vendredi 30 mai 2008

Un thé très, très, très spécial...

La pluie tombée en abondance et avec fracas toute la nuit a fait place à un chœur très particulier : celui des arbres, des plantes et autres herbes, les mauvaises comprises, et à leur chant d’action de grâce du genre "nous avions soif et tu nous as donné à boire". Et quand les oiseaux s’y sont mis eux aussi, le concert a pris une autre dimension encore. J’avais décidé ce matin de cueillir des pivoines, des petits iris et autres rhododendrons pour fleurir mon salon bleu-thé mais le sol détrempé du jardin m'en a dissuadée. Je vais donc faire le tri dans mes boites vides de thé en prévision de certains achats imminents. Mais ô surprise, j’en ai découvert une qui n’était pas tout à fait vide, elle contenait encore du Tai Ping Hou Kui, un "primeur"... de l’année dernière. A la stupéfaction et à ce trouble certain face à un acte aussi impensable que celui de ranger dans le tiroir des boites vides une qui ne l’était pas ! a succédé la curiosité, j’ai eu envie de le préparer pour voir ce que cela donnerait me disant que si le breuvage ne convenait pas à mes papilles exigeantes, il servirait à arroser mes orchidées… Je voulais lire aussi mais j’étais un peu énervée par cette surprenante découverte, j’ai choisi Les nouveaux contes Zen, de circonstance vu mon état. Déjà l’aspect de ces longues feuilles était très différent : de vert profond, elles étaient devenues dans les tons vert-de-gris avec des nuances jaunâtres. Je reconnaissais encore l’odeur caractéristique de ce thé aimé, mais très atténuée cependant. Etonnant ! Peut-être ce thé mutant réserverait-il quelque surprise ? Il restait 12 grammes, je décide d’infuser le tout dans une grande théière transparente, qui pourrait servir d’arrosoir plus facilement qu’un zhong au cas où... 3 minutes plus tard, je goûte ce breuvage couleur huile d’olive… aucun goût.

Je pousse encore l’infusion pendant 2 minutes et là, surprise, un thé inconnu mais très surprenant s’offre à moi, la couleur et le goût avaient viré, ce que j’ai bu ne ressemblait à rien de connu mais a très heureusement surpris mon palais pourtant sur ses gardes. Vous le savez, j’ai du mal à mettre des mots sur les saveurs mais ici, c’était évident, ce thé avait un goût très prononcé … d’artichaut. J’ai donc décidé de l’honorer en racontant son histoire ici. Je regrette maintenant de ne pas avoir fait de photos du début de l’expérience mais je ne m’imaginais pas que l’aventure finirait aussi bien.

J’ai donc relu Les Nouveaux Contes Zen (Henri Brunel aux Editions Librio, 2003) et j’ai envie de vous en offrir un intitulé "Une tasse de thé" : "Il était une fois une jeune fille de haute naissance, merveilleusement belle. Son père resté veuf l’élevait selon son rang. Elle ne quittait jamais les jardins du palais. Elle étudiait le dessin, la peinture, la poésie, l’art des bouquets, pratiquait la musique où elle excellait. Son cœur était neuf, et son âme sensible. Parfois, au fil de ses rêves, elle contemplait par sa croisée la rivière, en contrebas, qui baignait le vaste domaine.
On songe aux vers du poète :
[…] une dame à sa haute fenêtre
Blonde aux yeux noirs en ses habits anciens
Que, dans une autre existence peut-être
J’ai déjà vue et dont je me souviens !

L’héroïne de ce conte n’est pas une blonde châtelaine du Moyen Age, mais une princesse vietnamienne de temps plus anciens. Les âmes romanesques, semblables et différentes sont comme les roses au jardin.

Un soir d’été, My-Nuong, accoudée à la haute croisée, entendit un chant merveilleux, une voix d’homme ample et puissante, et dans le même temps si juste, si harmonieuse, que son cœur fut touché. Elle aperçut dans le lointain un batelier, qui maniait sa gaffe sur la rivière. Le chant lui parvenait maintenant si pur, si musical, si éblouissant, qu’elle frissonna jusqu’aux os. Jour après jour elle prit l’habitude quand le soir tombait, d’écouter la voix du pêcheur. Son cœur de jeune fille sage s’enflamma. Quand l’automne vint, le pêcheur s’en alla. Alors My-Nuong s’alita. Elle maigrissait, perdait sa beauté, s’éteignait comme une chandelle. Son père désespéré appela à son chevet les médecins les plus réputés du royaume. En vain. La belle princesse doucement se mourrait. Un soir, au commencement de l’hiver, la voix fut de retour. La jeune fille, réunissant ses dernière forces, se traîna jusqu’à la croisée. Le pêcheur était sur la rivière, ramassant ses filets. My-Nuong l’écouta avec ravissement. Il revint tous les jours. Elle recouvra progressivement la santé. Mais, fin janvier, la voix se tut à nouveau. Le pêcheur était parti vers d’autres cieux.
Alors My-Nuong tomba malade. Elle refusait de s’alimenter. Elle ne s’intéressait plus ni à la peinture, ni à la poésie, ni à l’art des bouquets, ni même à la musique où elle excellait. Son père, à force d’obstination et de prières, lui arracha son secret. Le seigneur aimait son unique enfant, il fit taire ses préjugés. Il ordonna que l’on cherche dans tout le royaume Le pêcheur à la voix merveilleuse. On le trouva. L’homme se nommait Truong-Chi. Il était âgé, d’une laideur repoussante. Ses mains étaient abîmées par le rude travail quotidien, son dos voûté, son visage ridé, brûlé par le soleil, était presque difforme. Quand My-Nuong le vit, elle fut effrayée. Son amour s’éteignit comme une bougie que l’on souffle. Le chant lui parut moins exaltant. Elle reprit une vie normale, un peu plus triste mais calme. Le pêcheur, à quelques temps de là, mourut. Peu après, les gens du village découvrirent dans la rivière une boule de jade qui émettait un son très pur quand on la tenait dans ses mains. Ils l’apportèrent au seigneur. Celui-ci la fit tailler en forme de tasse de thé. Il offrit ce cadeau à sa fille à l’occasion de son dix-huitième anniversaire. Un après-midi, la princesse My-Nuong buvait son thé et son âme romanesque s’envolait au-delà des murs du palais, quand il lui sembla apercevoir au fond de sa tasse la barque et le pêcheur. Elle crut entendre une voix d’homme ample et puissante, et dans le même temps si juste, si harmonieuse, que son cœur fut touché. Elle comprit alors que ce n’était pas le pêcheur qu’elle avait aimé, mais l’infini de ses rêves. Tout est musique quand le cœur est prêt."

Tout est bien qui finit bien, un timide soleil a refait son apparition mais une question lancinante continue à me tarauder: que faisait cette boite dans cet endroit ? Et surtout comment ai-je pu commettre un pareil acte?

mardi 27 mai 2008

Mon premier Chanoyu

En relisant Les Arts de la Cérémonie du Thé (ouvrage collectif paru en 1996 aux Editions Faton) et mes archives de l’époque sur le thé, j’ai retrouvé un texte que j'ai écrit vers 1997 ou 1998, au début de ma découverte de ce monde fascinant que je n’ai plus quitté depuis. Je vous le livre ici tel que rédigé alors, à l’époque où j’ignorais encore tout de la culture du thé. Je n’avais pas encore les clefs pour décoder ce que je voyais, ce qui explique certaines remarques assez saugrenues. Heureusement depuis j’ai essayé d’en savoir plus, j’ai d’ailleurs dû acheter ce magnifique ouvrage juste après avoir assisté à cette cérémonie. Je vous le recommande vraiment si vous voulez en savoir plus sur les objets du thé, véritable patrimoine au Japon, sur les pavillons de thé, ces lieux de culte réservés au thé, les liens avec la philosophie Zen et ses implications dans l’art contemporain. Il est de plus remarquablement illustré. La photo ci-dessous en est extraite.
Voici donc ce que j'écrivais à l'époque:

Dans un cadre fameux, le musée du thé de Mariage Frères, rue du Bourg-Tibourg, s'est déroulée cette cérémonie si particulière que de l'évoquer me plonge dans un état tout à fait curieux, difficile à définir.
Sur le sol, deux tatamis: un pour les hôtes et l'autre sur lequel se trouve la maîtresse de la cérémonie, en costume traditionnel: un kimono rouge brodé d’or du plus bel effet et si anachronique, entourée d'ustensiles nombreux, étranges et raffinés.
Deux personnes et moi sommes invitées à nous mettre à genou sur ledit "tatami".
L'hôtesse commence alors à déplier un linge blanc, nous dirions un mouchoir ou une petite serviette, sorti avec infiniment de précaution et … d’extrême lenteur, de la large ceinture rouge de son superbe kimono. Une lenteur véritablement inimaginable ! Un film tourné au ralenti va dix fois plus vite que ce que je voyais ici !
Je trouvais l'atmosphère pesante: ce silence monacal, presque lourd, ces gestes si précautionneux, mais surtout si lents, ainsi que l'inconfort de ma position m'énervaient et me faisaient déjà regretter d'être montée à cet étage trop austère tout à coup au lieu de rester dans la chaude ambiance si délicatement parfumée du rez-de-chaussée.
J'étais plutôt mal à l'aise, des sentiments hostiles m’envahissaient, une envie folle de la secouer m'habitait, j'enviais Xavier, confortablement installé dans un fauteuil, ayant décliné avec son sourire enjôleur cette invitation piège et moi, les genoux endoloris, me demandant vraiment ce qui m'avait pris, prête à maudire cette curiosité si mal récompensée.
Je pensais à la guerre dans le Pacifique, à la rivière Kwaï, un cadre magnifique pourtant, à ces immenses cimetières de Kanchanabury- que j’ai visités les larmes aux yeux en découvrant l’âge des soldats-, au train de la mort, à la reconstitution d'un de ces "baraquements" dont je me suis enfuie après avoir parcouru 2 mètres à peine, prise de nausée (je "sentais" l’odeur des prisonniers, j’ "entendais" leurs cris de souffrance et de désespoir!) , Je pensais à la cruauté des "Japs" et là, je maudissais réellement ma curiosité: le Japon ne m'a jamais attirée, ne m'attire pas et ce n'est pas à la vue de ceci qu'il risquera un jour de me faire changer d'avis. Où est le vrai Japon ? Qui est-il ? De quoi sont faits des gens capables d’un tel raffinement dans les deux sens ?

Puis, très bizarrement et d'un seul coup, toute cette agitation intérieure a disparu, l'ambiance m'a submergée, le timbre de sa voix aux paroles incompréhensibles, ses gestes, toujours aussi lents mais de plus en plus prenants, m'ont envoûtée, et j'ai participé complètement à cette cérémonie si mal commencée.
Après avoir essuyé un bol, qui n'en avait manifestement aucun besoin, elle y a versé de l'eau chaude extraite d'une marmite magnifique, en bronze, posée sur un brasero aux proportions très élégantes.
Tout aussi lentement, elle a essuyé à nouveau le bol après en avoir vidé le contenu.
Tout cela entrecoupé de saluts à chacune de nous en particulier, ce qui nous donnait l'impression que la cérémonie l'était uniquement pour nous, c'était à vrai dire une très curieuse impression. J’étais vraiment comme subjuguée, tétanisée même.
Elle s'est alors munie d'une longue spatule très fine avec laquelle elle a prélevé le thé d'une boîte de laque noire. La couleur et la texture étaient tout à fait surprenantes: d'un vert criard et pratiquement de la poudre….
Après l'avoir déposé, toujours aussi précautionneusement, dans le bol, elle y a versé de l'eau frémissante et l'a mélangé, battu même, avec un curieux objet, un genre de fouet, qui semblait fait de bambou.
Elle me l'a alors présenté, le faisant précéder de la dégustation d'une sorte de bonbon en forme de fleur, positivement immangeable (pour nos rudes papilles occidentales, en tout cas ).
Le breuvage était, lui aussi, tout à fait surprenant, très épais d'abord, ne ressemblant en rien à du thé tel qu'on le connaît. Je dois avouer, au risque de passer pour une iconoclaste, que cela m'a fait penser, en le voyant, à de la soupe en sachet sur laquelle on n'aurait pas versé assez d'eau tant ce breuvage restait "collé" à la muqueuse du palais!
Le goût, quant à lui, était encore plus bizarre: l'épinard, c'est à l'épinard que son goût s'apparentait pour moi….
Après nous avoir une fois de plus saluées, elle a commencé à ranger ses récipients, toujours avec cette même lenteur, me laissant véritablement sur une impression étrange… mais cependant complètement détendue.
Je ne suis certainement pas encore prête à adhérer au way of life nippon mais comme lavage de cerveau, cette cérémonie est plus qu'intéressante….
C'était il y a longtemps, au temps de l'ignorance, j'ai progressé depuis.... Je mesure aujourd'hui le chemin parcouru.

dimanche 25 mai 2008

Une soirée décevante

Je le dis tout de suite, ce qui a eu lieu hier soir n’était pas à la hauteur de mes, de nos attentes. J’avais en effet entraîné mon mari et des amis dans l’aventure. Il y a certes eu de bonnes choses, la (re)découverte de la maison et aussi la pianiste japonaise dont la sensibilité et l’âme nous ont ravis mais pour le reste… L’organisation d’abord, je téléphone pour réserver et là on m’annonce que cela ne commence pas à 19h mais bien à 18h, ce ne serait pas grave en soi si ce n’est que l’info était fausse. Nous en avons profité pour visiter cette superbe maison dans laquelle se tient une expo temporaire sur les trams (anciens), ce qui achève de lui donner un petit cachet rétro, on s’attend presque à entendre le grand Jacques célébrer le temps où "Bruxelles bruxellait". Nous redescendons ensuite au rez-de-chaussée et heureusement qu’il y avait de quoi lire parce qu’à 19 heures, l’organisatrice n’était toujours pas là mais on ne nous dit rien. Les musiciens ont voulu commencer mais il fallait en principe accrocher des affiches (dont une assez jolie d’ailleurs), le "petit" problème, il n’y avait ni punaises ni papier collant. Ils ont donc renoncé. Cela commençait fort, j’étais très énervée, j’ai horreur de l’amateurisme, pour la perfectionniste que je suis, c’est simplement du non respect, il ne s'agissait pas ici d'une fête d'unité guide ou scout où ce genre d'incident serait plus compréhensible et fait parfois partie du folklore... Cela a finalement débuté à 19h25 et par une (non) présentation dite par quelqu’un qui donnait l’impression soit d’avoir bu soit d’être plus ou moins drogué tellement le débit était laborieux et le contenu affligeant. Elle parvient néanmoins à annoncer le premier morceau de musique sauf que ce n’était pas le bon ! Heureusement dès les premières notes, la pianiste nous a fait pénétrer dans son monde, c’était magique par rapport au début. Vint ensuite une lecture de ces fameux haïkus, en japonais suivi de la traduction en français… Il parait qu’il ne faut jamais dire jamais, mais ce genre de poésie, c’est définitivement pas mon truc, mais je n’en dirai pas plus, tout cela est affaire de goût. Le violoniste a fait ce qu’il a pu sans doute, c’est certainement un très bon technicien mais ce qu’il jouait manquait cruellement d’âme, et la technique sans âme ne me parle pas, cela m'agace plutôt. Je passe sur une 2e erreur d’annonce de la (non) présentatrice que le violoniste a cette fois corrigée avant l’interprétation. Bref, la déception. Cela aurait pu être vraiment magique pourtant, nous étions peu nombreux, une bonne dizaine, dans un lieu imprégné de bon goût, de culture et d’esprit. A la fin du spectacle, il y avait la possibilité de … visiter la maison avant le traditionnel verre. J’en ai profité pour demander à la gagnante du concours de haïkus (dont on n’a rien lu par ailleurs, belle façon de l'honorer) de me repréciser ce qu’était exactement un haïku (j’avais retenu d’une conférence au défunt Festival du Thé à Paris qu’il répondait à des règles précises (du genre 5/7 - 5) que je n’ai presque pas retrouvé dans ce qui avait été lu. Elle m’a dit qu’effectivement la lecture avait été approximative… Dommage que ce ne soit pas elle qui ait lu. Ici se termine une exhibition en demi-teinte. Nous sommes par contre allés (bien) terminer la soirée dans un resto cambodgien. Demain sera un autre jour...

samedi 24 mai 2008

Une journée peu banale

Couchée tôt hier soir (22h30) sans ces rituels que je croyais pourtant incontournables: boire un dernier thé en lisant quelques pages sur ce sujet inépuisable, je me suis réveillée à 6h48, très³ tôt pour moi, j’avais programmé une journée chargée. Ma première action est d’allumer mon PC pour lire mes courriels, un peu sceptique, je l’avais consulté la veille juste avant d’éteindre les bougies, mais, ô surprise, un mail de Carole Negiar, de Chajin, un de mes points de chute quand je vais à Paris, j’en reparlerai bientôt mais je peux déjà vous dire que les amoureux des thés japonais y trouveront leur bonheur… (Pour les curieux impatients : le site de Chajin ). Elle me conseille vivement de me rendre à un "Haïkus-concert", auquel elle a assisté à Paris et qui se produit aujourd’hui soir à Bruxelles. J’étais un peu réticente, les haïkus, pour ce que j’en connais, ce n’est pas mon genre de poésie. Et puis ce soir, c’est la finale du concours Reine Elisabeth (cette année le chant) que je ne rate (presque) jamais. Mais j’ouvre quand même la pièce jointe. Tout de suite l’affiche me plaît, elle m’évoque le calme, la sérénité et cette nature que j’aime tant; mais quand j’ai vu que cela avait lieu à la maison Autrique, plus d’hésitation, j’adore l’Art nouveau, cette maison, restaurée début 2000 (si mes souvenirs sont bons), est une des premières de Victor Horta, ce sera l’occasion de la revoir. Comme chaque fois qu’un événement improbable se présente, j’ai besoin d’anticiper le bonheur en créant une ambiance en lien avec celui-ci. Je décide donc de changer mes plans de cette journée, me rendre chez Nong Cha et Tea for two pour décrire deux de mes coups de cœur bruxellois, pour seulement aller chez Demeuldre, une superbissime et affreusement tentante "maison de décoration" pour y chercher un cadeau de mariage. Ensuite je rentrerais à la maison pour me mettre dans l’ambiance de ce soir en re-relisant Poèmes du Thé (de Bertrand Petit et Keiko Yokoyama paru en 2005 aux éditions Alternatives). Concernant le choix du cadeau, ce fut vite fait : une théière et les tasses assorties. Mais j’ai eu "le grand tort" de faire le tour de cette maison… j’ai failli à une résolution prise à mon retour de Taiwan, ne plus craquer "que" pour des théières Yixing (j’ai quand même tenu près de 6 mois … si j’excepte une théière en verre offerte par ma sœur le mois passé, j’en parlerai lundi, nous l’inaugurons ensemble ce jour-là). Je ne me suis pas posé de question, dès que je l’ai vue, j’ai été envoûtée, j’ai su qu’elle serait mienne. Tout d’abord parce qu’elle m’a rappelé un séjour à Vienne où, pour la première fois, j’ai vu ce style de porcelaine raffinée, j’ai toujours regretté de ne pas avoir ramené un extraordinaire service à thé décoré de magnifiques iris bleus en relief en porcelaine Franz (dont je n'avais jamais entendu parler et que je n'ai plus vu depuis jusqu'à ce moment béni) mais j’avais déjà fait pas mal de folies en thé et en théières (il n’y a pas que des Conditorei à Vienne !) et j’ai résisté cette fois-là. Mais cette fois, il en fut autrement, je parlerai un jour de mon rapport avec ces contenants si particuliers.
Voici donc ma beauté toute neuve, et Art déco s’il vous plait. Ce n’est évidemment pas une Kyushu et la tasse n’a rien à voir avec un Raku, pourtant elle sera consacrée à un grand thé japonais, un Gyokuro ou un Kabuse Shincha que j’ai sortis, le temps d’une photo, du fond du frigo en attendant une occasion spéciale (les Japonais considèrent les grands thés verts comme des légumes et les conservent donc au frais). J’ai bien sûr voulu en savoir plus sur cette porcelaine si raffinée et j’ai appris avec étonnement et émotion ("stupeur et tremblement", si vous préférez) que derrière Franz se cachait un Taïwanais de génie Francis Chen formé en Allemagne, ce qui explique son nom "germanisé". Mais les porcelaines, donc ma beauté, sont fabriquées en Chine, je veux savoir où pour, je l'espère, aller visiter cette fabrique).
Je décide cependant de ne pas l’inaugurer aujourd’hui, je suis trop excitée par tant de coïncidences heureuses, je me contente d’un Hojicha (thé grillé japonais) avant de mon plonger dans cette poésie particulière, je ne résiste pas à transcrire 3 des Poèmes du Thé qui me touchent et tout particulièrement le premier qui illustre si bien "cette harmonie entre la gauche et la droite, entre le Yin et le Yang":

" Lorsque tu utilises ta main droite
N’oublie pas que ton cœur se trouve à gauche"

" A l’homme qui le désire vraiment,
Avec une profonde sympathie
Enseignez, sans compter,
Les secrets du thé"
" Dans la voie du thé
On s’imprègne par le cœur
Et non en regardant ou en écoutant
Attentivement"


A demain pour vous parler Haïkus et Musique…, un peu le même registre sans doute.

mercredi 21 mai 2008

Un thé dans la serre

Après Un thé au Sahara et Un thé sur la montagne (P. Bowles), Le thé dans l’encrier (G. Brochard) et Un thé dans les étoiles (L. Bourguignon & D. Maes), voici Un thé dans la serre. Cette fois il ne s’agit pas d’un livre mais d’un thé bien réel. D’habitude je le bois sur ma terrasse mais depuis 3 jours, un petit vent (trop) froid, comme une réminiscence des 3 Saints de glace (qui étaient 4 d’ailleurs), m’en empêche. C’est vrai que saint Mamert le 11, saint Pancrace le 12, et saint Servais le 13 étaient absents pour le plus grand bonheur des optimistes (ou téméraires, c’est selon) comme moi qui avaient déjà procédé aux plantations extérieures. Par contre le 4e, saint Urbain, se fête le 25 mai, peut-être ceci explique-t-il cela ? Toujours est-il que j’avais envie de boire un thé dans notre serre si belle à cette époque. Mon choix s’est porté sur un superbe Zheng Shan Xiao Zhong (Lapsang Souchong), 5g infusé 7 minutes dans une théière à mémoire de 50cl, cadeau d’une de mes anciennes étudiantes. Il fallait un thé très « puissant » parce qu’en ce moment l’odeur forte du Datura imprègne toute la serre, une odeur enivrante qui est parait-il toxique pour le voyageur qui aurait la mauvaise idée de faire une petite sieste sous son ombre "protectrice", il ne se réveillerait plus… Réalité, légende ? Il ne faut pas compter sur moi pour trancher (définitivement ?) la question.


Tout en dégustant ce nectar à l’odeur de terreau, beaucoup plus subtil que les simples Lapsang que j’utilise plutôt pour ma cuisine au thé, je regarde pousser ces plantes qui, pour la plupart, sont issues de graines ou noyaux ramenés de nos voyages lointains, entre autres fruits de la passion de Ceylan (à l’époque, Sri Lanka aujourd'hui) et des Canaries, citronnelle des Seychelles. Mais aussi des plantes plus ou moins indigènes (tomates, concombres, melons). Et même un manguier comme sur la photo. Bientôt, ce sera le jasmin et le mimosa.

Expérience très agréable avec cependant une ombre dans ce beau tableau, je n’ai jamais réussi à faire pousser un Camellia Sinensis, ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. Bien sûr je pourrais me résoudre à en planter un mais j’aurais tellement voulu voir germer les graines d’abord. Je n’ai pas réussi, Lu Yu n’était pas avec moi à cette époque-là. Et pourtant j'ai suivi scrupuleusement toutes les indications: faire tremper les graines 48 heures dans de l'eau tiède, puis dans un pot mettre un terreau léger et semer les graines en les distançant (j'ai même fait mieux, elles avaient chacune leur pot!). Recouvrir d'une couche de terreau et tasser légèrement. Placer à l'intérieur derrière une vitre et garder la terre toujours humide mais sans excès (comme une éponge mouillée puis essorée). En quelques semaines les plants germent. Et sur le sachet de ces "Graines du monde", il était cependant bien noté: "résultat Laboratoire de germination: 50% de réussite minimum! Je me serais contentée d'un tiers. J'ai pourtant les mains vertes...

dimanche 18 mai 2008

Céramiques taïwanaises, une esthétique du thé



Voici 3 photos prises par Fanou lors de notre visite de l'expo à Gand. Cela vous donne déjà une idée de la créativité des potiers. Cette exposition est actuellement à Andenne et sera à Liège de juin à septembre. J'y retournerai bien sûr et ferai alors un compte rendu complet. Le catalogue de l'expo est superbe également. Je recopie ci-dessous le commentaire du Design Museum Gent trouvé sur Internet, et, juste en dessous, l'annonce de l'expo à Liège:

"Né en Chine, l’art du thé a pris racine à Taïwan où il s’est peu à peu épanoui avec des caractéristiques propres. Comprendre une culture, c’est humer l’air du temps de chacune des étapes de son évolution. La longue et sinueuse route du thé a parcouru environ un millénaire, traversant, en Chine, les dynasties Tang, Sung, Yuan, Ming et Ching et atteignant également Taïwan. Après que le gouvernement des Ching eut cédé Taïwan au Japon en 1895 par le traité de Shimonoseki, l’île connut un demi-siècle de colonisation. Après la seconde guerre mondiale, Taïwan retourna brièvement dans le giron chinois, mais, en 1949, avec le repli dans l’île du gouvernement chinois nationaliste, le Détroit de Taïwan redevint pour plusieurs décennies une frontière étanche. Pendant cette période, alors que la Chine, repliée sur elle-même, subissait les violents soubresauts de la révolution culturelle, l’économie taïwanaise progressa à pas de géant, en débit de la chape de plomb de la loi martiale. C’est dans ce contexte que se sont constituées la culture taïwanaise - et la culture du thé qui a couvert notre pays d’un vert luxuriant. La présente exposition retrace le complexe réseau des routes du thé, avec l’histoire et la culture en guise d’abscisse et d’ordonnée, afin de mettre en lumière l’évolution de l’art du thé et de la céramique liée au thé, et aussi afin de mieux comprendre comment les vicissitudes de l’histoire de Taïwan ont profondément marqué notre culture."

"200 ANS DE CULTURE DU THÉ
COULEURS DU THÉ ET ART DE LA CÉRAMIQUE À TAIWAN
Musée d'Ansembourg - 13/06/08 > 14/09/08

Le Musée d’Ansembourg vous invite à découvrir une collection de théières précieuses, du XVIIIe siècle à nos jours, provenant du Musée de la Céramique de Yingge de Taiwan.
Véritable vitrine de la céramique artistique taiwanaise, l’exposition rassemble plus de 80 services de théières et se complète de manifestations périphériques (musiciens taiwanais, séminaire sur la culture du thé, atelier de calligraphie,....).
Le public est entraîné dans un voyage historique, exotique et spirituel; le thé étant une boisson reconnue comme un des initiateurs du Zen."
Je compte évidemment assister égalemenet aux "manifestations périphériques" (j'aime cette expression), ce qui me replongera avec nostalgie dans ce pays fabuleux que j'ai découvert pendant près de 4 semaines en octobre, novembre derniers. J'en parlerai bientôt.

vendredi 16 mai 2008

Première dégustation de Meng Ding Huang: suite

Je n’ai pas pu attendre demain, me revoilà donc dans mon salon bleu-thé où j’ai préparé avec beaucoup de précision la dégustation de ce thé jaune (voir l’article de tantôt, je ne sais pas [encore] faire de lien). 3g de thé dans 20cl d’eau à 80° pendant 3 minutes dans un set de dégustation reçu d’Olivier Scala lors d’une mémorable visite des établissements Cannon. Je voulais en acheter un de chaque couleur (vert, bleu, rouge) pour les différents thés, il me les a offerts… Cela m’a beaucoup touchée, je voulais ici encore lui dire mon merci. Et comme chaque fois que je prépare une première dégustation, Lu Yu est présent, j’honore ainsi ce dieu du thé dont j’ai déjà parlé.
Pendant le temps de l’infusion, je fais le vide en moi pour ne penser qu’au chemin parcouru par ces feuilles et particulièrement à ces cueilleuses courageuses et si compétentes qui travaillent dans des conditions parfois très difficiles : une météo souvent peu clémente, un taux d’humidité très élevé, des plantations à flanc de montagne si difficiles d’accès. Savent-elles, ces humbles petites mains si expertes, ce qu’elles procurent à des passionnés comme moi ? Et leur salaire ? Ont-elles seulement la possibilité de savourer elles aussi ce nectar ? Voilà ce qui me traverse l’esprit au moment où retentit la minuterie qui m’invite à la phase suivante, celle qui me conduira presque certainement au bonheur.
Je transvase précautionneusement le nectar dans le bol et les feuilles dans le couvercle. J’observe alors à la fois la couleur de l’infusion et les feuilles transformées par l’eau (filtrée évidemment). La couleur de l’infusion est plus foncée que ce à quoi je m’attendais, certaines feuilles se sont ouvertes complètement tandis que d’autres sont encore « chiffonnées ». Je hume l’infusion qui ne m’évoque rien tant l’odeur est discrète. Les feuilles par contre sentent vaguement le fumé. Je redoute un peu l’instant où je vais porter le bol à mes lèvres, frémissantes pourtant, j’ai en effet énormément de difficulté à dire ce que l’infusion m’évoque. Je ne retrouve pas le fumé, je n’identifie pas les saveurs mais par contre je le trouve assez "fort" : temps d’infusion trop long ? Trop de feuilles ? Par contre, il est très rafraichissant, il me fait penser un peu à un Bai Mu Tan. Je prépare une 2e infusion pour voir si toutes les feuilles s’ouvriront. Pas beaucoup de différence, certaines feuilles restent recroquevillées, mais pour ce qui est de l’infusion… la force a fait place à une grande douceur. J’ai bu ces 2 bols en pensant très fort aux habitants du Sichuan… Encore merci Fanou, j’espère que nous pourrons partager la prochaine infusion, tu pourras alors me décrire ce que tu découvres, toi qui sais si bien mettre des mots sur les saveurs. Comme à Gand, après la visite de l’expo sur la céramique taïwanaise et l’art du thé, j’en parlerai dans un prochain article.

Du général: le thé jaune, au particulier: le Meng Ding Huang

J’ai tout d’abord essayé de situer les montagnes du Sichuan d’où proviennent ces « Bourgeons Jaunes de Meng Ding » mais la carte que je possède n’est pas assez détaillée. J’ai par contre trouvé les informations sur le thé jaune en général et ce Meng Ding Huang en particulier dans 2 des livres qui sont parmi mes livres de chevet : Le thé, la culture chinoise du thé de Nadia Bécaud paru en 2004 aux éditions Bachès et Le thé – Joyau de l’Empire du Milieu de Wei Chen paru en 2000 aux éditions Quimétao. A lire absolument si vous voulez (presque) tout connaître sur les thés chinois et tout ce qui tourne autour…
Voilà ce que dit Nadia Bécaud au sujet des thés jaunes (p. 28): "Le thé jaune était déjà connu au 6e siècle. A cette époque, il s’agissait d’une variété spéciale de théiers qui produisait des bourgeons jaunes servant à fabriquer le thé jaune. Ce thé faisait partie des thés prestigieux réservés à l’Empereur. (…)
Meng Ding Huang Ya : cultivé dans la province montagneuse de Sichuan, ce thé présente une feuille plate accompagnée de bourgeons entiers de tailles régulières et recouvert de duvet. L’infusion très fraiche et limpide présente une couleur à peine teintée de jaune tendre."
Wei Chen parle également et de manière très détaillée des thés jaunes (pages 118 à 127). Il décrit notamment de manière précise l’endroit où poussent les théiers (p. 125) : "… Il est à noter que la montagne Mengdingshan possède 5 pics dont le plus haut est le Shangqing, à une altitude de 1440 mètres. Les arbres y poussent à merveille et les bambous sont luxuriants, abritant un sol épais, mou et riche en substances organiques, avec 4,5 à 5,4PH et une température moyenne de 13°C, une précipitation annuelle de 2000 à 2200ml. Chaque année il y a en tout 220 jours sans soleil, les nuages circulent tout le temps dans le ciel, ce qui favorise la croissance des bourgeons au printemps que l’on cueille avant le 20 avril, jour important qui marque Pure Lumière, une des 24 quinzaines de l’année lunaire chinoise.(…)". Je m’arrête ici et vous invite à la lecture de ces 2 monuments. Quant à la dégustation, ce sera pour demain.

Première dégustation de Meng Ding Huang

Dans l’intimité de mon salon bleu-thé, je me prépare à ma première dégustation de ce thé jaune reçu mercredi. Ce que j’ai lu sur l’étiquette m’excite bien sûr (comme chaque fois que je reçois quelque chose que je ne connais pas) mais m’émeut très fort aussi, ce thé vient du Sichuan dont les médias parlent tant ces derniers jours. Ces scènes d’horreur apocalyptique et de désespoir indicible s’imposent à moi au moment de célébrer ce thé, je préfère donc postposer ce plaisir, même si le préparer avec ferveur et le déguster ensuite serait rendre hommage à tous ceux qui ont disparu ou tout perdu et parmi lesquels des cueilleuses peut-être... je ne m'en sens pas capable maintenant. Mais je vous transmets déjà ce qui est noté sur ce petit sachet bleu : « Thé très rare car uniquement récolté au printemps, vient du mont Meng dans la province du Sichuan. Autrefois réservé aux familles impériales. Les feuilles sont séchées dans des « Niu Pi Zhi », vieux papier jaune. Thé au caractère doux avec des notes de noix. 3-4 min. – 80° - 5-10g/l ».( La Magie du thé ). Je ne sais pas si je pourrai les reconnaître, ces notes de noix, comme je l'ai déjà dit, j’ai une très mauvaise mémoire olfactive, mais ce que je reconnaîtrai avec certitude c’est la saveur de l’amitié… merci Fanou. Je vais maintenant me plonger dans mes livres pour en savoir plus sur ce Meng Ding Huang, ce sera ma façon de communier avec ce peuple martyrisé.

lundi 12 mai 2008

L'été en mai

Journée superbe, chaude, très chaude. Envie de pas grand chose sauf de thé, toujours.
Alors, parfumés ou nature, verts, rouges (noirs) et même rooibos, c'est le temps des thés glacés, à profusion, jusqu'à plus soif. Ma recette? Je les infuse à froid: après avoir versé l'eau sur les feuilles, je les dépose quelques heures au frigo; je pose ensuite les théières sur un lit de glace pilée pour ne pas diluer le breuvage. Et quand les feuilles ont donné tout ce qu'elles avaient, pourrait-on croire, je les honore une dernière fois en les utilisant comme engrais dans mes jardinières, elles retournent à la terre dont elles sont issues, je leur dis merci et mes plantes aussi. A votre santhé...

dimanche 11 mai 2008

Petits traités du thé...

Sur la photo, deux livres, jumeaux par leur titre et leur contenu, différents par l’illustration de leur couverture, celle de la première édition que l’on pourrait intituler : quand l’Europe découvre le thé, et l’autre qui nous ramène aux sources, cette Chine lointaine et mystérieuse, raffinée aussi comme le montre cette superbe gravure mais surtout berceau de cette boisson mythique. Les 4es de couverture sont les mêmes aussi à un détail près, une indication, tel un carbone 14 spécial, la 1e indique 49 FF, l’autre 7,20 €… Mais laissons cela. Pourquoi donc 2 livres identiques ? J’ai acheté le premier en 1998, le 2e m’a été offert en 2003 par mon amie Guylaine. J’aurais pu aller échanger le 1er des deux mais je l’ai lu d’une traite en l’annotant abondamment et le 2e était dédicacé, très ... Guylaine, je les ai donc gardés tous les deux. J’ai adoré ce petit livre, j’étais au début de ma voie du thé, je voulais tout connaître et cette façon de raconter le thé m’a enchantée, à la fois instructive et sensible, mais aussi empreinte de poésie. Ce livre ne se raconte pas, il se boit comme un Darjeeling, dont l’auteur parle avec passion. Je voudrais seulement citer quelques phrases qui m'ont à l'époque, tout particulièrement touchée (j'étais très café et j'aime encore toujours son arôme puissant): " Notre culte du café est chaud et capricieux, tendre et passionné: il ressemble à l'amour. Tandis que la sympathie que l'homme de goût ressent pour le thé est calme, tenace, sereine comme l'amitié." Et un peu plus loin: "... je le bois et déguste comme si rien ne pouvait plus m'atteindre, même pas la mort, qui, si elle se présentait après la dernière gorgée de thé, me recevrait disponible, presque offert". (p. 38-39). Ou encore (p. 137): "Le don du thé, c'est cela: conquérir les limites extrêmes dans le secret de la nuit bleue. Puis s'endormir dans un sommeil de mort, moment exquis qui fait penser à ces instants privilégiés où la fatigue succède à l'amour. On aspire alors à la nuit comme à une récompense. Le buveur de thé, les paupières closes, peut alors dormir tranquille. Il a rejoint la paix." Je pourrais en citer beaucoup d'autres encore, mais à vous maintenant...
Je vous livre aussi ce que j’ai écrit à la fin de ce petit bijou : "A lire et à relire. Je sens que je vais revisiter les Darjeeling avec l’œil de ce poète des thés, quelle tendresse fascinée pour en parler. En lisant ce petit livre, je me revoyais collégienne avec mes longues tresses blondes et mon uniforme bleu marine, fuyant des cours ennuyeux, mon petit traité de bonheur sous le bras... "
Je ne savais pas alors que bientôt je rencontrerais cet auteur dont j’aimais le style et la culture, et qu'il deviendrait un ami cher... mais ceci est une autre histoire. J’y ai aussi découvert d’autres livres sur le sujet et me suis empressée de les commander tant ma soif d’apprendre était grande, et l'est toujours malgré les années!

Ma voie du thé

C’est sur la terrasse de ma cuisine, après un petit-déjeuner ensoleillé et une matinée passée au jardin que je rédige ce billet du jour. J’attends que la force de l’astre béni soit moins vive pour m’abandonner à la caresse de ses rayons bienfaisants. J'en suis une adoratrice inconditionnelle mais ma peau beaucoup moins... Vous voyez sur la photo cette théière de l'aventurier dont j'ai parlé dans un article précédent. Ceux-ci relataient mes débuts avec le thé, chaotiques d’abord, passionnels ensuite. Tout ce qui va suivre parlera du chemin que je parcours depuis, inlassablement : ma voie du thé, forcément personnelle, évidemment subjective mais authentique, très vraie. Chemin fait de lectures, beaucoup de lectures sur ce sujet qui m’était totalement inconnu ; de rencontres qui, pour la plupart, m’ont enrichie mais aussi de lieux où ma boisson-passion est célébrée. Je serai donc amenée à citer des livres, des personnages qui ont été des maîtres pour la novice ignorante mais avide d’apprendre que j’étais, et aussi des lieux qui m’ont marquée. Ce sera ma façon de leur rendre hommage, de les remercier pour tout ce qu’ils m’ont apporté, la plupart sans le savoir d’ailleurs. Des personnes passionnées et compétentes mais modestes qui, loin d'étaler leur savoir, avaient envie de le partager. Mais, et j’insiste sur ce point, je ne ferai la pub de personne, d'aucune marque; j’en parlerai parce qu’ils ont été comme de petits cailloux lumineux sur le chemin de ma quête, mon Cha Dao et non le Cha Dao. Ce préambule serait incomplet si je n’ajoutais pas que j’ai également fait des rencontres, fréquenté des lieux qui étaient très loin de cet esprit du thé que j’ai perçu très vite, même s'ils s'en revendiquaient (trop) haut et (trop) fort... je n’en parlerai pas, je n’ai pas envie de m’écarter de cette voie qui est devenue mienne pour emprunter un sentier jonché de ronces, il se condamne lui-même, personne n'y cheminera. Il est temps maintenant pour moi d'aller rejoindre ma chaise longue et le livre dont je vous parlerai ce soir ou demain.

mercredi 7 mai 2008

Une grande passion est née

- 28 avril - Ah la mémoire des dates ! Je dois déjà rectifier mon texte ! LE coup de foudre ne s’est pas produit en 1998 mais bien en 1997, je m’en suis rendu compte en rangeant précieusement ma relique, cet Art français du thé, qui fut ma 1e Bible.
Déjà la veille, quand je l’ai sortie de son sommeil, je la croyais "plus usée", il semblait aussi me souvenir qu’il y avait un paon sur la couverture. Mais, trop excitée à l’idée de revivre ces émotions, je n’ai pas creusé, j’avais tort, "ma" 1e édition date de septembre 1996, l’illumination a donc eu lieu en 1997. Et effectivement, elle est bien plus usée, d’avoir été tellement manipulée, à l’époque. Et par ailleurs, à force de lire et de relire ces mots magiques, je connaissais son contenu par cœur ! En en reprenant la lecture, je me suis d’ailleurs surprise à continuer certaines phrases de tête et notamment celle-ci :

" Le thé n’était pas seulement un remède pour combattre la somnolence. C’était un moyen d’aider l’homme à retourner à sa source, cette heure dans le rythme du jour quand le prince et le paysan partagent les mêmes pensées et le même bonheur en se préparant à retourner à leur destin" Lu Yu (733-804)

Elle m’a tellement touchée que quelques années plus tard, je l’ai fait écrire sur une de mes théières. Vous en saurez bientôt plus, quand je parlerai de ma relation à ces "objets inanimés". Mais revenons à ce WE fou à Paris. Nous retournons donc rue du Bourg-Tibourg à l’heure pile de l’ouverture, et dès l’entrée, le caissier et le serveur nous reconnaissent, l’un d’eux nous a dit : "Alors, vous ne nous quittez plus ?". J’ai tout de suite été dans la boutique pour voir en vrai les 3 théières repérées dans LE livre, elles avaient leur correspondant en thé et si je prenais l’un, je prenais forcément l’autre: Théière du gouverneur, Fils de France et théière des poètes solitaires. Les 3 me plaisaient, le choix serait difficile, le mot raisonnable n’a jamais vraiment fait partie de mon vocabulaire. Mon mari s’approche alors de moi et m’interroge : "Tu comptes en acheter encore une autre ?" et moi de répondre avec mon air angélique et presque pas hypocrite : "Peut-être"… . Je lui désigne alors celles que j’avais, sur le conseil d’un vendeur, sorties de leur étagère pour mieux les admirer, il prend la Théière du gouverneur en me disant : "Elle sera la sœur de l’autre, je te l’offre", j’étais transportée et lui saute au coup pour l’embrasser fougueusement, j’avais oublié où j’étais mais je n’ai apparemment choqué personne, j’ai seulement eu droit à des sourires entendus et discrets. J’étais trop émue, j’avais envie de goûter ce thé du gouverneur, je me dirige vers le resto mais l’aimable serveur de la veille m’annonce qu’il est encore fermé. Devant mon air dépité, il accepte cependant de nous laisser entrer et même de me préparer le thé convoité, "c’est un thé du matin, il conviendra très bien". Je lui explique alors mon dilemme face aux autres théières convoitées, sa réponse a déterminé mon choix ou plus exactement m’a convaincue de ne pas choisir: "Fils de France conviendra très bien à midi (il est inutile de préciser que nous avions réservé notre table) tandis que le thé des poètes solitaires est très bien pour l’après-midi". J’ai donc fait miennes les 2 autres théières et leurs thés. Après 4 heures passées dans ce lieu qui restera à jamais le berceau de ma passion, mon mari souhaite partir pour ne pas rentrer trop tard à Bruxelles, il devait encore passer chez un ami antiquaire. Le vendeur, tout en emballant mes trésors, nous signale qu’il y a une autre implantation Mariage frères, rue des Grands-Augustins… le dieu du thé est avec moi, c’est justement tout près de l’endroit où mon mari a rendez-vous ! Il me dépose donc et nous nous donnons RV dans ce 2e lieu mythique. En sortant il me dit quand même avec ce petit sourire en coin : "Je vais essayer de ne pas la faire trop longue, j’espère que tu ne t’ennuieras pas si cela dure un peu". Malheureusement pour lui, heureusement pour moi, cela a duré. J’ai eu le temps de découvrir d’autres "objets inanimés" … j’ai encore craqué pour une théière en porcelaine cette fois, La Route du thé, ainsi que 2 tasses assorties. Pour la baptiser, j’ai choisi le thé Grands- Augustins pour immortaliser cette 2e visite. Quant aux autres thés dont la description si poétique m’avait donné envie, je me suis "limitée" à 5, tous parfumés : thé de l’aventurier, Amateur, 1854, Mahé et jasmin Chung Feng. Cela faisait près d’une heure que je nageais dans le bonheur, mon mari n’arrivait pas, je me suis donc attablée dans le salon du premier étage et j’ai commencé à lire mon 2e livre : Le traité du thé, acheté quelques minutes auparavant. Je me suis fait conseiller pour le thé en disant : "Je n’y connais rien, c’est la 1e fois que je viens ici"» et le serveur m’a proposé de goûter au thé glacé…. Kèzako me suis-je dit mais va pour la découverte. J’ai choisi Birthday tea, un vrai bonheur ! Le thé glacé maison fait désormais partie de ma vie et régale petits et grands. Une bonne heure se passe encore quand j’entends : "Non, elle n’est pas sortie, elle vous attend en haut". Arrive alors un mari hilare qui dit à son interlocuteur : "Ca fait des mois que je lui demande de venir chez vous mais sans succès, et depuis qu’elle s’est décidée… nous avons passé la journée d’hier et la matinée au Bourg-Tibourg et puis ici et elle n’est pas encore lassée". Les autres clients présents dans la pièce ont tous levé les yeux pour voir le phénomène, j’ai répondu par un large sourire. Pour résumer, nous avons donc fait l’ouverture d’un côté et la fermeture ici, mon mari m’ayant suggéré de manger un petit quelque chose ici avant de reprendre la route!

J’ai pris beaucoup de plaisir à me remémorer ces débuts difficiles et le rejaillissement d’émotions fortes, je serais vraiment intéressée de connaître d’autres histoires, comment le thé est entré dans votre vie, quelle place il y tient, ce qu’il est pour vous. J’aime les histoires…. Merci.

mardi 6 mai 2008

C'était bien un coup de foudre

- 26 avril -
J’ai refermé hier mon PC dans le même état que celui dans lequel je me trouvais il y a 10 ans, j’ai tout de suite reconnu les signes, je savais que je ne dormirais pas ou alors très peu. Je suis donc allée dans mon salon bleu-thé pour me préparer une grande théière afin de revivre une nuit de folie jubilatoire. J’ai choisi un mélange venant de l’Artisan de Saveurs dont je vous parlerai plus tard, c’est un de mes coups de cœur parisiens chez qui je retourne chaque fois que je me rends dans "la Mecque du thé", oui, oui, vous lisez bien, je ne suis pas du tout certaine que Paris vaille la moindre messe, mais pour ce qui est du thé…. Pour les impatients, c’est au 72, rue du Cherche-Midi dans le 6e arrondissement. (Pour ceux qui ne peuvent s’y rendre, il y a le site de l'Artisan des saveurs ).
Ce mélange se nomme Eau, il fait partie d’un ensemble de 4 représentant les 4 éléments : Eau, Terre, Feu, Air. Voici ce qu’on peut lire sur l’étiquette : "Assemblage minéral fluide, limpide et désaltérant. Ti Kwan Yin, Dung Ding, Oolong de Darjeeling et Long Jing. 80°; 12g/l; 4’20”". C’est Patrick Loustalot lui-même qui, en véritable artiste du goût, a créé ces subtils mélanges. Allez le voir, vous ne serez pas déçus, c’est aussi un excellent chef, de plus il a une qualité de + en + rare aujourd'hui, une grande modestie qui n’a d’égale que son grand talent…. Une fois le breuvage infusé, je m’empare du livre, cet Art français du thé dont je parlais hier, conservé précieusement comme une relique dans ma biblio-thé et je me replonge avec délice et émotion dans cette nuit de début mai 1998. Mais avant cela, il me faut raconter notre retour à l’hôtel. Encore tout imprégnée de ces sensations fortes, violentes même, à l’image de ce coup de foudre théiné, je n’avais pas vu que mon mari avait à nouveau un grand sac blanc au logo jaune et noir (vous vous souvenez, il s’était absenté un instant hier). Il me le tend en me disant que c’est un petit cadeau pour marquer ce jour spécial. Comme chaque fois que j’en reçois un, je le saisis avec fébrilité en sachant cette fois que son contenu allait me combler ! Il était fort lourd, ce n’était donc pas des boites, ce ne pouvait donc être qu’une théière. Et en effet, je découvre avec ravissement une théière en fonte qui avait déjà attiré mon regard dans LE livre feuilleté hier dans ce restaurant si particulier. "Drapé", réédition d’une théière chinoise du 16e siècle. Ce fut la 1e d’une très longue série…. Restait maintenant à choisir des thés pour l’honorer. J’y ai passé la nuit, éblouie par leur description, essayant d’imaginer le goût subtil qui pouvait se dégager de toute cette poésie parce qu’il ne s’agissait pas d’une description technique, ces thés avaient certainement dû être décrits par un amateur passionné, également poète ! La 1e phrase du livre est d’ailleurs : "Un parfum d’aventure et de poésie s’évade à l’infini de chaque tasse de thé". Après avoir lu que "la théière en fonte est la théière par excellence", je décidai de la consacrer à ce fameux Yunnan d’or, mon premier vrai thé, dégusté avec ravissement la veille. Toutes ces informations nouvelles trottaient dans ma tête, j’avais tellement appris déjà en une seule nuit que je savais que le plus dur serait de faire des choix, j’avais dans l’idée de suivre cette "bible" à la lettre et donc de me procurer autant de théières que le livre conseillait, d’autant que le chapitre commençait par ce proverbe anglais : "Le chemin du paradis passe par une théière", faut pas demander quand elles sont plusieurs….
Je n’en avais encore "que" 2 : une en porcelaine chinoise achetée à Bruxelles après avoir reçu mes 5 premières boites et puis la Drapé, pas encore inaugurée, il m’en fallait donc encore au moins 3 : une en verre, l’autre en argent et la dernière en terre. J’avais également repéré… 18 thés dont la description m’avait séduite. C’est en me demandant comment j’allais effectuer une sélection, tous me tentaient, que je suis allée rejoindre mon mari pour la plus courte nuit de l’année et dans un réflexe enfantin, je glisse le livre sous mon oreiller, je ne m’en suis rendu compte qu’à mon réveil, ce fut le premier fou rire de la journée, partagé avec un Xavier, frais et dispos après une nuit normale. Je m’arrête ici, la journée qui suit remplira à elle seule un autre chapitre.

LA révélation au retour de Giverny

- 25 avril -
Cette fois-ci, j’accompagne mon mari à Paris ! Nous avons en effet décidé d’aller re-re-revoir la maison de Monet et ce jardin qui célèbre avec tant de splendeur les différentes saisons. Le premier jour est donc consacré à la visite de ce lieu magique et surtout ce jardin qui ne pouvait qu’inspirer le grand homme. Je ne m’étendrai pas plus, ce n’est pas l’objet de cette histoire….
Le lendemain, je n’y coupe pas, mon mari m’invite là où on trouve des boites cannettes. "Tu pourras choisir d’autres thés et nous pouvons même y manger si tu le souhaites". Il savait ce qu’il faisait le bougre ! Gourmande mais aussi curieuse comme je suis, et bien décidée à ne m’intéresser qu’à la partie restauration, je m’empresse d’accepter en me demandant à quoi cet endroit pouvait bien ressembler. J’étais loin de me douter de la suite. Mon mari, qui connaît très bien Paris pour y avoir vécu près de 10 ans, gare facilement sa voiture (à l’époque c’était encore plus ou moins faisable) et nous voilà dans cette petite rue du Bourg-Tibourg que je découvre pour la 1e fois. Découvrir est un bien grand mot, le trottoir est très étroit, je le précède donc et… dépasse LA maison, perdue dans mes pensées c’est-à-dire en train de rêver sur le petit pont de du jardin de Giverny. Mon mari me rappelle alors à la réalité, je me retourne et vois cette double vitrine séparée par une porte étroite. Je franchis le seuil et là, complètement pétrifiée par ce que je découvre, je sens frémir mes narines, mon regard s’affole, je ne parviens pas à l’immobiliser, mes jambes se mettent à trembler, un vertige me prend tellement tout me semble hors du temps. Je sus à ce moment que le monde qui s’ouvrait à moi serait le mien pour toujours. Encore aujourd’hui je ne peux l’expliquer; ce que je sais, c’est que je me suis laissé imprégner par toutes ces sensations, un peu oppressée d’abord et puis petit à petit prenant possession de cet univers, mon univers à jamais. Mon mari veut m’entrainer vers le restaurant mais je reste immobile, comme tétanisée par ce lieu que je souhaite déjà ne plus quitter alors que je n’avais encore pratiquement rien vu. Finalement, comme je bloquais le passage, j’avance, soutenue par mon galant mari, un peu étonné par ma réaction après des années de résistance. Nous nous installons à notre table face au "bar", à côté d’une longue table couverte de gâteaux tous plus tentants les uns que les autres, de quoi faire un excellent goûter... sauf qu’il était midi. Nous étions les premiers clients alors que la boutique ne désemplissait pas. Un jeune homme en tenue de lin impeccable nous apporte alors le menu (on peut aussi manger salé) et un petit livre qui attire immédiatement mon attention : "L’art français du thé", je l’ouvre avec frénésie, délaissant le menu, le garçon me dit que ce livre pourra nous aider à choisir nos thés. Mon mari lui se saisit du menu et lui demande de nous conseiller. Celui-ci nous propose un apéritif au thé, j’accepte avec empressement, moi qui ne bois jamais d’apéritifs, je n’aime pas l’alcool dont ils sont immanquablement constitués, mais ô surprise, il s’agit de jus d’orange ou de pamplemousse et de … Marco-Polo, celui-là même qui sommeille dans une des 5 "cannettes" (ah, si je savais comment vous renvoyer à l’endroit où j’en ai parlé, mais cela viendra un jour, je l’espère du moins). Je ne me souviens plus exactement de ce que nous avons mangé, je me rappelle seulement du thé conseillé, un "Roi du Yunnan" pour moi, un "Lapsang Souchong" pour Xavier qui me demande de l’excuser un instant. J’accepte évidemment en espérant que "l’instant" dure longtemps, j’ai un livre à découvrir. J’ai d’abord caressé cette couverture fleurie rouge et noir, elle était douce et contrastait avec les pages intérieures plus rêches. J’ai aimé la couleur des caractères qui me rappelait la sépia de la collection de timbres paternelle, j’ai aimé les illustrations qui me rappelaient celles de certains de mes livres d’enfant dont ceux de la Comtesse de Ségur. Je me souviens d’un chapitre intitulé Thé et Gastronomie, que j’ai littéralement dévoré, je venais de découvrir qu’il existait des thés pour chaque repas. J’ai aussi découvert les règles d’infusion des différents thés, la température de l’eau et les quantités exactes de thé. J’étais fascinée par cet art que je ne maitrisais pas du tout, mais c’est certain, cela allait changer ! Je dus arrêter là mes réflexions et ma lecture initiatique, mon mari et notre apéritif venaient d’arriver. Je garde encore très présente en bouche, plus de 10 ans plus tard, la saveur de ce breuvage, que j’ai reproduit depuis avec bonheur et pour le plus grand plaisir de mes convives (j'ai reçu la recette ici). Nous passâmes de longues heures à table, les mets étaient délicieux et mon Yunnan m’a vraiment initiée au goût du vrai thé, bien infusé, à des lieues de ce que je faisais chez moi, dois-je le préciser…Comme je l’ai expliqué, mon histoire avec le thé a plutôt mal commencé, c’est par obligation que je m’y suis mise et je dois à la vérité de dire qu’à cette époque, je trouvais les petits sachets bien plus pratiques que le thé en vrac. J’avais pourtant tout ce qu’il fallait pour en faire un breuvage digne de ce nom, mais quand j’ai vu la couleur que prenaient les fameuses chaussettes, je les ai jetées, assez dégoûtée, non pas pour revenir aux petits sachets jaunes que définitivement, je trouvais insipides, non, je continuais à me servir des thés en vrac… que je mettais dans un filtre en papier et que je faisais "infuser" dans ... un percolateur flambant neuf… Eh oui, j’en étais là. L’aimable serveur répondait à toutes mes questions, j’observais aussi le "barman" qui manipulait avec tant de dextérité les "chaussettes" servant à l’infusion des thés. Les clients de l’après-midi commençaient à arriver et nous dûmes céder la place pour passer devant c’est-à-dire dans la boutique où je me suis empressée d’acheter le petit livre rouge. J’ai demandé à Xavier s’il était d’accord de revenir le lendemain parce que je voulais d’abord lire ce fameux livre avant de choisir "quelques" nouveaux thés et "peut-être" une théière. Il a tout de suite accepté, heureux de mon nouveau bonheur qu’il avait lui-même provoqué. Je ne lui serai jamais assez reconnaissante d’avoir persévéré dans son désir de me faire connaître cette "épicerie", moi qui le recevais si mal à l'époque. Aujourd’hui, je ne suis pas tout à fait certaine qu’il aurait insisté à ce point s’il avait su où cela me mènerait…. A suivre.

Mon histoire avec le thé, suite mais pas fin

- 19 avril -
J’en étais restée à cette nouvelle cataclysmique, le café m’était dorénavant interdit…. Je devrais désormais boire du thé. Ce fut l’occasion pour mon mari de me demander pour la énième fois de l’accompagner à Paris pour le WE. Il faut vous dire que pendant qu’il les passait là, je filais à Londres qu’à l’époque je préférais nettement. "Je te ferai découvrir une maison où l’on vend du thé en vrac". J’ai refusé, je n’étais pas encore prête à sacrifier un WE pour acheter du thé, fût-il en vrac. Nous sommes donc partis vers notre destin chacun de notre côté. Le dimanche soir, nous nous retrouvons et il pose devant moi un sac blanc, logo jaune et noir, je l’ouvre avidement (j’adore les cadeaux). Et je découvre 5 boîtes noires et rondes aux étiquettes surprenantes: Montagne d’Or (je connaissais le Triangle d’Or), Marco Polo (que vient-il faire ici celui-là me dis-je), Mahé (3e réflexion intérieure : que vient faire ici la capitale des Seychelles que nous avions visitée quelques mois auparavant), Earl Grey impérial (enfin quelque chose de connu) et un Darjeeling, je crois que c’était du Margareth’s Hope, ainsi que 2 filtres en nylon. J’étais à la fois curieuse et énervée : "et en plus ça va prendre de la place, tout cela". Je remercie bien sûr mon mari pour cette gentille attention mais je me sentais un peu piégée, je devrai me servir de tout cela. J’ouvre d’abord le sachet d’un des filtres, cela me faisait penser à ce que ma grand-mère employait pour préparer le café. Les odeurs, son regard bleu lumineux et les gaufres d’antan sont revenues à la surface, elle a quitté cette terre l’année de ses 94 ans en ayant bu du café toute sa vie, matin, midi et soir. Et moi j’en suis réduite à ne plus connaître ce bonheur ! Je reviens cependant à l’instant présent et, pour ne pas décevoir mon mari, j’ouvre le couvercle de la première boîte. Et ô surprise, un couvercle métallique me barre le chemin de son contenu, (et en plus ça fait boîte à conserve, de mieux en mieux). Vous voyez mon état d’esprit face à ce breuvage que ma mauvaise foi ajoutée à ma grande tristesse avaient déjà jugé. Je dois cependant à la vérité de dire que j’ai été assez heureusement surprise par le contenu de ces "cannettes". Puis vint la parole qui tue : "j’espère que le prochain WE, tu viendras découvrir cette boutique, il y a beaucoup d’autres boîtes de thé". Là, c’en était trop, j’imaginais l’amoncellement de ces boîtes, même pas très belles à mon goût, et ma réponse a fusé : "je me doute que cette boutique est pas mal, genre Fauchon sans doute, mais pour moi les épiceries, même de luxe, restent des épiceries". Nous avons donc continué à passer des WE franco-britanniques. Puis un jour…. Suite au prochain numéro.

Mon histoire avec le thé: transfert des messages de mon ancien blog

- 16 avril -
Après avoir consacré cet après-midi un peu froide mais ensoleillée au repiquage de 90 plants de pensées dans une partie de mes jardinières, me voilà à nouveau devant mon écran pour évoquer mon sujet favori. J'aurais voulu illustrer mon propos en vous présentant mon salon "bleu-thé" mais comment faire? Je n'en suis pas encore là (le voilà). Si je devais présenter mon rapport au thé en une seule phrase, je dirais sans hésiter: j'en bois du matin au soir et la nuit j'en rêve.... J'en bois depuis plus de 20 ans et pourtant je n'y étais pas préparée, je buvais du café fort, très fort; j'allais le chercher dans un magasin de la Rue de la Paix à Bruxelles (chez Merget pour ceux qui ont connu ce lieu très art déco et qui embaumait). Déjà à l'époque, j'avais cet attrait pour les mélanges, conseillée par cette charmante vendeuse dont je n'ai jamais connu le nom, qui m'a aidée dans mes choix et initiée à cet art. Dois-je vous préciser que ce café était vendu en vrac et en grains? On n'en était plus aux moulins à manivelle, ce que je regrettais un peu, le mien était électrique. Je me souviens encore de ce Maragogype dont je garde encore à ce jour l'odeur dans les narines et la saveur dans ma très (trop) rudimentaire mémoire olfactive. Bref, à l'époque j'étais très café, j'en usais et abusais, j'en avais besoin pour "tenir le coup", je m'occupais alors d'enfants et adolescents "caractériels", "psychotiques", autistes" qui me fascinaient mais m'épuisaient. Je buvais cependant déjà du "thé", Lipton et en sachet, avec du sucre et du citron (eh oui, la totale) et ce à partir de 17 heures parce que je commençais à avoir des difficultés d'endormissement dus à ma surconsommation de la seule vraie boisson pour moi à l'époque. C'est dire d'où je viens. Puis un matin d'hiver, le "drame" est arrivé, j'ai dû consulter un gastro-entérologue qui a diagnostiqué un ulcère à l'estomac et m'a donc prescrit un remède sans appel: plus de café ni aucun autre excitant genre épices. Devant mon air désespéré, il me dit: "buvez du thé, c'est moins toxique". Je ne connaissais alors que ces petits sachets jaunes assez insipides et je me voyais réduite à "ça" pour le restant de mes jours. "Il existe de très bons thés en vrac, essayez". Il savait de quoi il parlait, je le croyais Egyptien, il était Indien. C'est ainsi que commence mon histoire avec le thé. J'étais loin d'imaginer la suite! A suivre donc. Je vais maintenant aller boire mon thé du soir, un Pu Er cru de 10 ans, une petite merveille découverte chez Nong Cha (4, rue A. Dansaert), la seule boutique de thés uniquement chinois à Bruxelles. Dans un prochain message, je parlerai des salons et comptoirs bruxellois que je fréquente, cela permettra aux théophiles de savoir où aller, c'est ce qui me manque le plus quand je voyage...

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lundi 5 mai 2008

Mon salon bleu-thé: boites et théières

Dans cette étagère, j’expose certaines de mes théières, que je change d’ailleurs régulièrement, j’en ai actuellement 347 mais je n’ai plus de place, il y en a partout dans la maison, aussi ai-je décidé de ne plus collectionner que les Yixing dont certaines se trouvent dans l’étagère qui accueille également mes boites à thé.
J’actualiserai prochainement ces photos, j’ai notamment hâte d’y mettre les fleurs du jardin dont les vases sont des théières en argent et en étain, je n’aime pas le thé infusé dedans, ainsi qu’une théière en terre reçue d'une de mes étudiantes dans une autre vie mais j’ai eu beau y infuser du thé plusieurs fois, en laisser pendant des nuits, elle garde un goût désagréable. Elle a donc été détournée avec bonheur de son usage premier.
J’espère avoir pu rendre un peu l’atmosphère de ce lieu empreint de sérénité dans lequel je me ressource.

Mon salon bleu-thé

Après plus de 37 années passées dans l’enseignement, ce métier que j’ai aimé avec passion, je suis maintenant en vacances perpétuelles. J’ai donc décidé de transformer mon ancien bureau en salon de thé privé, un endroit spécial où je pourrai à loisir me consacrer à mes passions d’intérieur: le thé bien sûr mais aussi la musique, la lecture, l’écriture et le tricot, pour ne citer que les principaux. Je le veux aussi lieu de réflexion, de méditation même, loin "du bruit du monde", sans téléphone, sans portable, sans télé, le bonheur quoi.
D’abord je me suis demandé si je ne choisirais pas plutôt une pièce plus grande, j’avais tellement de belles choses à y mettre. Mais réflexion faite et m’étant souvenue d’une superbe phrase, j’ai opté pour ma première idée. Elle provient de mon 3e livre sur le thé, L’Agenda du thé, un calendrier perpétuel écrit par Gilles Brochard, superbement agrémenté tant par des textes que par de jolies illustrations.

« Il est important, pour boire du thé, que les hôtes ne soient que quelques-uns. Trop nombreux, ils seraient trop bruyants et le bruit lui ôterait tout son charme. Boire seul s’appelle boire d’une façon retirée ; boire à deux s’appelle boire d’une façon confortable ; boire à trois ou quatre s’appelle boire d’une façon charmante ; boire à cinq ou six s’appelle boire d’une façon commune ; et boire à sept ou huit s’appelle (avec mépris) boire d’une façon philanthropique. »
Hsü Jan-Ming
Ch’a Shu, manuel du thé de la dynastie Ming (1368-1644)

Le seul problème, mais de taille, était de vider mon bureau de toutes ces choses accumulées pendant plus d’un tiers de siècle. Enorme problème pour la maladive conservatrice que je suis ! Je ne sais pas jeter… je ne vous dirai pas ce que j’ai retrouvé, entre autres des cours que j’avais complètement oubliés (je ne me souvenais même pas les avoir donnés !) mais de revoir ces traces du passé a fait jaillir en moi cette subtile et très encombrante nostalgie m’empêchant de leur faire suivre le "chemin vertical". Cela a pris plus d’un an. Et je souffrais. Je souffrais d’abord d’avoir à jeter tout cela et en même temps, je souffrais tout autant de ne pas voir mon rêve se matérialiser plus vite. Puis un jour, je fus prise d’une frénésie de liquidation, en 2 jours plus rien de matériel ne restait de ma vie passée, les souvenirs se gardent dans le cœur, pas dans un tas de paperasses. Et je me suis sentie soulagée. La pièce vide maintenant me paraissait très vaste, mais si triste, si terne.
Et quelques temps plus tard… La photo ci-dessous vous montre mon chez moi, mon salon " bleu-thé". C’est là que je passe le plus clair de mon temps quand je suis à la maison.

D’un côté se trouve un magnifique secrétaire réalisé par mon grand-père maternel. J’aime particulièrement le panneau avant, réalisé en marqueterie précieuse demandant un savoir-faire évident. Sur le plateau du bas est posée une superbe mer à thé, cadeau de Ling-Ling, mon amie taïwanaise, sur laquelle se trouve mon matériel à Gong Fu Cha. Je vous en parlerai plus tard également.
Lui faisant face un meuble coréen ancien, c’est dans les tiroirs que je conserve précieusement mes bijoux... des Pu Er, tentée parfois de les ouvrir et de les consommer sans attendre. Mais je me retiens.
Dans les étagères du fond se trouvent tous les livres sur le thé que je relis avec délectation depuis la création de ce blog. La suite tout de suite...

Un nouveau départ...

J'avais commencé un blog sur over-blog mais je ne suis pas parvenue à en maîtriser la technique... je suis plus douée en thé qu'en informatique... J'essaie donc ici, si je m'en sors, je reviendrai bientôt