Les belles reposent dans leur écrin de terre, je vais les réveiller.
Elles ont retrouvé leur générosité et m’offrent cette liqueur de la couleur du
soleil, qui me ramène à ce voyage dans le temps, l’espace et de merveilleux
souvenirs de lumière et de vitraux. J’ai toujours été fascinée par les vitraux.
Depuis mon enfance. Née dans une famille catholique pratiquante, je m’ennuyais
un peu à l’église le dimanche. Le latin, un prêtre qui, même magnifiquement
paré, ne montrait que ses talons et sa tonsure qui m'intriguait, des enfants de chœur, uniquement des garçons,
- les filles n’y avaient pas droit – alors que j’aurais aimé en être, tout cela
m’ennuyait mais une chose me passionnait : les vitraux et leurs jeux de lumière.
C’est à
tout cela que je pensais tandis que les infusions se succèdent.
Tout comme
tout ici ce liquide brillant et lumineux, j’avais l’impression que ces vitraux
vivaient grâce précisément à leurs jeux de lumière. Et je me plonge maintenant dans mon
adolescence et ce coup de foudre que j’ai eu pour les vitraux de la cathédrale
de Chartres, leurs bleus éclatants qui les transfiguraient. Dans les années 60,
je suis allée deux fois en pèlerinage à Chartres avec mon amie Chantal. Nous
étions toutes les deux éclaireuses et nous aimions cette idée de marcher en
priant et en chantant. Je suis particulièrement émue en évoquant ces souvenirs
très lointains, il y a un an, cette amie de plus de 50 ans vivait ses derniers jours
avant d’aller, en pleine conscience et sérénité, dans cet ailleurs dont on ne
revient pas: http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2012/02/adieu-mon-amie-ma-soeur.html )
La liqueur a pâli mais pas ces souvenirs extraordinaires.
J’infuse une dernière fois cet Oolong des Concubines. Il est devenu plus boisé.
Il n’y a pas que la lumière des vitraux qui transforment les choses.
La lumière du flash aussi.
Comme un jeu d’ombre
et de lumière,
même artificielle. Après un petit-déjeuner partagé avec mon mari, je file à la
librairie.
J’en reviens très excitée avec LE livre qui occupe mon
esprit depuis un vendredi printanier. Il y sera encore question de voyage au
Moyen Age et de lumière à une époque où les vitraux étaient, avec les
chandelles, les seules sources de lumière dans les chapelles, les églises et
les cathédrales.
J’aurai besoin d’un thé de lecture qui me tiendra
éveillée sans m’énerver, je suis réveillée depuis plus de treize heures. Cet
Oolong au ginseng, le Thé des Princes
griffé ThéÔdor fera l’affaire. Je me plonge alors dans ce livre qui,
en fin du siècle passé, m’avait fascinée, j’aime l’histoire passionnément et
donc les romans qui y font référence. Je retrouve avec émotion certains passages qui
m’avaient déjà frappée à l’époque, comme cette citation que j’avais
complètement oubliée : " Nous sommes des nains montés sur des épaules
de géants" signé Bernard, maître (verrier) à l’école de Chartres
– XXIe siècle, tiens, tiens. Et un sourire dès la première phrase du prologue qui met tout de
suite dans l’ambiance de l’époque : "Vieille mémoire me revient des pays
infidèles." Et un petit plongeon dans cette enfance où on nous faisait
à prier pour les "païens" (qui n’avaient rien demandé) et dans le
cours d’histoire, on y apprenait que Godefroy de Bouillon a mené la première
croisade pour délivrer Jérusalem des "infidèles". A l’époque, tout
cela ne me choquait pas, une dichotomie évidente : les bons et les
méchants, le paradis et l’enfer, un monde coupé en deux, heureusement nous
étions du bon côté. Et je pense à l’instant à cette parole d’Albert
Jacquard : " Classer pour ne pas penser." Je ne savais pas alors que
ces croisés n’étaient pas loin s’en faut de preux chevaliers… Des preux
chevaliers, il y en eut mais, comme le dit l’auteur de cette épopée : "(…)
ils ont souffert de la barbarie de la croisade, du fanatisme de la chrétienté
qui cautionna les plus infâmes exactions. Ils ne parleront jamais de la prise
de Jérusalem, qui fut un monstrueux et incontrôlable massacre, face auquel les
preux atterrés se trouvèrent impuissants. Ils tairont cette "guerre sainte" qui s’est avilie dans l’horreur et la répression, aussi gratuite qu’ignoble (…)" (pp. 104-105). Les heures passent, les pages
se tournent, ma 2e théière est vide.
Mais petit à petit, malgré mon envie d’aller
plus loin, je n’arrive plus à vraiment me concentrer, mes paupières se font de
plus en plus lourdes. Alors, après avoir relu la 4e de couverture,
je referme ce livre en pensant à demain j’aurai tout le temps de ne faire que
ce que j’ai envie, mon mari passe la journée avec sa meilleure amie avant son
départ pour l’autre bout du monde.
C’est pleine d’allégresse que je me
suis réveillée après une longue nuit réparatrice. J’aime ce paysage brumeux des
petits matins. Et tout est redevenu vert, un signe.
Après un petit-déjeuner vite expédié, tout est prêt,
c’est avec un Pu Er de La
Maison de la Chine que je reprends ma lecture.
A la fin de la
matinée, après avoir vidé 2 théières de ce Pu
Er très en phase avec les routes boueuses empruntées par les pèlerins, je
vais m’aérer un peu au jardin où, abrités sous les rhododendrons, je découvre les
premiers crocus alors que je n’ai trouvé aucune trace des perce-neige, les
premières sorties d’habitude, bizarre. Le dîner est vite expédié, j’ai mieux à faire.
Un Long Men Xiang de Thés
de Chine accompagnera cette fois ma lecture. La théière où dominent les
ors et les bleus me fait penser aux vitraux de Chartres où j’étais la nuit
dernière…
Il est passé seize heures sans que je m’en rende compte.
Le temps pour moi d’une pause méditative après avoir admiré ce beau ciel bleu à
l’image de cette journée exceptionnelle, cela sent le printemps.
Je
m’empare de cette boîte qui contient un trésor, le Sichuan Hong Mao Feng de chez Cha Yuan que m’a offert ma jeune sœur sur les conseils
de Sanmao. C’est d’ailleurs chez elle que je l’ai découvert il y a un certain
temps déjà.
Le parfum assez
capiteux qui se dégage de ces superbes feuilles sent la rose et les agrumes, et
je ne sais pourquoi, il me fait penser à des notes d’encens.
Je choisis
le verre pour les infuser, ce matériau à la base des vitraux. Et pour
accompagner ma méditation, des chants grégoriens.
Après 2 infusions,
La liqueur ambrée est toujours aussi douce mais ce sont maintenant des
notes de chocolat qui se dégagent de cette belle infusion.
J’en suis au 4e passage, les
feuilles sont maintenant tout à fait épanouies.
Les chants mélodieux se
sont tus, ce sera la dernière infusion dans l’ombre
comme dans la
lumière.
Un dernier regard aux belles qui ont tout donné, une pensée
reconnaissante aux cueilleuses et je retourne à ma lecture. Le soir est tombé
maintenant, mon mari est rentré, je continuerai la relecture du Passeur
de lumière demain. Encore un merveilleux et improbable week-end
s’achève comme un beau prélude au printemps tout proche maintenant.
3 commentaires:
Passant prendre de tes nouvelles, je lis des instants apaisants de thé, de musique et de mots -j'ai aussi apprécié ce livre de B Tirtiaux- il y a des annonces de printemps dans le chant des oiseaux et dans une certaine lumière... "L'éclaireuse" reviendra-t-elle un jour à Thy-le-Château? Si oui, qu'elle n'oublie pas que j'habite à cinq minutes voiture de ce village et qu'elle est la bienvenue pour déguster un thé chez moi (loin de moi l'idée d'être une spécialiste de ce breuvage exceptionnel). Cordialement.
Quel beau billet comme il fait rêver et il m'appelle à la méditation, je pense bien sur à mon Abbaye , qui se situe au creux d'un vallon rempli d'énergie où il fait bon y boire un thé biz
@ Lune: merci pour ton passage et ton gentil petit mot. Thy-le-Château figure sur ma to do list printanière, je te tiens au courant. En attendant, tu es toujours la bienvenue ici! Biz, bonne soirée, bons thés.
@ Fab: merci à toi, tu me donnes vraiment envie de la découvrir ton abbaye... et ses vitraux! Biz, bonne soirée, bons thés
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