lundi 16 janvier 2012

Une journée flamboyante !

"Celui qui se perd dans sa passion est moins perdu que celui qui perd sa passion". Cette superbe citation de ... saint Augustin illustre bien ma vie ces derniers jours. Des thés, j'en ai consommé sans modération (évidemment) : Thés du matin, thés du soir, thés de lecture, thés partagés avec ma famille, thés de méditation, trop peu ces derniers cependant. Et un thé partagé chaque matin avec un Grand Absent à la saveur très particulière. Cela me laisse peu de temps pour écrire d’autant que je me suis égarée sur FB, où on ne trouve pas que des choses intéressantes, je n’en deviendrai pas accro, je n’ai de toutes manières ni le niveau orthographique ni le vocabulaire appropriés (MDR ou LOL comme on dit par là). Aujourd’hui, il fait glacial dehors, je vais donc rester bien au chaud dans mon cocon bleu-thé. Et avec ce mystérieux "thé oriental", déjà évoqué dans le dernier billet. Mon premier plaisir après avoir choisi le thé est de choisir le contenant dans lequel je vais infuser les feuilles. Et c’est ce beau sachet orange et jaune qui m’a inspirée. C’est toujours avec émotion que je me sers de ce matériel : ma première mer à thé, mon premier set de dégustation et, un peu plus tard, ma première théière Yixing avec le pot de réserve. Tous viennent de chez Thés de Chine, un de mes incontournables chaque fois que je me rends à Paris. Je dois beaucoup à Vivien, c’est lui qui a guidé mes premiers pas dans l’univers du thé en Chine et de la façon de le préparer. L’étape suivante, l’observation de ces feuilles non roulées, simplement torsadées et très foncées, ce qui indique une torréfaction poussée, le parfum, bien que très discret, ne trompe pas, nous sommes dans les montagnes du Phoenix. Avec une certaine impatience, je transvase les feuilles avec ces objets si simples et si sobres, en pensant à ceux qui, par un travail lent et précis, les ont cueillies et transformées. Imaginent-ils seulement le bonheur qu’ils procurent à nous, occidentaux ?Pendant que les feuilles, bien au chaud, se prélassent, je regarde cette belle carte panoramique et je pense à Ségolène et Patrick, mes généreux donateurs, je vois exactement l’endroit où je planterai ma tente… c’est l’habitat des nomades, non ? Et comme chaque fois, pendant cette infusion, je caresse cette théière à l'aide du pinceau, imaginant déjà ce qui va en sortir… J’ai répété ce geste de transvasement des dizaines et des dizaines de fois et pourtant j’ai chaque fois un pincement au cœur de peur que la théière, mal placée, se brise. J’y tiens beaucoup, ce set a été créé pour fêter les 10 ans de Thés de Chine en 2002. J’espère qu’il y aura une autre surprise cette année, il faut que je me renseigne, 20 ans, cela se fête ! C’est à présent le moment de la dégustation. Dans la tasse à sentir, déjà une explosion de parfums, fruits cuits, caramel. Un vrai bonheur. Et les mêmes saveurs, émotions gustatives assurées. Je déguste cette liqueur en pensant à ceux qui m’ont fait ce beau cadeau, nous nous sommes rencontrés précisément chez Vivien un beau samedi de novembre. Les infusions se succèdent, faisant évoluer les saveurs, de plus en plus douces. Et comme chaque fois que je prépare le thé en gong fu, je repense à cette Voie sur laquelle je chemine depuis tant d’années déjà, parsemée de si belles rencontres. Les feuilles infusées se sont bien ouvertes à présent, je n’ai pas compté le nombre d’infusions mais je pense qu’elles n’ont pas encore tout donné… je continue donc. Cette fois, ces Feuilles ont tout donné, je les admire une dernière fois avant de les rendre à la terre, heureusement celle des jardinières qui entourent mon salon n’est pas encore gelée. Je ressens un vrai bien-être après ces heures passées entièrement dans ce hic et nunc, j’ai profité entièrement du présent non pas pour me retirer du monde mais bien pour mieux être, en harmonie avec ma voie du thé, en pensées avec toutes celles et ceux qui m’ont aidée à la construire, qui cheminent avec moi, partageant cet Esprit du thé, sans frontière et sans œillères. J’ai pensé particulièrement à quelqu’un qui est dans la peine aujourd’hui, elle se reconnaîtra... Et j’ai aussi fait mienne cette belle locution latine Carpe Diem : cueille le présent sans te soucier du lendemain. Après une courte promenade dans ce jardin que j’aime tant, me revoilà, frigorifiée, dans mon salon bleu-thé. Il me faut d’urgence un thé bien chaud mais je veux rester dans l’ambiance de ce matin et en choisir un qui m’évoque ce monde du thé tel que je l’aime, une rencontre, des échanges et une ouverture d’esprit. Pour cela, je suis redescendue à la salle à manger où je garde d’autres thés, des trésors que j’emploie pour la cuisine et en particulier pour la pâtisserie. Je choisis cette fois le Thé du Loup, un thé parfumé donc. Mais pas n’importe quel parfum et pas n’importe quel thé, une vraie tuerie pour les desserts, la glace entre autres dès l’ouverture de la boîte, des parfums envoûtants de vanille, d’amande et mon péché mignon, le chocolat, que mes petits-enfants adoraient avec les gâteaux maison. Contrairement aux inepties lues sur FB, non les thés parfumés ne sont pas tous de "mauvaise qualité, aux arômes artificiels et vendus à des prix exorbitants." Je ne suis pas complètement naïve, il y en a bien sûr (et j'en ai fait l'expérience), comme il y a des thés nature de mauvaise qualité (idem). Ce que j’ai détesté dans ces affirmations péremptoires, c’est le ton ! Je respecte trop l’esprit du thé pour ne pas m’insurger contre les diktats d’ayatollahs qui décrètent que c’est comme cela. Déjà ils se sont rendus ridicules en montrant leur méconnaissance de l’histoire du thé, parlant de cette "habitude occidentale" des thés parfumés. Les thés parfumés existent en Chine depuis des siècles, et le Tchaï indien n’a pas été créé par les occidentaux. Même si je n’en bois plus depuis belle lurette, à l’exception notoire de 3 dont j’ai déjà parlé, c’est cette intolérance qui m’a donné l’idée de redécouvrir les thés parfumés, ce furent mes premières amours… Ce Thé du Loup est donc une première pour moi en infusion, il me fallait trouver une théière en rapport avec ce qu’évoque cet animal dont on s’est servi pour faire peur aux enfants, héros de belles légendes et histoires aussi. Je n’ai jamais utilisé cette théière ramenée de New York en juillet 1999, le jour-même de la mort de John John Kennedy… C’est une théière de collection en édition limitée. Je ne le savais pas au moment où elle m’a tapée dans l’œil, surtout la bonne bouille du petit Mowgli ! Je ne l’ai jamais utilisée, pas parce qu’elle est de collection mais bien parce que l’orifice est tellement étroit qu’à part mettre les feuilles directement à l’intérieur, il est impossible d’y mettre le moindre filtre. Je voulais absolument l’étrenner aujourd’hui, j’ai donc infusé le thé dans une autre théière et l’ai transfusé. Et là, surprise, j’ai vraiment aimé même si, contrairement aux feuilles sèches où ce sont les amandes, c’est la saveur de la vanille qui dominait, il ne manquait que les petits gâteaux… Il faudra que je continue à explorer cette 7e famille de thé, comme la nomme Lydia Gautier dont j’ai déjà parlé à de nombreuses reprises. Et ce soir, je récidive avec cette fois Carpe Diem, une des "mauvaises herbes" de chez ThéOdor, à base de Rooibos, d’amande et de fruits rouges, classée dans la catégorie "Gourmandise". Je l’emploie en thé glacé en été, avec un peu de sirop de canne, un vrai délice. Voilà comment l’Insolent parisien la décrit : "Tous les conseils ne sont pas bons à prendre…, Vivre le jour présent ? Et puis quoi, encore ? Si personnellement, je vivais le jour présent, je n’arrêterais pas de manger les petits cakes de ma grand-mère aux amandes enrobées de sucre de fraise… Vous savez ces petits délices d’enfance ? Ah, vous n’aviez pas une petite grand-mère attentionnée ? Quel dommage !" Nous y revoilà, à ces moments hors du temps avec une grand-mère, et quelle grand-mère… Oh que si, j’en avais une ! Mais sa spécialité à elle, c'était les gaufres (entre autres!). Alors, une théière de petite fille s’impose, c’est un cadeau que m’a offert Géraldine, une de mes anciennes étudiantes pour me remercier de lui avoir "donné le goût d’enseigner surtout en première primaire." C’est vrai que j’ai adoré enseigner la méthodologie des premiers apprentissages et particulièrement celle de la lecture, c’est déjà loin tout cela… L’infusion est prête maintenant et tout en savourant chaque gorgée de ce breuvage qui dégage un délicieux parfum d’enfance. Je me revois petite fille dans le jardin de cette grand-mère adorée, trottinant derrière elle en admirant toutes ces fleurs aujourd’hui peu fréquentes comme les giroflées ou les gueules de lions (ou de loup, je ne sais plus). Mais aussi les roses trémières, ses fleurs préférées, tellement hautes qu’elle devait me prendre dans ses bras pour que je puisse sentir les fleurs… Cela fait un certain temps que je n’avais plus éprouvé autant d’émotions en voyageant de Chine à Paris pour aboutir dans le jardin de ma grand-mère. Merci à vous qui m’avez permis cela : Ségolène et Patrick, pour leur beau geste d’amitié, Vivien Messavent et Guillaume Leleu pour m’avoir fait découvrir, et de quelle belle manière, ce monde du thé si diversifié, qui est mien à jamais…

9 commentaires:

Claire a dit…

Il ne faudrait pas que l'un de mes enfants soit sur mes genoux et ne découvre cette théière du Livre de la Jungle (un Incontournable du moment!) Merci Francine pour ce billet si évocateur de toutes les façons de se faire plaisir avec le(s) thé(s), avec ses objets et ses souvenirs...

Anonyme a dit…

Merci chere Francine pour vos pensees ce jour difficile pour moi. Le thé a apaisé le coeur comme souvent... En lisant votre billet une phrase du guerrier qui m a précédé me vient à l'esprit : je n'ai jamais vu la dignité de l'homme que dans la sincérité de ses passions. Merci Francine ! (Maria)

Lune a dit…

Billet riche d'émotions, de sensations. Il suscite beaucoup de pensées...
L'instant présent, y être réceptif!
Je voudrais te signaler le livre que je lis pour le moment et plusieurs fois, j'ai pensé qu'il te plairait : "Passagère du silence" de Fabienne Verdier. Cette notion de vide pour l'approche d'un art ou simplement de la vie est fabuleuse.

Francine a dit…

@ Claire: je vois trop bien ce que tu veux dire: le genre de livre que les petits enfants demandent, re-redemandent et plus encore, qu'ils connaissent par coeur pourtant mais qu'ils veulent sans cesse pour revivre les instants d'éternité qu'il procure... Et attends, quand tu leur mettras la K7, et qu'ils voudront danser et chanter comme les personnages et que tu seras mise à contribution pour jouer Baloo, le Roi des Singes et Colonel Hatti, eh oui, je sais de quoi je parle!

@ Maria: belle citation une fois encore, pourquoi ne suis-je pas étonnée? MERCI...

@ Lune: encore un livre qui m'a bouleversée et que je relis régulièrement! J'en ai fait des billets dont celui-ci http://la-theiere-nomade.blogspot.com/2010/10/partage-et-lecture.html Je sens que je vais récidiver une fois encore...

Belle journée à vous 3, bien au chaud avec une tasse de thé, ou plus si affinité...

BrigitteD a dit…

bonsoir Francine
C'est vrai que boire un bon thé chaud par ces temps si froids , cela réchauffe le coeur et le corps .Moi je suis encore et toujours aux bons thés parfumés que je bois souvent l'après-midi au boulot , c'est plus facile à boire et tellement gai à partager ...

Ségolène a dit…

Kikoo, j'kiffe trop ton post ! LOL !

Ségolène a dit…

J'aime beaucoup la citation qui ouvre ce billet. Je suis presque déçu qu'elle soit de St Augustin, qui est loin d'être mon auteur favori (mais il est vrai que je le connais peu) :-)
J'avoue être un peu gêné par tes généreux commentaires sur notre don munificent qui n'était qu'un bien modeste partage, à distance, de quelques tasses de thé. Ségolène et moi-même sommes très heureux qu'il t'ait plu. Et encore bravo pour avoir reconnu ce thé oriental (il semblerait que l'Orient soit une vaste région où sont façonnées un certain nombre de variétés de thé- si j'en crois les experts).

La seconde ou troisième théière, je ne sais plus, celle que t'a offerte une de tes étudiantes m'évoque, pour je ne sais quelle raison, Alice au pays des merveilles. Sans doute à cause d'un télescopage d'image : Mowgli, l'armoire débordant de boîtes à thé multicolores, toi dansant comme Baloo,... Il y a comme une virevoltée d'images assez amusante (je sais que le mot n'existe pas encore, mais il s'impose).

La biennale d'art contemporain de Bordeaux s'est achevé il y a quelques mois déjà. Cependant, nous envisageons bien de la continuer, toujours dans l'inimitable style "citoyen et participatif qui ré-interroge le lien social qui tisse le sens au sein de l'urbanité polysémique" (je paraphrase de mémoire le jargon officiel). Ainsi, nous peindrons un cercle jaune, couleur du festival, qui délimitera le lieu de ta tente. Tente de style bédouin qui te permettrait d'abriter un demi-millier de tes théières préférées et d'accueillir, outre les serveurs du glacier et du salon de thé voisins, ceux qui voudront bien échanger quelques feuilles (de thé ou de livres)

Patrick (et Ségolène par dessus l'épaule)

PS une mystérieuse légende, à laquelle, je le crains, ma dulcinée accorde quelque crédit, voudrait que je sois bavard. Il n'en est évidemment rien ! Preuve en est que j'abrège alors que j'aurais encore d'autres choses à dire sur ton billet, qui comme les bons thés, se prête à l'infusion multiple.

Lihua a dit…

"Il en faut peu pour être heureux" chantait Baloo dans la version Disney du Livre de la Jungle qui est aussi un livre sur la difficulté d'être partagé entre deux cultures.
Merci pour ce beau billet qui sans doute donnera aussi l'envie d'approfondir du côté des thés chinois et de la préparation en Gongfu Cha.

Francine a dit…

@ Brigitte: merci, c'est vrai que je redécouvre doucement les thés parfumés et j'ai constaté avec surprise que cela me plaisait comme thés de lecture... à condition qu'ils soient de qualité!

@ Gauthier: et moi, c'est toi k'je kiffe...

@ Patrick: pour saint Augustion, peut-être parce que tu ne sais pas qu'il était berbère ainsi que sa mère sainte Monique... Ils sont originaire d'Algérie, un pays qui est très cher à mon coeur... Pour le cercle jaune, pourquoi pas même si j'aurais préféré un cercle bleu!C'est quoi cette légende? Sans doute du même acabit que cette autre: les femmes bavardent comme des pies, et comme ta grande culture le sait, les légendes ont un fond de vérité... LOL comme dit Gautier! Biz à vous 3

@ Lihua: par contre ton commentaire n'est pas "peu". J'espère un jour venir déguster un thé (au moins) dans ta maison de thé, quand il fera meilleur!