences ne sont pas de celles que j'affectionne
particulièrement, et c'est un euphémisme majuscule ! Ah si ma
coach pouvait se dédoubler…
Mon mari dort encore, je déjeune
donc seule face à cette terrasse d'où j'aperçois un matin brumeux,
et pour accompagner ce petit-déjeuner salé, je réinfuse ce nectar,
les vieilles dames ont perdu un peu de leur fougue qui ont fait place
à des saveurs miellées. Mon esprit vagabonde mais pas trop le temps
de rêvasser, préparation du petit-déjeuner de mon mari avant de
retourner à Groenendael pour aller faire quelques courses
alimentaires et vider le frigidaire. Et là, LE CHOC, je m'aperçois
que ces "professionnels" ont bâclé la fin de leur
travail, je suis hors de moi mais que puis-je faire ? J'étais
tellement furieuse que j'en ai oublié le saint Nicolas en spéculoos
signé Dandoy ! D'habitude, c'est Xavier qui se
charge de cela mais je veux lui faire la surprise, j'en suis quitte
pour y retourner mais demain, les techniciens viennent faire le
transfert qui nous permettra de renouer avec le monde virtuel, ce
sera donc pour samedi. La journée se termine très bien, je suis à
nouveau connectée mais n'en profiterai guère, j'irai rejoindre les
bras de Morphée quand j'aurai envoyé mon billet, j'espère que mon
dos restera silencieux cette nuit, demain j'ai mille choses à
faire ! J'espère reprendre mes rituels, ils me manquent
tellement...
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