dimanche 26 mai 2019

Entre le Paradis et l'enfer du choix impossible

Après un début de semaine pendant laquelle j'ai vu plus de blouses blanches que la couleur des Feuilles, je vais me rattraper. En effet, j'ai peu profité du bien-être qu'elles me procurent parce qu'en sortant de la clinique, j'ai chaque fois l'impression d'être imprégnée d'une odeur que je ne peux définir mais qui influe sur ma façon de célébrer les Feuilles, en lien peut-être avec ce que représente ce lieu où l'on guérit mais aussi où on meurt ?... Je me suis réveillée tôt ce vendredi et déjà les oiseaux s'en donnaient à coeur joie dehors. En pénétrant dans mon salon bleu-thé inondé de soleil, j'ai eu envie d'un Sencha
Tandis que chante la bouilloire, j'admire le paysage, ce contre-jour annonce une journée splendide. 
De ma terrasse, un ciel bleu parsemé d'un troupeau de moutons blancs me donne envie d'y rester… 
Mais pas sans mon breuvage que je savoure par petites gorgées en contemplant ce qui m'entoure. Cela fait des lustres qu'inlassablement j'observe cette Nature et c'est toujours la même émotion... Que dire face à tant de beauté ? Rien, contempler, admirer et la remercier ! La théière est vide, une deuxième infusion s'impose : surprenant de se trouver au bord de la mer au milieu de ce jardin d'Eden, les notes marines dominent dans la première infusion, mais dans la seconde, elles sont plus douces, végétales aussi, du gazon fraîchement coupé. Une pensée pour Kris en savourant la dernière tasse avant de descendre pour préparer le petit déjeuner. 
Nous ne sommes pas les seuls, 
le voilà maintenant qu'il se prend pour un oiseau! Après quelques courses que je range dans le frigo, je retire du congélateur un écrin contenant un fabuleux nectar. 
L'eau versée donne déjà des bulles avant même que la poudre soit fouettée, bizarre… 
A la façon Urasenke: belle mousse dense? 
Ou omotesenke qui préfère de grosses bulles? (merci Cathy de m'avoir encore appris!) Un peu des deux, je dirais mais quoi qu'il en soit, cette Mousse de jade me mène au nirvana. Une jolie petite phrase me revient à l'esprit : KISSA YOYO-KI, (boire un thé, c'est prolonger la vie) ... surtout au paradis ! J'y serais bien restée mais il est temps de regagner la cuisine, je dois préparer le dîner. Je redescends l'écrin que je place à nouveau au congélateur quand mon mari me demande si cela ne me dérange pas qu'il aille manger dehors avec un ami... Un plaisir de lui faire plaisir d'autant que j'ai tout de suite une idée en tête : 
L'écrin ne reste pas longtemps en bas, la toute fine poudre de Matcha tapisse à nouveau le chawan ! 
N'est-ce pas, stylisé, la carte du pays du chrysanthème le long du bard, et toujours ces bulles. Je ne me rappelle pas en avoir les autres fois, serait-ce parce que j'ai mis la boîte au congélateur, est-ce un effet du choc thermique ? A creuser. 
En portant ce breuvage à mes lèvres, je repense à un passage de L'élégance du hérisson (que j'ai lu, relu et rerelu) que m'a envoyé mon neveu Stéphane du fond de la Grèce : https://la-theiere-nomade.blogspot.com/2008/11/le-th-japonais-santorin-quelle-lgance.html, il y a 11 ans déjà mais toujours aussi émue... Comme le texte est petit et la couleur choisie pas très appropriée, je le recopie ici : Comme Kakuzo Okakura, l'auteur du livre du thé, qui se désolait de la révolte des tribus mongoles au XIIIe siècle non parce qu'elle avait entraîné mort et désolation mais parce qu'elle avait détruit, parmi les fruits de la culture Song, le plus précieux d'entre eux, l'art du thé, je sais qu'il n'est pas un breuvage mineur.. Lorsqu'il devient rituel, il constitue le cœur de l'aptitude à voir de la grandeur dans les petites choses. Où se trouve la beauté ? Dans les grandes choses qui, comme les autres, sont condamnées à mourir, ou bien dans les petites qui, sans prétendre à rien, savent incruster dans l'instant une gemme d'infini ? Le rituel du thé, cette reconduction précise des mêmes gestes et de la même dégustation, cette accession à des sensations simples, authentiques et raffinées, cette licence donnée à chacun, à peu de frais, de devenir un aristocrate du goût parce que le thé est la boisson des riches comme elle est celle des pauvres, le rituel du thé donc, a cette vertu extraordinaire d'introduire dans l'absurdité de nos vies une brèche d'harmonie sereine. Oui, l'univers conspire à la vacuité, les âmes perdues pleurent la beauté,l'insignifiance nous encercle. Alors, buvons une tasse de thé. Le silence se fait, on entend le vent qui souffle au dehors, les feuilles d'automne bruissent et s'envolent, le chat dort dans une chaude lumière. Et dans chaque gorgée, se sublime le temps". Je suis très émue, d'abord par l'attention de mon cher neveu, mais aussi par le contenu de ce beau texte, tout y est dit... Je me contente d'une salade pour dîner, 
Mon thé de lecture est prêt : un Dong Ding d'automne infusé à froid, parfumé aux petites fraises bio. 
Ma terrasse m'attend pour une après-midi estivale et studieuse 
sauf que j'ai peur de m'assoupir, bercée par les rayons généreux de l'Astre du jour, je me retire alors dans mon cocon pour découvrir Le sapin baumier, Kakabeka, nord-ouest de l'Ontario. La batterie de mon appareil montre des signes de faiblesse, je vais donc la recharger, demain, je serai en vadrouille... Il ne faudra pas que j'oublie de la remettre ! Ce samedi, ô mauvaise surprise, il fait tout gris et le ciel déverse son trop-plein sur une Nature qui en a bien besoin. Je croyais mon imper dans la voiture mais il n'y était pas et je n'avais plus le temps de faire demi-tour pour aller le chercher, je me suis donc fait rincer copieusement et c'est trempée que j'ai fait le voyage, impossible de me réchauffer. 
Je grelottais à un point tel qu'à peine descendue du train, j'ai acheté un café à la première échoppe de cette superbe gare. Ce chaud breuvage à défaut d'exciter mes papilles m'a mis un peu de chaleur dans le corps.... 
La vraie chaleur, celle qui réchauffe l'âme, c'est ici que je la trouverai. C'est tout émue que je pénètre dans ce petit coin du pays du Soleil levant où j'aime tant me poser. 
A peine installée, un cocktail d'accueil, Sencha d'automne parfumé de fraises fraîches. Cathy l'a infusé à froid toute la nuit au frigo. Dans le même temps hier, je faisais presque de même ! Très frais, doucement fruité mais vu mon état, j'ai hâte de boire du chaud… 
Ce sera un Sencha Fukamushi de Kyushu, près du volcan Sakura, le petit biscuit, à base d'amazake surmonté d'une noix de cajou est d'un moelleux qui fond dans la bouche. Le thé donne des notes à la fois marines et végétales qui caresse mon palais et me fait voyager comme chaque fois. 
Il accompagnera très bien ce repas dont la vue d'ensemble, comme une palette colorée, excite mes papilles. Mais je commence par la soupe miso, bien chaude avant d'observer dans les détails ce qui me fait saliver. J'aime l'idée de ces petits raviers séparés évoquant des univers différents qui s'harmonisent si bien et offrent un repas très équilibré que je savourerai lentement, m'imprégnant de ces saveurs subtiles en pensant à celui qui l'a préparé avec art et modestie, MERCI Koji ! 
A commencer par cet assortiment de légumes cuits à la vapeur, un cube d'omelette japonaise et des haricots de soja et algues hijiki. 
Assortiments de salades vertes variées pas du tout sorties de sachets, graines germées, jets de soja, radis et tatami de saumon que je prends le temps de mâcher, j'aime le croquant des légumes qui contraste avec la douceur du saumon. 
légumes frits avec cette fameuse chapelure de là-bas, d'habitude je n'aime pas ce qui est pané, trop imbibé d'huile, mais ce n'est pas le cas ici. 
Et enfin, LA surprise : un filet de lingue sauce miso et oseille. Je n'ai jamais mangé qu'une fois ce délicieux poisson, il y a des lustres du côté d'Annecy, préparé à la provençale, à mon grand regret je n'en ai plus jamais trouvé, et voilà qu'ici... Ce poisson à chair assez ferme et très bien cuit et cette sauce s'harmonise remarquablement à son goût assez  "timide". 
Rassasiée, j'achève ce premier thé, d'autres m'attendent... En attendant le dessert, je regarde autour de moi, toutes les tables sont occupées, Cathy n'arrête pas ! Les conversations vont bon train, le niveau sonore est celui qu'on attend ici, c'est joyeux mais discret, j'aime vraiment cette ambiance familiale, les convives sont des habitués, comme je les comprends ! 
Une panacotta au riz amazake, compote de rhubarbe et fruit frais. Cathy m'explique que ce riz, fermenté sert à préparer le saké, je m'entends lui dire que la prochaine fois, j'en goûterai, on verra ! 
Par contre, chose rare, 
je n'ai pas apprécié le thé,
je ne le trouvais pas assez doux pour accompagner ces gâteries raffinées. Par contre, je l'imagine très bien avec des mets salés. 
Un petit dernier en guise de dessert du dessert, un Oolong Miyamisawaka , un thé bleu dans une tasse bleue me dit Cathy… 
D'habitude, je me méfie dans le genre les chiens ne font pas des chats mais ici, forte émotion gustative, une infinie douceur très florale et en arrière-goût, comme des notes d'agrumes ! Trois infusions parfaites. 
Il ne s'agit pas ici de la copie mal maîtrisée du savoir-faire chinois mais bien de l'appropriation d'une technique en tenant compte du terroir. 
J'admire aussi cette belle calligraphie qui porte la signature de Staf, elle peut se traduire par : "Même les vieux pins ne changent pas de couleur". 
Le restaurant commence à se vider ce qui permet à mon hôtesse de venir papoter un peu avec moi, mettre au point nos projets et de compléter mon carnet de notes. 
Je quitte à regret cette place qui m'est dorénavant réservée sous l'étang bleu des grenouilles heureuses, MERCI à vous deux pour ces moments hors du temps, je reviendrai dans pas longtemps et ne serai pas seule cette fois... Voyage sans encombres jusqu'à la gare du Nord où j'arrive bien à temps pour prendre ma correspondance voie 10, confirmé par le panneau d'affichage et un contrôleur sauf qu'il y a eu un changement de voie mais perdue dans mes pensées, je n'ai pas capté l'annonce. Or le week-end, il n'y a un train que toutes les 2 heures pour mon bled, je me voyais mal poireauté dans cet endroit sale et sans charme, de plus je commençais à avoir froid j'ai donc pris un taxi pour affronter l'enfer d'une circulation trop dense avec son concert de klaxons et je ne parle pas de la pollution ! Je retrouve avec joie mon mari qui m'attend avec impatience mais il me trouve une sale tête, je dois dire que j'ai le nez et les yeux qui coulent et le fond de la gorge remplie d'épingles, je n'aime pas cela du tout. J'ai commencé à rédiger mon billet mais j'ai vite arrêté, mes yeux picotaient. Malgré une tisane de thym + jus de citron chaud et de la propolis, j'ai passé une mauvaise nuit. 
Ce matin, j'ai aimé ce beau ciel un peu tourmenté comme moi, mes microbes ont tenté une nouvelle offensive… Je subis, ce qui n'est pas mon genre.
Malgré mon nez bouché, je tente une infusion de Keemun que je veux corsée pour pouvoir en percevoir la saveur mais ce sera le seul thé de la journée, je vais reprendre mon cocktail qui les autres fois m'ont réussi, désolée chère Kris, il faudra t'en contenter très momentanément... C'est avec des pieds de plomb que je suis allée voter, heureusement il y avait les européennes sinon je n'y serais pas allée sauf que même pour ces dernières, il n'y avait que des listes dans la même langue que celles des régionales et des fédérales, j'ai donc pour la première fois voté blanc. J'ai suivi les débats tant au Nord qu'au Sud du pays, ils ont très peu parlé d'Europe par contre les ergots acérés étaient de sortie pour sauvegarder leurs egos surdimensionnés + les invectives + les exclusives, où est le pays champion du compromis que j'ai aimé? Je ne veux plus cautionner cette mascarade, dorénavant sauf si cela change je n'irai plus voter, je préfère payer une amende ! Et je ne peux même pas me droguer avec mon breuvage, je ne goûte quasi rien. Triste fin de week-end...

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Encore une sortie de rêve ;-) Et j ai eu l impression d être présente « L étang bleu des grenouilles heureuses »:-)
Bon rétablissement bizouille

Cathy a dit…

Bonjour Francine

Oh j'espère qu'entre temps tu vas mieux ? Aujourd'hui les grenouilles doivent bien croasser, vu le temps dehors, j'avais aussi besoin de me réchauffer avec un thé que tu connais bien ;) Phongsaly Puerh :)

Bon rétablissement
Grosse bise

Ps: la mousse du dernier matcha : belle !!

Francine a dit…

@ A ma grenouille préférée: Figure-toi que la première fois que je les ai vues, c'est à toi que j'ai pensé

@ Cathy: Ici, il fait froid, venteux et pluvieux et je ne peux même pas me consoler avec un thé de circonstance

@ Vous deux: Toujours dans le même état, Xavier voulait faire venir le médecin parce que je ne tousse pas, j'aboie et je n'ai quasi plus de voix mais j'ai refusé, envie de voir personne dans cet état, je ne peux même pas lire ni écouter de la musique, j'ai mal à la tête. Vos gentils messages m'ont fait du bien par contre, bons thés, bisous et à très vite!

Mich.: j'avais le projet de venir à Namur samedi mais je crois que c'est compromis, snif, snif!

Anonyme a dit…

Tu ne pouvais pas lire non plus? Pauvres nous! Je souhaite que tu reprennes goût à tout, thés, musique et lecture. Avec mes plus affectueuses pensées K

Francine a dit…

@ Kris: HEUREUSE de te revoir ici après ces +/-15 jours d'abstinence forcée! Justement aujourd'hui, j'ai à nouveau pu boire notre boisson préférée et bien sûr je l'ai bue pour deux… Bonne journée, bons thés, bonnes lectures!