C’est aujourd’hui seulement que je peux me consacrer à la découverte des trésors ramenés de Paris le WE dernier. Et je sais que je vais me régaler.
Je commence par Lui. Je l’ai découvert il y a très longtemps, au Musée des Beaux-Arts d’Ostende, ce n’est pas lui que j’allais voir, je n’en avais jamais entendu parler, c’est Spillaert. Ce fut pour moi une révélation. Je me suis souvent demandé pourquoi j’aime une peinture (ou un morceau de musique) et pas une autre, je n’ai pas de réponse, cela s’impose à moi et c’est bien comme cela, les émotions esthétiques ne s'expliquent pas: "le coeur a ses raisons...". J’ai voulu alors tout savoir sur ce personnage et en sortant du Musée, je suis allée visiter sa maison, autre révélation ! Il a du mérite de n’être pas devenu neurasthénique ou fou dans un endroit aussi sombre, triste où il a vécu parmi des coquillages, des chinoiseries, des verroteries, des masques et des animaux empaillés qui peuplent la boutique familiale. Il a sublimé tout cela en créant, mais pas dans les Académies qu’il détestait : "
Des boîtes à Myopes, des professeurs mal embouchés". Il ne se voulait d’aucune école et il a travaillé tout seul à affiner, peaufiner non pas sa mais ses techniques (la lumière, les couleurs, les contrastes, c’est ce qui m’avait le plus frappé à l’époque, et maintenant encore : tous les masques et les squelettes sont habillés de couleurs vives, joyeuses). Le milieu artistiquement correct ne lui pardonnera pas, ses toiles ne provoquent que sarcasmes et incompréhension.
On l’a surnommé le peintre des masques, mais il était bien plus que cela. Il met à nu ce qui se cache derrière ces masques, c’est certainement cela qui dérange. "
Les masques me plaisaient aussi parce qu'ils froissaient le public qui m'avait si mal accueilli", dira-t-il.
Il se veut féroce envers cette société de l’époque où même les artistes, pour être reconnus, doivent respecter certaines règles, il refusera toujours de s’inféoder, c’est peut-être pour cela qu’il m’a fascinée. Ce tableau qui s’intitule "
Deux squelettes se disputant un hareng saur", fait référence à la bagarre entre Anglais et Belges au sujet de la pêche de ce poisson (cela n’a pas changé dans sur le fond, le conflit s’est un peu déplacé), mais ce hareng, c’est aussi lui, d’où son jeu de mot :
hareng saur – art (d’) Ensor…
Il devient de plus en plus misanthrope, se replie sur lui-même et peint des dizaines d’autoportraits, seul ou au milieu de ses personnages préférés. Je ne sais plus de qui est cette phrase qui éclaire bien le personnage : "
On a comparé sa carrière à un film montrant en l'accéléré près d'un demi-siècle de peinture, allant du naturalisme à l'expressionnisme et au surréalisme en passant par l'impressionnisme, le symbolisme et le fauvisme. On ne peut donc associer son nom à un style pictural défini; il les transcende tous. Méconnu pendant ses années de génie, il fut fêté dans sa vieillesse, alors qu'il ne faisait que se survivre". Il est allé rejoindre d'autres peintres maudits en 1949, il avait 89 ans. Et il doit bien se marrer en voyant qu'on parle encore de lui...
Par contre, il ne buvait sans doute pas de thé, ceci est le seul tableau où apparaît une théière, il s’intitule "
Chinoiseries".
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