Hier, j’ai testé un fabuleux thé blanc le White Snow Pearl de
chez ThéOdor, infusé à froid sur les conseils de Guillaume, mon généreux
donateur. Mais ici, pas question de thé de lecture, j’en ai savouré chaque
gorgée, passant de la stupeur (mais pas de tremblement…) à l’étonnement pour
arriver quasi à l’extase, émotions gustatives intenses d’autant qu’au départ je
n’étais pas vraiment emballée. J’en reparlerai bientôt, je voudrais le comparer
à celui infusé à chaud. Aujourd’hui, me rappelant notre étonnement à Carine et
à moi lors de la dégustation de ce vieux thé blanc de 5 ans au Tea garage (http://la-theiere-nomade.blogspot.com/2012/05/retour-vers-le-bonheur-bruxelles-dans.html
), j’ai voulu essayer avec d’autres vieux thés. J’ai pour habitude de garder
quelques feuilles de thés qui ont particulièrement enchanté mes papilles, c’est
le cas de ce Jun Shan Yin Zhen, un thé jaune dont je garde un souvenir ému.
http://la-theiere-nomade.blogspot.com/2008/07/mme-si-par-ce-temps-tout-juste-bon-pour.html
Je transvase donc le reste des feuilles dans cette carafe.
Pour passer
le temps, un tour de jardin où il y a toujours quelque chose à faire.
Ou
à admirer : il y a très peu de fleurs bleues dans le jardin, les iris
japonais sont les premiers à offrir leur gracieuse beauté.
Dès le filtre
retiré, je suis étonnée par la couleur de ce thé, plus soutenue que le même
infusé à chaud. Un instant, j’ai peur d’avoir laissé les feuilles infuser trop
longtemps ou alors d’avoir mal dosé celles-ci. Mais dès la première gorgée, je
suis impressionnée par cette saveur à la fois très douce et sucrée. Je compte
passer l’après-midi dehors avec 2 livres, un pour méditer, Les ruines du ciel
de Christian Bobin, et l’autre pour me distraire Dix petits démons chinois, un
polar de Frédéric Lenormand. Tout en sirotant ce nectar, je relis Les ruines du
ciel. Pour la 5e fois au moins, et ce ne sera pas la dernière... La 4e de couverture nous dit que "C’est
autour d’un évènement – la destruction de Port-Royal – et d’une idée :
retrouver dans les ruines de la société actuelle "les signes d’une vie
heureuse toujours possible", que l’auteur fait s’entrecroiser des portraits
du XVIIe (…) et du XXe siècle (…). Leurs rencontres, leurs paroles,
leurs visions tissent une tapisserie lumineuse, pleine d’espérance pour notre
siècle en ruine". n lisant cela, j’étais déjà impatiente, j’aime
l’histoire, et les histoires. Je n’ai rien trouvé de cela, mais bien 178 pages
de pure poésie écrite par un magicien des mots et des images, et une très
grande leçon de Vie, des associations tellement improbables, des phrases qui
font sourires, des phrases qui émeuvent, d’autres qui me donnent la chair de
poule. Que dire de ce qu’il écrit sur la mort, sur les morts. Sans parler de la
façon dont il décrit la musique de Bach. Quelques exemples mais je pourrais
recopier quasi tout le livre… "Ce matin, j’ai pris une douche de
clavecin".
"La mort a pris mon père, mais elle a
oublié son sourire, comme un cambrioleur surpris s’enfuit en abandonnant une
partie de son butin". J’ai ici une pensée émue pour quelqu’un qui
m'est chère, elle se reconnaîtra certainement…
"Je cherche une pensée aussi heureuse
que la couleur jaune du citron dans l’assiette".
"Ce
n’est pas compliqué d’écrire, il suffit d’y donner chaque seconde de sa vie".
"Sur
son échafaudage de notes, Jean-Sébastien Bach lave en sifflant les vitres de l’éternel".
Une que j’apprécie particulièrement : "L’époustouflante vertu contemplative des
tout-petits : ils sont arrimés au réel. Rien pour eux de négligeable".
"Les
plus graves problèmes ne sont que des lacets d’enfant mouillés : plus on
tire dessus, plus on les rend impossibles à dénouer".
Et Bach, à
nouveau : "Jean- Sébastien Bach masse ma cervelle avec ses mains en
or".
Et celles-ci qui m’ont vraiment fait rire : où va-t-il
chercher tout cela : "Je me demande si l’herbe que je
voyais par la fenêtre du train qui me menait à Birmingham savait qu’elle était
anglaise".
"Tordre le cou à la volaille des
explications".
Retour à la nature : "Le jardin retient son
souffle, les hautes herbes sont toutes immobiles sauf une que trouble une
confidence du vent".
"Les arbres sont moins enjoués que les
fleurs, peut-être ont-ils plus de responsabilités".
Ah, il y avait
longtemps… "Les Concertos brandebourgeois de Bach – une armée de tapissiers
qui refont les papiers peints dans mon cerveau"
Christian Bobin a écrit
que "La
lassitude est le seul péché mortel", je ne serai jamais en état
de péché, je pourrais recopier la quasi-totalité du livre, tant chaque phrase
me parle.
Comme celle-ci, que je n’avais pas relevée jusqu’ici, elle ne me disait
rien encore… "Parfois quelqu’un vous donne à manger en une seconde pour
votre vie entière". Je terminerai ici par pleine d’optimisme et
de criante vérité : "La vie n’attend que nos yeux pour
connaître son sacre". Je n’ai qu’un souhait, que ce livre vous
inspire autant que moi. Et le thé dans tout cela ? Bien présent, comme
support à la réflexion, comme un
rafraichissement du corps quand les mots nourrissent le cœur.
Le dernier verre est
vide, il me reste à admirer ces vieilles feuilles avant de les rendre à la
terre. Je suis enchantée d’avoir infusé cette "vieillerie", sans la distraction, voire "l’audace"
d’Adeline et Eric, elles seraient sans doute restées à jamais au fond de la
boîte, vraiment mortes… Elles ont eu une deuxième vie et ont enchanté mes papilles... J'en ai bien d'autres à "réveiller".
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