mercredi 17 février 2010

Het Omhelzen van de Maan, Spiegel van de Tangdynastie – Etreindre la Lune, Miroir de la dynastie Tang: Anvers jusqu'au 14 mars

Encore une journée exceptionnelle malgré un voyage Bruxelles – Anvers un peu long : 2 heures 30 pour faire 50 km, mais vu les circonstances… Me voilà donc dos à la Provinciehuis, pour "Etreindre la lune, miroir de la dynastie Tang", une des rares expositions qui jouent les prolongations, Europalia s’est officiellement terminée le 14 février. L’exposition n’est pas grande, elle occupe le rez-de-chaussée de grandes banderoles rouges pendent du plafond, sur chacune d’elle un poème calligraphié. Et je découvre la signification du titre de cette exposition: " Le titre de l’exposition (…) fait référence à Li Bai, l’un des poètes les plus célèbres de la période Tang, dont la vie remonte à la première moitié du 8e siècle. (…) Li Bai aimait tant la lune qu’il a voulu chanter ses louanges à l’occasion d’une randonnée nocturne en bateau et qu’il a tenté de l’étreindre. Il a hélas tendu les bras vers le reflet de la lune dans l’eau et cette étreinte lui a été fatale. Histoire vraie ou légende ? Ce qui est certain c’est que l’image du reflet de la lune dans l’eau et la comparaison avec un miroir reviennent fréquemment dans un contexte tant taoïste que bouddhiste. Les Chinois perçoivent en effet la lune comme étant un miroir du soleil, comme le yin en opposition au yang, comme le rêve et la méditation en opposition à la réalité, comme l’ombre du passé et de l’au-delà, en opposition à la réalité d’aujourd’hui, comme une illusion, impalpable et insaisissable, mais pourtant présente. (…)" Je suis sous le charme. Dès que la porte lunaire est franchie, une atmosphère très intime suscitée par la pénombre ; même l’éclairage des 2 grandes vitrines est tamisé. A l’intérieur des objets raffinés témoignent de la richesse de la vie à la cour. Autre salle, autre ambiance mais toujours ce raffinement. Je ne peux décrire toute la beauté de ces objets, comme par exemple ce miroir et sa symbolique : "Les miroirs accompagnaient souvent le défunt dans sa tombe. On croyait en effet qu’ils avaient le pouvoir d’entrainer la lumière du jour dans le tombeau pour préserver l’environnement du défunt de l’obscurité et lui offrir l’énergie. La plupart des miroirs chinois sont ronds et l’association avec la pleine lune est dès lors évidente". J’ai aussi beaucoup aimé la représentation des 12 animaux du zodiaque chinois. Le rat malin est suivi du buffle déterminé. Le tigre courageux et le lapin intelligent Puis, floutés par accident, le dragon, symbole de puissance et de royauté et le serpent subtil prêt à frapper. Cheval fidèle et mouton sensible et serviable.Et encore le singe légendaire et insoumis, le coq dégourdi et le chien fidèle Et pour terminer le cochon, promesse de réussite et de prospérité. Une dernière pièce superbe, pas directement visible ; il faut en effet pénétrer à l’intérieur d’une sorte de baldaquin pour pouvoir l'admirer de près. Il y aurait encore tant de choses à dire et quelques regrets : d’abord le catalogue, uniquement en néerlandais, qui reprend tous les objets de cette magnifique exposition. Autre regret : pas un mot de Lu Yu ni de son ami Jiao Ran un moine poète qui a écrit cette phrase qui m’a émue aux larmes la première fois que je l’ai lue et que je récite tout bas avant de pratiquer les cérémonies du thé : "J’hésitai à prendre ces feuilles semblables au jade pour les transmuter en une liqueur surpassant l’or"… C’est tout émue que quitte ce lieu éblouissant, j’ai un autre rendez-vous et d’autres émotions, gustatives cette fois. C’est le restaurant de Koji et Cathy, que je retrouve avec plaisir. Le traditionnel lunch aux saveurs tout en nuances et en légèreté, un bonheur pour les papilles. Riz et soupe miso évidemment. Puis le dessert : fruits frais, déjà en partie savourés et un moelleux au chocolat noir, crème fraîche et macha. Et pour terminer cette palette de saveurs, un thé évidemment. Un cadre sobre, 16 places. Formule lunch le midi et le soir 3 possibilités de menus, tout est fait maison avec des produits extra frais et bio. Mais aussi une originalité, la possibilité d’accompagner les plats avec des sakés en accord avec les plats du soir ! Ces sakés artisanaux proviennent de petits producteurs ; c’est la première fois que j’entends parler de cette formule… Après la fermeture du restaurant, Cathy et moi avons papoté de notre passion commune dans ce lieu sobre et harmonieux. C’est ainsi que j’ai terminé cette journée si riche de beauté, d’échanges et d’émotions, merci Cathy pour ces moments si vrais… Et question exposition, demain je remets cela !

9 commentaires:

Olivier Schneider a dit…

Merci Francine pour ces images et ces quelques lignes qui font réver, et depuis le Yunnan je vous souhaite la bonne année du tigre!

C'est agréable de voir que de telles pièces s'exposent, en europe, et visiblement avec en plus une scénographie à la hauteur du sujet...

Sans aucun doute un grand moment de sentir l'ame de ces objets, de se laisser bercer à travers eux par une culture que nous n'appréhendons souvant dans l'imaginaire de la lecture...

Il faut dire que si le Yunnan est le paradis du thé et que la culture vivante du thé y est très omniprésente, l'approche générale de la Chine face à sa culture et son passé a quelque chose de consternant. Bien qu'on vive ici quotidiennement les conséquences d'une culture millénaire, en en expose guère les traces, quand on ne les détruit pas totallement...

Tout batiment, village, quartier, patrimoine de plus de qq années est systématiquement détruit pour préparer à une vitesse fulgurant la chine de demain. La culture du passé semble systématiquement re-visitée pour devenir populaire, on ne peut allumer la télévision sans tomber face à une série télévisée aux scénario insipides sur fond des grandes dynasties chinoises, on reconstruit des faux vieux villages pour en faire des sortes de part d'attraction ethniquo-touristiques dont le seul bute semble d'être la consommation, on met en avant les minorités ethnique, sans pour autant conserver un certain patrimoine mais pour remplir les magasins...

Bref résolument une autre approche de la culture, où ce qui importe n'est que la conséquence sur un présent qui change à toute allure, et ou la trace, chère à nos yeux européens semble ne plus avoir la moindre valeur...

Bonne journée,

Framboise a dit…

Ce qu'écrit Olivier est vrai.
Effectivement, et imperturbablement, la Chine change, tourne le dos à son passé pour bondir "tel un tigre" vers l'avenir.
Cela fait peut-être également partie de sa "culture" : faire table rase du passé et sur ce passé déblayé bâtir autre chose.

Il faut souligner aussi le fait que la politique de Pékin pousse les gens à aller dans ce sens.
J'écoutais hier sur France Inter (l'excellente émission Allo la planète, entre 23h15 et 01h00) le commentaire d'un journaliste vivant en Chine qui disait que ce qui compte actuellement là-bas c'est l'argent et ce motto sans cesse martelé "enrichissez-vous".
Tout cela se fait bien entendu au détriment du passé (et pourtant un peuple sans passé est un peuple sans mémoire) et aussi au détriment de millions de chinois (et pas uniquement dans les campagnes) laissés de côté par cette marche forcée vers "un avenir radieux".

Mais derrière tout cela, il y a aussi, peut-être, l'envie de revanche, de retrouver et d'occuper la première place sur le podium mondial. Nous avons longtemps nié cette Chine pourtant millénaire (et à qui nous devons beaucoup), raillé cette "masse informe", laborieuse et silencieuse.
Alain Peyrefitte écrivait "quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera"... Comme ses énormes dragons qui font peur, la Chine est en marche et le passé visiblement lui semble si peu important (ou est-ce une entrave ?) qu'elle le laisse derrière.

Je ne suis pas pessimiste, un jour les choses changeront et ce sont les Chinois (à commencer peut-être par les artistes) qui jetteront un oeil bienveillant sur leur superbe histoire. Je croise les doigts pour que cela ne produise pas trop tard, quand tout sera détruit. Je fais confiance aux Chinois.

Les Japonais ont fait de même et ont beaucoup détruit (après la guerre) pour s'enfoncer dans les délices du consumérisme et d'une société purement marchande. Cà et là, cependant, il reste des pépites, des traces d'un passé lui aussi très riche et actuellement très protégé (voir "les trésors vivants" que sont certains artistes et artisans). Et une conscience que ce passé était important. Et puis avec un certain pragmatisme, il faut bien reconnaître que c'est aussi cette histoire et ce passé que les touristes recherchent.

En parlant des japonais, je suis très heureuse que tu découvres enfin (depuis le temps que je t'en parlais) MON restaurant préféré. Sans chichi, sans tralala, Koji et Cathy font des merveilles depuis le 11 mars 2006 (et avant même si c'était différent, c'était qualité et fraîcheur au rendez-vous). Et encore, Francine, tu n'as pas succombé aux délices du dîner !!!
Une autre fois ?

Un grand bonjour de Rotterdam où un superbe temps gris, humide, froid s'installe. Encore une joyeuse journée d'hiver à frissonner dehors !

Francine a dit…

Mille mercis à vous deux pour ces commentaires si éclairants. Je dois dire que pour moi Europalia Chine a été une grande réussite: la mise en scène des objets ont dépassé le concept de "simple exposition" mais ont rendu l'ambiance et la philosophie des différentes époques, concernant l'époque glorieuse des Tang notamment. Mon seul regret: pas un mot sur le thé... ou plutôt si, un seul à propos d'épingles à cheveux décorées de chrysanthèmes, j'en reparlerai!
Merci Olivier, d'avoir parlé de la Chine de là-bas
Quant à toi Framboise, je suis prête à revoir cette superbe expo, avec Patrick et toi... avant d'aller déguster les saveurs du soir de Yamada, du genre le 5 mars...

cathy a dit…

Merci à vous 3 pour continuer a m'enrichir intelectuelement....
Francine & Framboise vous êtes les bienvenus.

Anonyme a dit…

Francine, j'aime te suivre dans tes visites. Est-ce que tu sens, massés dans ton dos, tes lecteurs qui te poussent à cliquer et à noter? En tout cas, merci de partager si généreusement tes découvertes.
Kris

Sylviane a dit…

Je suis aussi d'accord avec toi qu'Europalia valait vraiment le déplacement (depuis la France en ce qui me concerne). Tout y était de grande qualité, la mise en scène était partout magnifique, voir somptueuse pour certaines des expositions mais comme toi un regret, un grand regret, le thé n'était pas présent. Pourtant il est indissociable de la Chine et de sa culture, de son histoire. Pourquoi cette absence ???

Serait-on monomaniaques et obsédées du thé ? Vraiment cela m'étonnerai....

Francine a dit…

@ Cathy: revenir? Tu peux y compter! Et plus tôt que prévu... Expo + Les saveurs de Yamada, c'est le bonheur!

@ Kris: merci pour ce gentil message! J'ai toujours eu la passion de la transmission et le thé m'a tellement donné que j'ai envie de partager mes découvertes. Et j'ai un rêve, pouvoir un jour partager en vrai une tasse de thé avec tous ceux qui se manifestent si gentiment sur ce blog...

@ Sylviane: monomaniaques, obsédées peut-être, envoutées certainement. Aujourd'hui, j'ai rencontré Shen Nong, à tantôt donc sur mon blog

Et ta soeur a dit…

Merci Olivier pour ce triste constat qui entraîne la stupéfaction. Et à Framboise pour sa sagesse.
J'ai lu il y a quelque temps un article sur la démolition forcenée de vieux quartiers pékinois malgré les procédures intentées par certains habitants. Il y a, semble-t-il, de nombreux palais, dans la Cité Tartare au nord de la Cité Interdite, avec de ravissantes cours carrées spécifiques à Pékin aux précieux jardins de roses, qui ont été anéantis sans état d'âme. L'un d'eux est à présent occupé par une banque... de la construction.
Il paraît que c'est le progrès mais est-ce une amélioration ?
Heureusement, il reste des témoignages picturaux, photographiques, littéraires de tous ces trésors culturels et Europalia Chine nous a donné l'occasion de nous en rendre compte à loisir.
Fondamentalement, il faut peut-être aussi se demander s'il est raisonnable que 5 personnes vivent sur 25 Ha alors qu'une population grouillante, elle-même chassée par d'autres destructions massives, vit dans des bidonvilles à la périphérie des grandes villes. Le débat est éternellement ouvert : quelle est la place de l'Humain quand argent rime avec d'abord ?

Francine a dit…

@ "Et ta soeur": que dire après cela? Je ferai un jour un billet là-dessus... parce qu'il y a un parallèle à faire avec le thé, malheureusement. Merci pour ce commentaire toujours é-claire-é