Il est 9 heures, il fait déjà chaud, ce serait vraiment le moment de vivre dehors.
Il n’en sera rien malheureusement. Je dois quitter les lieux, la dévoreuse, cette monstrueuse machine, arrive avec à la clef du bruit, beaucoup, et de la poussière, encore plus.
Un dernier regard sur ce qui aurait pu être mon pavillon de thé. Le comble c’est que cette démolition est une contrainte administrative et pas du tout une nécessité, on est ici très loin du monde du thé…
Me voici donc dans une autre maison de thé, là je vais pouvoir oublier ce qui ce passe dans mon (presque) paradis privé. Mon regard est immédiatement attiré par ce pot à eau japonais, mais je résiste...
Je me procure ce livre dont le titre m’avait déjà attirée lors d’une précédente visite, j’espère que sa lecture va m’apaiser. Et cela n’a pas tardé, j’ai de quoi méditer bien au calme!
"Quand les choses arrivent, laissez-les arriver. Mais ne laissez pas votre esprit demeurer sur quoi que ce soit. Qu’il soit pour toujours calme comme le vide et parfaitement clair. De cette façon, vous atteignez spontanément la délivrance", in
Eloge du rien,
parfaitement zen, chez Moundarren (page 37).
J’abandonne un temps ma lecture pour déguster ces
Cha soba, pâtes froides à la farine de sarrazin et au thé vert.
Et un dessert de circonstance, il fait 28° dehors.
Puis bien sûr le dessert du dessert : sur les conseils de Sanmao je me laisse tenter par ce tout jeune
Jing Shan Mao Feng (Pointes duveteuses de la montagne Jing).
C’est un des premiers thés que les moines japonais ont ramené dans leur pays vers le 12e siècle. Cette montagne abrite aussi un temple du même nom, c’est là que ceux-ci venaient apprendre le Shan (zen au Japon).
La première infusion a une odeur de gazon fraîchement cueilli, et sa saveur fait penser à un thé japonais, curieux.
La 2e infusion ressemble à la première, incroyablement rafraîchissante.
Dernière infusion, plus légère, très douce mais tout aussi agréable.
C’est terminé, les feuilles semblent très fines, j’en goûte une, elle est très tendre et effectivement elles pourraient trouver leur place dans une vinaigrette. Il est 2 heures, les démolisseurs doivent être partis, je rentre donc.
Le spectacle est impressionnant mais ce n’est pas terminé, mon mari m’apprend qu’ils reviennent à 3 heures, moi qui croyais lire dehors, je ne suis pas contente… Qu’à cela ne tienne, je me calfeutre dans mon salon et continue la lecture de L’Eloge de rien, j’ai besoin d’une autre pensée pour rester zen, et je l’ai trouvée page 87 :
"Il vous faut vous adapter aux circonstances. Il n’est pas nécessaire de rejeter l’activité et de rechercher le calme. Faites juste en sorte d’être intérieurement vacant et en harmonie avec l’extérieur. Alors, vous serez en paix au beau milieu de l’activité frénétique du monde." J’avoue cependant que c’est plus facile à dire qu’à faire… Je pense à demain, cela m’aide à faire abstraction du bruit : il fera superbe et nous serons donc au Rouge-Cloître comme l’année dernière, tandis qu’à l’Institut du thé, là-bas, dans le Haut-Beaujolais, aura lieu la cérémonie du WU WO, 2 rencontres autour du thé, j’aurai une pensée pour eux, je me rappelle l’émotion qui fut la mienne quand j’y ai assisté il y a quelques années déjà.
"Dans le monde, les gens du thé sont une même famille"…