mardi 3 avril 2012

Je suis vraiment gâtée, merci les cloches!...

Cette journée fut flamboyante, à l’image des thés consommés sans modération pour honorer mes bienfaiteurs.Mon premier geste ce matin en me levant aux aurores est d’aller dans mon cocon voir comment se sont comportées LES feuilles pendant la nuit. Dès que j’ai soulevé le couvercle, un doux parfum de jasmin s’est répandu dans la pièce, mais la couleur de l’infusion ne m’inspirait guère, les fleurs trempées toute la nuit avaient pris un aspect brunâtre.Mais, bonne surprise, l’infusion où le parfum de celles-ci domine, est resté doux avec une légère pointe d’amertume due sans doute aux feuilles. Mais si je me suis réveillée tôt, c’est que je n’avais qu’une hâte, découvrir des trésors reçus la veille. En effet, les cloches, arrivées à l’avance, ont été très bonnes avec moi cette année, un peu comme si c’était saint Nicolas ! Il y a quelques jours, c’était Julien et hier, c’était Guillaume. Mes généreux donateurs m’ont une fois encore bien gâtée !J’ai regretté de ne pas être Ailleurs à Bordeaux le 25 mars pour assister à la dégustation des thés de printemps, je n’ai pas le don d’ubiquité et j’étais à Strasbourg ce jour-là. Je ne le regrette plus, j’ai l’embarras du choix, il ne me manque que le Maître à la manœuvre, je vais donc essayer de faire de mon mieux pour magnifier ces thés d’excellence. En effet, à part leur générosité, Julien et Guillaume ont un autre point commun, ils sont très silencieux sur les paramètres de dégustation ! Ce qui gêne un peu la perfectionniste que je suis. Je sais, pour l’avoir enseigné dans une autre vie, que qui fait des essais a droit à l’erreur, mais je n’ai pas envie que cela s’applique à des thés d’excellence dont ces deux-là ont le secret. Mon envie première est de découvrir LE Tumsong, j’ouvre donc le sachet… que je referme aussi vite, le seul parfum qui me saute au nez est celui de la pomme verte… je suis décidément et définitivement ignare dans la reconnaissance des saveurs, ce serait un Darjeeling que je ne connais pas, je ne serais sans doute pas étonnée, mais je connais les Tumsong, c’est avec le Singbulli et le Sungma un de mes préférés. Je ferais mieux d’aller vers des thés verts.Je commence donc par le Bi Lo Chun, un de mes thés verts préférés, dont je maîtrise assez bien les paramètres.Infusé dans un verre, en commençant par l’eau et puis les feuilles comme me l’ont appris Li-Ping et Sanmao. Je pense à eux qui sont pour le moment en Chine, je sais déjà qu’ils ramèneront des trésors…Première infusion, très douce, plus végétale que fleurie. Déjà après une seule infusion, les belles se déroulent comme si elles sortaient de l’hiver. Certaines feuilles remontent maintenant à la surface en un lent ballet, d’autres se reposent au fond du verre. L’infusion est encore douce, c’est aux arômes de fleurs de prendre le dessus. Comme chaque fois que j’infuse un thé, des images me reviennent en mémoire, ici, ce sont celles liées à ma découverte d’un autre Bi Lo Chun, celui de Taiwan dont j’ignorais l’existence jusqu’alors. (http://la-theiere-nomade.blogspot.com/2008/07/une-dcouverte-un-bi-lo-chun-de-taiwan.html ), superbes moments, douce nostalgie… Au troisième passage, seules 3 téméraires s’en vont vers la surface. La liqueur, légèrement trouble maintenant, devient plus sucrée. Je tente une 4e infusion, une légère amertume apparaît maintenant. Je ne me résous pas à jeter ces feuilles qui m’ont procuré tant d’émotions, je verse de l’eau froide, je verrai ce qu’elles donneront dans quelques heures. Ce premier sachet est loin d’être vide, je le transvase dans cette "vieille" boîte, vide depuis un certain temps déjà, elle contenait un fabuleux Long Jing. Je m’en vais découvrir maintenant une plantation du pays du Matin calme et le Daehsan Nokcha. Les feuilles sèches ressemblent à celles que j’ai testées précédemment mais semblent plus vertes. (http://la-theiere-nomade.blogspot.com/2012/03/un-merveilleux-week-end.html ). Par contre, cette infusion n’a rien à voir avec l’autre : j’ai à peine versé l’eau qu’elle se colore déjà. Sa couleur est plus verdâtre, je ne peux malheureusement pas mettre un nom sur ce que je goûte, c’est assez complexe mais incroyablement doux. La deuxième infusion devient légèrement sucrée, mais je ne parviens toujours pas à identifier les différentes saveurs que je connais pourtant. La troisième infusion est légèrement plus trouble. Et toujours pas de nom sur ce que je savoure. Alors plutôt que de me casser la tête et dire sans doute n’importe quoi, je préfère de loin observer la danse des belles et imaginer les mains de fées des cueilleuses prélevant avec dextérité et passion de quoi enchanter mon palais et réjouir mon cœur d’avoir la chance de savourer cela. Lors de l’infusion suivante, les feuilles occupent maintenant tout l’espace dans le verre, ont –elles encore assez de place ? La couleur de l’infusion ne change pas, la saveur s’atténue un peu. Je leur fais subir le même arrosage à froid et elles vont rejoindre leurs cousines jusqu’à ce soir.En guise d’apéritif, je passe à ce Sencha inconnu mais dont les feuilles sèches ont un parfum végétal. Mêmes paramètres d’infusion que le fabuleux Yamato en l’absence d’autres précisions. Et ici je retrouve des notes marines typiques de ce type de thé. Le deuxième passage ne fait pas évoluer ce Sencha. Je suis un peu déçue du résultat obtenu, j’aurais vraiment dû avoir des conseils pour en tirer le meilleur, j’ai l’impression qu’il est mieux que ce que j’en ai tiré et donc jusqu’ici, je préfère de loin le Yamato Kabuse Sencha, il faut dire que nous avons été deux à craquer (http://la-theiere-nomade.blogspot.com/2011/12/aujourdhui-ce-fut-saint-nicolas-noel-et.html ), encore de superbes souvenirs de moments hors du temps… Je pensais arrêter ici la découverte des trésors de mon généreux donateur, je veux d’abord avoir des conseils d’utilisation pour les thés qui restent d’autant que je ne les connais pas, j’ai envoyé un mail dans ce sens et attends impatiemment les réponses. Je suis allée faire un peu d’arrachage d’herbes folles, le jardin manque d’eau mais elles continuent allègrement à pousser, quel toupet ! Et à mon retour, quelle ne fut pas ma stupeur d’avoir mon Tea Taster préféré en ligne, le seul que je connaisse ! La première émotion passée, j’ai eu la réponse à toutes mes questions, un vrai bonheur. J’avoue que j’ai cru un moment que je l’avais vexé en lui parlant du Darjeeling à la pomme, mais que nenni ! J’ai appris des tas de choses aussi à propos de ce métier si particulier, et si exigeant. J’en ferai un jour un billet d’ailleurs. Merci Guillaume pour toutes ces informations données avec tant de gentillesse et en prenant le temps d’éclairer ma lanterne avec tant de patience, je suis curieuse, je veux tout savoir à défaut de tout comprendre. Rassurée, c’est pleine d’allégresse que je vais maintenant à la découverte de ce Tumsong qui, avec le Singbulli et le Sungma, est un de mes Darjeeling préférés. J’ai toutes les informations nécessaires, je prépare tout le matériel non sans une certaine émotion en repensant à tout ce que je sais maintenant. Mais plutôt que de me lancer dans des commentaires sur ce que je goûte, je préfère transmettre l’histoire de ce jardin d’exception. Elle a été écrite par Guillaume : "Les populations locales de la Vallée d’Or (Golden Valley) de Darjeeling vénéraient, entre autres divinités, une déesse hindoue connue sous le nom de Tampsa Devi. Ils l’adoraient dans un temple dédié à son nom situé sur une pente escarpée qui s’étage de 800 à 1700 m d’altitude, et qui offre une vue fantastique sur le majestueux Kanchenjunga.
C’est à cet endroit que la plantation de thé de Tumsong a été plantée en 1867. Par respect des croyances de la population indigène, le jardin a été planté autour du temple et on laissa aux habitants de la région un libre accès au sanctuaire".
Première infusion, à 2 minutes 45, eau à 80°. Je suis impatiente de découvrir ce que cache ce "jardin des cœurs heureux", comme l’est le mien pour le moment. Et l’histoire continue : "JA Wernicke, l’un des frères qui lançait une plantation de thé à Lingia, non loin de là, à la même époque, était aussi propriétaire de Tumsong. Ce qui n’était au départ qu’un petit domaine de 80 hectares seulement se développa au fil du temps pour atteindre une superficie de 186 hectares, dont 114 hectares plantés, avec 480 employés pour en prendre soin.
Les thés de Tumsong sont réputés figurer parmi les meilleurs de la région de Darjeeling, et atteignent des prix élevés en ventes aux enchères. Le crédit en revient peut-être principalement à la déesse dont les terres abritent le jardin. Tamsa règne sur ce paysage serein et surréel, et remplit d’harmonie l’atmosphère. Dans la région, on cite souvent Tumsong comme le "jardin des cœurs heureux ".
Je tremble un peu en trempant mes lèvres dans cette liqueur, si j’aime les Darjeeling first flush, j’attends d’habitude un mis que les feuilles aient un peu perdu de ce que je nomme leur agressivité naturelle, cette astringence trop forte pour moi. Mais ici, rien de tout cela, il est doux et tellement frais, une vraie surprise et une émotion gustative d’autant plus intense. Les feuilles après une première infusion sont d’un vert tendre. "De surcroît, l’ensemble du domaine est exposé face à la partie la plus élevée de la chaîne himalayenne, ce qui le met directement sur la route d’une brise froide permanente. Cela provoque une croissance lente des plants, et leur donne ainsi tout le temps nécessaire pour gorger les feuilles de ce parfum particulier de muscat propre à ses thés exotiques. De plus, le jardin, maintenant certifié 100% bio, offre l’un des pourcentages les plus élevés de plants de pure Chine de première qualité". Deuxième infusion à 3 minutes 15. Va-t-elle être aussi douce que la première? Quelle sorte d'alchimie sous ce couvercle? Toujours la même douceur, et toujours cette agréable longueur en bouche, avec cette fois une légère astringence. "Comme tous les jardins de la plantation de la Chamong Darjeeling Estates, Tumsong est soumis à un contrôle qualité strict tout au long de la production, de la cueillette au conditionnement. Tous les aspects de la production sont soumis aux normes HACCP* et aux règlements JAS (norme japonaise bio), y compris une traçabilité pour toute facture, que ce soit sur les champs ou à l’usine. " J’admire une dernière fois ces feuilles qui m’ont enchantée. La belle histoire de ce jardin et de ce thé se termine aussi : "Je conclurai par cette maxime locale relative à ce jardin : « Sentez le souffle frais et parfumé du Kanchenjunga dans votre tasse de thé, et sentez-vous béni par l’effleurement d’une déesse, vous êtes à Tumsong".Ces précieuses feuilles vont maintenant prendre place dans une boîte qui m’émeut beaucoup, c’est un cadeau de mon Amie Chantal. Nous étions à Vienne ensemble quand elle me l’a donnée. A propos de pomme, voici ce qu’en dit Guillaume : "la tasse que nous offre ce jardin est à l’image de ce paysage incroyable entre sérénité et surréel, remplie d’harmonie et de douceur. Elle révèlera au palais des notes d’agrumes et de pomme, de mangue et de muscat, des parfums exceptionnels, unique et surprenant pour un voyage sensoriel, frais et long en bouche". Je ne l’ai pas cru tout d’abord quand il m’a lu cela, je croyais qu’il se moquait gentiment de moi. Ce que je retiens de cette expérience gustative particulière, c'est que si je n'aimais pas l'astringence des first flush, c'est que je les infusais trop à une trop haute température, j'ai encore appris, et de quelle belle manière! Je voudrais vraiment te dire mon cher Guillaume toute ma reconnaissance émue pour ces moments magiques à la découverte de ces thés d’exception. Je continuerai demain avec la certitude de magnifier au mieux ces belles feuilles qui me font voyager sans quitter mon salon. Avant le souper, je vais tester cet apéritif particulier, le Bi Lo Chun de ce matin. Ce n’est pas une réussite malheureusement, ces belles feuilles avaient déjà tout donné, ce qui reste est amer, voire acre. Que va donner le digestif coréen ? J’ai un peu d’appréhension maintenant.Je ne devais pas ! Ce que je bois maintenant est frais et pétillant, il clôture une journée consacrée entièrement à ma passion, pleine d’émotions, et pas que gustatives, mais liées également à de beaux souvenirs, à ce grand geste d’Amitié qui a donné à ces thés une saveur particulière. Un dernier regard à ces merveilles qui ont donné plus que leur maximum. Merci la Vie pour ces moments indicibles et si forts…

3 commentaires:

BrigitteD a dit…

Quelle chance tu as d'être aussi gâtée ..vives les cloches de Pâques !
peux-tu me donner tes temps d'infusion du bi lo chun , du grammage en verre , température de l'eau ?? et également ton grammage pour ce fameux darjeeling ? merci beaucoup Brigitte

Claire a dit…

Comme dit Brigitte, vive les cloches. J'ai lu ton billet une tasse de Goomtee 2011 (de chez George Cannon) à la main. Je ne sais pas si cela te fait la même chose mais les darjeeling first flush me font saliver (aucun effet de style, c'est physiologique je pense ^_^). Ce tumsong m'intrigue. Pomme verte!!! J'ai vraiment hâte de découvrir ça!

Francine a dit…

@ Brigitte: eh oui, je suis chanceuse, j'en suis consciente et je savoure mon bonheur à chaque gorgée...
Pour le Bi Lo Chun en verre, je ne peux te répondre précisément, je me fie à la couleur et au parfum, comme Li-Ping me l'a montré un jour
Pour le Tumsong: j'ai suivi les conseils de mon généreux donateur: 2'45 à 3'15 "pour une tasse jade et printanière" mais sur le site, paramètres un peu plus poussés: 3'20 à 3'54 "pour une liqueur vert d'eau. Belle journée, bons thés

@ Claire: eh oui vive les cloches... Eh bien non les FF ne m'ont pas toujours fait saliver, je les trouvais trop agressifs, c'est Olivier Scala qui a fait mon éducation, j'en parle dans mon dernier billet. Quant aux saveurs et aux parfums, je n'en reviens pas encore d'avoir détecté cela, ce la arrive tellement rarement. Mais c'est décidé, je ne m'aventure plus sur ce terrain, je préfère de loin les images qui me viennent en dégustant ces nectars, j'ai d'ailleurs adoré la façon dont ce Tumsong a été décrit, le technique, il en faut mais ce qui tourne autour de cette boisson magique et la façon dont ThéOdor a entouré ces feuilles m'a ravie, j'aime les histoires et l'Histoire. Je rêve qu'il en soit ainsi pour tous les thés... Belle journée, bons thés