dimanche 26 mai 2019

Entre le Paradis et l'enfer du choix impossible

Après un début de semaine pendant laquelle j'ai vu plus de blouses blanches que la couleur des Feuilles, je vais me rattraper. En effet, j'ai peu profité du bien-être qu'elles me procurent parce qu'en sortant de la clinique, j'ai chaque fois l'impression d'être imprégnée d'une odeur que je ne peux définir mais qui influe sur ma façon de célébrer les Feuilles, en lien peut-être avec ce que représente ce lieu où l'on guérit mais aussi où on meurt ?... Je me suis réveillée tôt ce vendredi et déjà les oiseaux s'en donnaient à coeur joie dehors. En pénétrant dans mon salon bleu-thé inondé de soleil, j'ai eu envie d'un Sencha
Tandis que chante la bouilloire, j'admire le paysage, ce contre-jour annonce une journée splendide. 
De ma terrasse, un ciel bleu parsemé d'un troupeau de moutons blancs me donne envie d'y rester… 
Mais pas sans mon breuvage que je savoure par petites gorgées en contemplant ce qui m'entoure. Cela fait des lustres qu'inlassablement j'observe cette Nature et c'est toujours la même émotion... Que dire face à tant de beauté ? Rien, contempler, admirer et la remercier ! La théière est vide, une deuxième infusion s'impose : surprenant de se trouver au bord de la mer au milieu de ce jardin d'Eden, les notes marines dominent dans la première infusion, mais dans la seconde, elles sont plus douces, végétales aussi, du gazon fraîchement coupé. Une pensée pour Kris en savourant la dernière tasse avant de descendre pour préparer le petit déjeuner. 
Nous ne sommes pas les seuls, 
le voilà maintenant qu'il se prend pour un oiseau! Après quelques courses que je range dans le frigo, je retire du congélateur un écrin contenant un fabuleux nectar. 
L'eau versée donne déjà des bulles avant même que la poudre soit fouettée, bizarre… 
A la façon Urasenke: belle mousse dense? 
Ou omotesenke qui préfère de grosses bulles? (merci Cathy de m'avoir encore appris!) Un peu des deux, je dirais mais quoi qu'il en soit, cette Mousse de jade me mène au nirvana. Une jolie petite phrase me revient à l'esprit : KISSA YOYO-KI, (boire un thé, c'est prolonger la vie) ... surtout au paradis ! J'y serais bien restée mais il est temps de regagner la cuisine, je dois préparer le dîner. Je redescends l'écrin que je place à nouveau au congélateur quand mon mari me demande si cela ne me dérange pas qu'il aille manger dehors avec un ami... Un plaisir de lui faire plaisir d'autant que j'ai tout de suite une idée en tête : 
L'écrin ne reste pas longtemps en bas, la toute fine poudre de Matcha tapisse à nouveau le chawan ! 
N'est-ce pas, stylisé, la carte du pays du chrysanthème le long du bard, et toujours ces bulles. Je ne me rappelle pas en avoir les autres fois, serait-ce parce que j'ai mis la boîte au congélateur, est-ce un effet du choc thermique ? A creuser. 
En portant ce breuvage à mes lèvres, je repense à un passage de L'élégance du hérisson (que j'ai lu, relu et rerelu) que m'a envoyé mon neveu Stéphane du fond de la Grèce : https://la-theiere-nomade.blogspot.com/2008/11/le-th-japonais-santorin-quelle-lgance.html, il y a 11 ans déjà mais toujours aussi émue... Comme le texte est petit et la couleur choisie pas très appropriée, je le recopie ici : Comme Kakuzo Okakura, l'auteur du livre du thé, qui se désolait de la révolte des tribus mongoles au XIIIe siècle non parce qu'elle avait entraîné mort et désolation mais parce qu'elle avait détruit, parmi les fruits de la culture Song, le plus précieux d'entre eux, l'art du thé, je sais qu'il n'est pas un breuvage mineur.. Lorsqu'il devient rituel, il constitue le cœur de l'aptitude à voir de la grandeur dans les petites choses. Où se trouve la beauté ? Dans les grandes choses qui, comme les autres, sont condamnées à mourir, ou bien dans les petites qui, sans prétendre à rien, savent incruster dans l'instant une gemme d'infini ? Le rituel du thé, cette reconduction précise des mêmes gestes et de la même dégustation, cette accession à des sensations simples, authentiques et raffinées, cette licence donnée à chacun, à peu de frais, de devenir un aristocrate du goût parce que le thé est la boisson des riches comme elle est celle des pauvres, le rituel du thé donc, a cette vertu extraordinaire d'introduire dans l'absurdité de nos vies une brèche d'harmonie sereine. Oui, l'univers conspire à la vacuité, les âmes perdues pleurent la beauté,l'insignifiance nous encercle. Alors, buvons une tasse de thé. Le silence se fait, on entend le vent qui souffle au dehors, les feuilles d'automne bruissent et s'envolent, le chat dort dans une chaude lumière. Et dans chaque gorgée, se sublime le temps". Je suis très émue, d'abord par l'attention de mon cher neveu, mais aussi par le contenu de ce beau texte, tout y est dit... Je me contente d'une salade pour dîner, 
Mon thé de lecture est prêt : un Dong Ding d'automne infusé à froid, parfumé aux petites fraises bio. 
Ma terrasse m'attend pour une après-midi estivale et studieuse 
sauf que j'ai peur de m'assoupir, bercée par les rayons généreux de l'Astre du jour, je me retire alors dans mon cocon pour découvrir Le sapin baumier, Kakabeka, nord-ouest de l'Ontario. La batterie de mon appareil montre des signes de faiblesse, je vais donc la recharger, demain, je serai en vadrouille... Il ne faudra pas que j'oublie de la remettre ! Ce samedi, ô mauvaise surprise, il fait tout gris et le ciel déverse son trop-plein sur une Nature qui en a bien besoin. Je croyais mon imper dans la voiture mais il n'y était pas et je n'avais plus le temps de faire demi-tour pour aller le chercher, je me suis donc fait rincer copieusement et c'est trempée que j'ai fait le voyage, impossible de me réchauffer. 
Je grelottais à un point tel qu'à peine descendue du train, j'ai acheté un café à la première échoppe de cette superbe gare. Ce chaud breuvage à défaut d'exciter mes papilles m'a mis un peu de chaleur dans le corps.... 
La vraie chaleur, celle qui réchauffe l'âme, c'est ici que je la trouverai. C'est tout émue que je pénètre dans ce petit coin du pays du Soleil levant où j'aime tant me poser. 
A peine installée, un cocktail d'accueil, Sencha d'automne parfumé de fraises fraîches. Cathy l'a infusé à froid toute la nuit au frigo. Dans le même temps hier, je faisais presque de même ! Très frais, doucement fruité mais vu mon état, j'ai hâte de boire du chaud… 
Ce sera un Sencha Fukamushi de Kyushu, près du volcan Sakura, le petit biscuit, à base d'amazake surmonté d'une noix de cajou est d'un moelleux qui fond dans la bouche. Le thé donne des notes à la fois marines et végétales qui caresse mon palais et me fait voyager comme chaque fois. 
Il accompagnera très bien ce repas dont la vue d'ensemble, comme une palette colorée, excite mes papilles. Mais je commence par la soupe miso, bien chaude avant d'observer dans les détails ce qui me fait saliver. J'aime l'idée de ces petits raviers séparés évoquant des univers différents qui s'harmonisent si bien et offrent un repas très équilibré que je savourerai lentement, m'imprégnant de ces saveurs subtiles en pensant à celui qui l'a préparé avec art et modestie, MERCI Koji ! 
A commencer par cet assortiment de légumes cuits à la vapeur, un cube d'omelette japonaise et des haricots de soja et algues hijiki. 
Assortiments de salades vertes variées pas du tout sorties de sachets, graines germées, jets de soja, radis et tatami de saumon que je prends le temps de mâcher, j'aime le croquant des légumes qui contraste avec la douceur du saumon. 
légumes frits avec cette fameuse chapelure de là-bas, d'habitude je n'aime pas ce qui est pané, trop imbibé d'huile, mais ce n'est pas le cas ici. 
Et enfin, LA surprise : un filet de lingue sauce miso et oseille. Je n'ai jamais mangé qu'une fois ce délicieux poisson, il y a des lustres du côté d'Annecy, préparé à la provençale, à mon grand regret je n'en ai plus jamais trouvé, et voilà qu'ici... Ce poisson à chair assez ferme et très bien cuit et cette sauce s'harmonise remarquablement à son goût assez  "timide". 
Rassasiée, j'achève ce premier thé, d'autres m'attendent... En attendant le dessert, je regarde autour de moi, toutes les tables sont occupées, Cathy n'arrête pas ! Les conversations vont bon train, le niveau sonore est celui qu'on attend ici, c'est joyeux mais discret, j'aime vraiment cette ambiance familiale, les convives sont des habitués, comme je les comprends ! 
Une panacotta au riz amazake, compote de rhubarbe et fruit frais. Cathy m'explique que ce riz, fermenté sert à préparer le saké, je m'entends lui dire que la prochaine fois, j'en goûterai, on verra ! 
Par contre, chose rare, 
je n'ai pas apprécié le thé,
je ne le trouvais pas assez doux pour accompagner ces gâteries raffinées. Par contre, je l'imagine très bien avec des mets salés. 
Un petit dernier en guise de dessert du dessert, un Oolong Miyamisawaka , un thé bleu dans une tasse bleue me dit Cathy… 
D'habitude, je me méfie dans le genre les chiens ne font pas des chats mais ici, forte émotion gustative, une infinie douceur très florale et en arrière-goût, comme des notes d'agrumes ! Trois infusions parfaites. 
Il ne s'agit pas ici de la copie mal maîtrisée du savoir-faire chinois mais bien de l'appropriation d'une technique en tenant compte du terroir. 
J'admire aussi cette belle calligraphie qui porte la signature de Staf, elle peut se traduire par : "Même les vieux pins ne changent pas de couleur". 
Le restaurant commence à se vider ce qui permet à mon hôtesse de venir papoter un peu avec moi, mettre au point nos projets et de compléter mon carnet de notes. 
Je quitte à regret cette place qui m'est dorénavant réservée sous l'étang bleu des grenouilles heureuses, MERCI à vous deux pour ces moments hors du temps, je reviendrai dans pas longtemps et ne serai pas seule cette fois... Voyage sans encombres jusqu'à la gare du Nord où j'arrive bien à temps pour prendre ma correspondance voie 10, confirmé par le panneau d'affichage et un contrôleur sauf qu'il y a eu un changement de voie mais perdue dans mes pensées, je n'ai pas capté l'annonce. Or le week-end, il n'y a un train que toutes les 2 heures pour mon bled, je me voyais mal poireauté dans cet endroit sale et sans charme, de plus je commençais à avoir froid j'ai donc pris un taxi pour affronter l'enfer d'une circulation trop dense avec son concert de klaxons et je ne parle pas de la pollution ! Je retrouve avec joie mon mari qui m'attend avec impatience mais il me trouve une sale tête, je dois dire que j'ai le nez et les yeux qui coulent et le fond de la gorge remplie d'épingles, je n'aime pas cela du tout. J'ai commencé à rédiger mon billet mais j'ai vite arrêté, mes yeux picotaient. Malgré une tisane de thym + jus de citron chaud et de la propolis, j'ai passé une mauvaise nuit. 
Ce matin, j'ai aimé ce beau ciel un peu tourmenté comme moi, mes microbes ont tenté une nouvelle offensive… Je subis, ce qui n'est pas mon genre.
Malgré mon nez bouché, je tente une infusion de Keemun que je veux corsée pour pouvoir en percevoir la saveur mais ce sera le seul thé de la journée, je vais reprendre mon cocktail qui les autres fois m'ont réussi, désolée chère Kris, il faudra t'en contenter très momentanément... C'est avec des pieds de plomb que je suis allée voter, heureusement il y avait les européennes sinon je n'y serais pas allée sauf que même pour ces dernières, il n'y avait que des listes dans la même langue que celles des régionales et des fédérales, j'ai donc pour la première fois voté blanc. J'ai suivi les débats tant au Nord qu'au Sud du pays, ils ont très peu parlé d'Europe par contre les ergots acérés étaient de sortie pour sauvegarder leurs egos surdimensionnés + les invectives + les exclusives, où est le pays champion du compromis que j'ai aimé? Je ne veux plus cautionner cette mascarade, dorénavant sauf si cela change je n'irai plus voter, je préfère payer une amende ! Et je ne peux même pas me droguer avec mon breuvage, je ne goûte quasi rien. Triste fin de week-end...

dimanche 19 mai 2019

Dans la brume, j'ai tutoyé les étoiles

Hier, la brume qui planait sur le jardin cachait une journée ensoleillée qui m'a éloignée de mon cocon. Tout d'abord un thé dans ma forêt avec LE livre qui explique comment la forêt nous soigne, Shinrin yoku. J'espère que j'y trouverai comment soigner la distraction, j'ai oublié de remettre la mémoire dans mon appareil photo. Méditation sur ce que m'apportent comme bienfaits les feuilles des arbres et celles que je savoure en pensant particulièrement à Kris. Moments forts et intenses en communion avec mes Essentiels. Puis changement de registre, les courses, c'est beaucoup moins excitant mais avec ma filleule toujours très drôle. Merci ma Puce, courage pour ce qui t'attend la semaine prochaine, inutile de te dire que je serai avec toi, même de loin ! Cette nuit, c'est la pleine Lune... visible sous d'autres latitudes, le ciel était tellement plombé qu'ici elle était invisible ! Mais j'imagine que là où elle brillait, les Bouddhistes étaient à la fête, en cette année 2563 ils célèbrent leur plus grande fête religieuse de l'année (dont j'ai oublié le nom), elle commémore la naissance l'éveil et la mort de Bouddha. 
Ce dimanche matin, le brouillard donne à ce lieu des airs mystérieux, qui emmènent mes pensées dans les brumes de l'Himalaya dans la région des Darjeeling, malheureusement les écrins qui contiennent les feuilles de là-bas sont vides, c'est le moment de les remplir... C'est maintenant dans la Belle Île que mon esprit vagabond me porte, dans le centre vers Lugu dans le canton de Nantou, berceau de la famille maternelle de ma chère belle-fille qui se remet difficilement d'une pneumonie, vivement qu'on puisse se revoir... C'est un de ses précieux cadeaux que je veux savourer ce matin, un Dong Ding qui a obtenu le deuxième prix d'un célèbre concours là-bas. Lydia en parle dans Portraits de thés page 147.
Tout d'abord créer l'ambiance avec la réunion de mes porte-bonheur, mes compagnons de thé en cette année du Cochon, les chagong. Tandis que l'eau chauffe, me voilà déambulant dans les jardins de ce "Pic glacé", le nom de la montagne où pousse ce fabuleux thé. Pourquoi pic glacé, je ne sais trop, les jours où j'y étais à l'époque, en septembre, c'était plutôt la brume qui flottait près du sommet… 
Les feuilles d'un vert très foncé avec par ci par là des nuances de marron semblent petites tellement elles sont roulées dégagent un doux parfum à la fois végétal et fleuri . 
Dans la tasse, le breuvage est d'un beau jaune doré avec une texture assez épaisse et une saveur à la fois beurrée, légèrement sucrée avec des notes de vanille. Kris, je pense à toi…  Les passages se succèdent, la liqueur se fait plus dense, je ne goute plus la vanille mais une saveur nouvelle qui me fait penser à la frangipane... Aux émotions gustatives intenses s'ajoutent celles tout aussi fortes de la gentillesse de la famille de Hsiaolin, des échanges de sourires, de regards si chaleureux, pas besoin de traduction quand c'est le cœur qui parle ! Je suis rappelée à la réalité par mon mari qui se demande pourquoi je ne descends pas… 
Un dernier passage et une pensée pour les cueilleuses, en particulier une des tantes de Hsiaolin 
avant de rendre les Belles à la terre, et d'aller petit déjeuner avec mon mari… 
En fin de matinée, il fait tout aussi brumeux, tant pis je ne tiens plus je veux inaugurer un des trésors ramenés de chez UNAMI , J'aurais préféré attendre le soleil mais… 
Je tremble un peu en installant le matériel sur ce plateau nuage, petit frère de celui sur lequel reposent mes petits compagnons de thé, ils sont en frêne et viennent tous deux de chez UNAMI. Je suis particulièrement émue en retirant le chashaku de son étui calligraphié, merveilleux cadeau de Staf, réalisé avec un savoir-faire évident et dédicacé, ce qui le rend plus précieux encore, rappel de souvenirs forts, encore très présents: http://la-theiere-nomade.blogspot.com/2015/05/wa-kei-sei-jaku.html. Comme chaque fois que je m'en sers, je "sens" la main de l'artiste, Objets inanimés... encore MERCI cher Staf. 
La poudre de ce lumineux Matcha, est à présent dans le chawan, 
Sa couleur jade profond ressort si bien sur ce fond noir, j'y vois cependant quelques gruaux, aurais-je dû tamiser cette poudre si fine qu'elle vole? 
Je le saurai bientôt. Je prends mon temps avant de porter le chawan à mes lèvres, observant cette mousse de jade parsemée de nombreuses bulles, un peu trop pour moi... c'est vrai que j'étais très remuée, cela a-t-il joué ? J'y porte les lèvres et c'est le choc: je sais maintenant avec certitude que le paradis existe, j'y étais ! Je suis habituée de boire (et manger) du Matcha, et même pour la cuisine je me sers de poudre de qualité, mais ici, cela dépasse tout ce que j'ai déjà bu, à part ceux préparés par Staf et particulièrement le Koicha préparé par Cathy: https://la-theiere-nomade.blogspot.com/2014/08/a-propos-du-koicha-et-de-moments.html, une liqueur d'une douceur intense, presque sucrée, un maelström d'émotions me submerge, liées sans doute à ces souvenirs intenses de vrais partages. Je tremble de bonheur, mon âme, un peu secouée ces derniers temps, retrouve cette paix intense, une indicible sérénité . Je me rappelle une calligraphie trouvée dans un livre (je ne sais plus lequel) que j'ai recopiée, elle dit mu ichi butsu chuu mu jin zou qui signifie au coeur de la vacuité réside le Soi infini. Elle m'avait étonnée alors, aujourd'hui je l'ai comprise vraiment par le vécu et je veux rester dans cet état, la plénitude de l'instant... Il faut que je m'achète un chasen spécial pour ce Matcha d'exception, les miens sont trop ordinaires et commencent d'ailleurs à s'user, il faudra que je demande à Cathy ou à Staf où m'en procurer. Une semaine assez agitée m'attend, j'espère que je garderai cet état de sérénité absolue pour l'affronter… 

jeudi 16 mai 2019

Quand mes passions remplissent mes journées !

S'adonner à ses passions sans réserve et sans mesure est pour moi la définition du bonheur, elles me permettent de supporter ma très contre-nature sédentarisation forcée... depuis petite j'ai toujours été une nomade dans l'âme, ma mère m'appelait déjà à l'époque Julie vadrouille. Heureusement, certaines de mes passions sont aussi des voyages : le thé, la lecture, la musique. Quant à la Nature, elle m'est indispensable en me permettant de mettre à distance mes côtés plus sombres comme principalement la colère, c'est ma bonne Fée, elle me prend dans ses bras et m'apaise. 
C'est avec elle que je partage aussi mon bonheur et mes émotions comme quand le fleuriste est venu m'apporter ce merveilleux bouquet et des paroles d'Amour, c'était dimanche, jour de la fête des mères. Il fait encore trop frisquet pour rester dehors aussi après avoir enlacé mes arbres, c'est dans mon cocon où j'installe exceptionnellement mon PC et mon dictionnaire, que je reprends La péninsule aux 24 saisons de Inaba Mayumi pour rechercher dans le dictionnaire une quantité de mots inconnus, d'après le contexte, il doit s'agir de plantes, de légumes et de fruits mais aussi, péninsule oblige, de coquillages et de poissons mais j'ai assez vite arrêté cette fastidieuse tâche pour relire certaines phrases ou certains passages qui m'avaient touchée à commencer par Je me lève et je me couche au gré de mon humeur ce que je fais moi aussi depuis que je suis en vacances perpétuelles, je ne porte plus de montre, le donneur de temps n'est plus le cadran de cet engin, je l'ai remplacé, un vrai bonheur ! Ou encore : La forêt.(...) La certitude que je vais pouvoir me promener en forêt me fait sauter de joie. (...) De plus, mieux vaut pénétrer seule dans la forêt. Car le silence est souvent plus fécond que l'échange de propos. A se laisser emporter par la conversation, on risque de perdre de vue l'essentiel. J'ai la grande chance d'avoir la forêt dans la propriété, j'y vais chaque fois qu'il fait beau armée seulement de mes jumelles et de mon appareil photo, tous mes sens en éveil. Je pourrais en citer bien d'autres encore, je m'arrêterai à ce dernier passage, son ode à la lune et aux étoiles : Je fais brûler encens sur encens, et mon plaisir de chaque soir est de contempler depuis ma terrasse le mouvement de la lune et des étoiles. Je m'étends sur une chaise longue et je regarde d'un oeil nonchalant la voûte céleste. Alors un remous traverse mon corps de la tête aux pieds.Est-ce le tremblement de la rotation de la Terre ? J'éprouve une sensation inconnue qui m'enveloppe tout entière, comme si mon corps et le ciel étaient liés pour un instant.En même temps, sans se perdre, mon être reste attaché à la Terre, et j'ai l'impression,sans pouvoir me l'expliquer,que j'assiste à un miracle. Ce roman raconte douze mois de la vie d'une femme de la ville qui a décidé de quitter la vie trépidante de Tokyo à la mort de sa meilleure amie. Elle s'installe dans la maison de campagne familiale et découvre cette autre vie en contact direct avec la nature, l'occasion pour elle de faire le point sur sa vie. Elle retrouve les joies simples d'une vie rythmée par les saisons, le contact et l'entraide de quelques habitants. Aucune action dans ce roman atypique empreint d'une certaine poésie, celle de l'instant. Le fil conducteur est cet ancien calendrier qui découpe l'année en 24 saisons qui indique précisément ce qu'il faut planter, quand, et qu'en faire une fois récolté : des confitures, conserver les légumes et les fruits en pots, partage des récoltes avec les voisins. Ce sont ces gestes quotidiens, simples, répétitifs et ses longues promenades solitaires qui lui font retrouver l'apaisement et cette sérénité perdue avant de retrouver la ville et un nouveau départ. J'ai beaucoup aimé la suivre dans cette retraite loin de Tokyo, tant de points communs avec ma vie actuelle... MERCI chère Cathy, tu ne t'étais pas trompée ! 
En admirant ce ciel où la lumière flamboyante du soleil le dispute aux gros nuages noirs, j'ai eu envie d'aller faire le tour de mon domaine de prédilection, cette Nature source de vie... L'air est frais, toutes les nuances de verts printaniers ressortent différemment à la lumière tombante, les oiseaux, beaucoup moins visibles, se sont tus, je savoure cette quiétude. Aujourd'hui, ma première tâche est de changer l'eau de ces magnifiques fleurs, il faudra que je change de vase, je les trouve trop serrées maintenant que certaines s'ouvrent, je veux les garder le plus longtemps possible ! 
Rituel encore : choisir les feuilles, ici celles d'un Daehsan Nokcha, infusées et servies dans ce beau set coréen, je le savoure à la santé de mon généreux donateur en méditant sur la force de l'Amitié... Je n'aurai pas beaucoup le temps de lire aujourd'hui, j'attends deux amies chères, aussi ce sera quelques pages de cette brique Ecoute l'arbre et la feuille dont j'ai déjà parlé ici : https://la-theiere-nomade.blogspot.com/2019/03/lectures-palpitantes-face-aux-elements.html. INTERLUDE MITSUMATA. Et c'en est vraiment un, ou presque, l'auteur parle de la fabrication du papier à Echizen, et aussi d'une déesse : Kawakami Gosen. Cela m'a rappelé un lointain souvenir, une initiation à la reliure japonaise à une époque où le thé n'avait pas encore pénétré dans ma vie. Nous avions aussi fabriqué un papier spécial, assez rugueux, on y voyait encore quelques fibres de bois. 
Bien des années plus tard, j'ai trouvé un album avec les mêmes techniques, je l'ai utilisé pour illustrer le fabuleux voyage à Paris d'une petite fille qui pour son anniversaire a souhaité aller à Paris pour faire le tour des salons ... de thé, mais pas qu'un jour hein Nanny, c'était en 2004, cette année elle termine ses études universitaires, elle aime toujours autant le thé ! 
Ma promenade quotidienne sous un ciel bleu strié de lignes parallèles pour enlacer mes arbres avant l'arrivée de mes amies... Sauf que je les attends toujours, elles sont restées bloquées à Namur, un incendie à la gare du Nord de Bruxelles a mis tout le réseau chaos, on a reporté notre rencontre, et moi pour calmer ma colère, je me suis déchaînée au jardin, mes vieux os n'ont pas aimé et me le font savoir. Demain, ce sera repos complet pour être en forme jeudi ! Nuit difficile, cela m'apprendra à ne pas écouter mon corps et arrêter de le malmener, pourtant je n'ai pas réalisé la moitié de mon projet. 
Beau ciel bleu sans aucun nuage et douce température, propice à une balade mais ce ne sera pas pour moi aujourd'hui. 
Programme de la journée: thé infusé à froid, Once Upon a Time saveur fraise, jasmin, épice après un Keemun au petit-déjeuner, observation de la Nature, peut-être arranger la jardinière de la terrasse de la cuisine, et surtout lecture de cette brique de 309 pages largement illustrée : SHINRIN YOKU, L'art et la science du bain de forêt, écrit par la Dr Qing Li, paru aux éditions FIRST en mars 2018. 
A la fois fruité et fleuri avec une pointe d'épices, il est parfait pour la lecture par cette douce chaleur. 
La quatrième de couverture nous résume l'essentiel de cet ouvrage, à moi les détails à présent. J'ai pour l'instant parcouru l'ensemble de l'ouvrage, comme une promenade virtuelle en forêt en regardant les nombreuses photos légendées, 
je suis restée en arrêt sur celle représentant des bouleaux encore jeunes dans leurs habits d'hiver. "Le bouleau blanc est particulièrement efficace pour absorber les particules émises par les voitures". Berkenrode (verges de bouleau) est le nom de notre propriété, en hiver leur tronc blanc et marron donne un peu de couleur à cette saison triste. Ce sont ces arbres qu'il faudrait planter dans les villes au lieu des marronniers et autres platanes comme le montre cette expérience : "Au Royaume-Uni, des scientifiques ont mené une expérience dans les rues de Lancaster. Ils ont tout d'abord mesuré la quantité de particules entrant dans les maisons (en mesurant la quantité de poussière se déposant sur les téléviseurs). Ils ont ensuite planté une rangée de bouleaux blancs dans la rue.Au bout de deux semaines, les scientifiques ont étudié les feuilles des arbres à l'aide d'un microscope électronique spécial. Les feuilles sont tapissées de minuscules poils qui emprisonnent les particules émises par les voitures passant dans la rue.A la fin de l'expérience, les téléviseurs présentaient 50% de poussière en moins qu'au début." 
Si la journée il fait très doux, le soir la température baisse très fort, j'ai donc rallumé le chauffage pour écouter de la musique dans mon salon en commençant à rédiger mon billet mais j'ai oublié de le couper avant d'aller rejoindre les bras accueillants de Morphée. Résultat les fleurs ont eu très chaud et ma première action fut de leur redonner un coup de fouet en leur donnant plus d'espace et en coupant fortement celles qui avaient le plus souffert comme les gerberas. 
Suivent mes rituels : l'hommage à la Nature, je remplis mes poumons de l'air vivifiant du matin en admirant les nuances de verts tendres des feuilles printanières. 
Les azalées commencent à fleurir, les rhodos suivront bientôt.
Ce matin, ce délicieux thé vert vietnamien que je savoure avec émotion, mes pensées traversent l'Atlantique et s'envolent vers toi, chère Kris, comme je te l'ai dit, j'en boirai pour deux le temps qu'il faudra !... Je reviens des courses au village, ce midi, ce sera diner crustacés et saumon, 
mon thé d'apéritif est tout choisi : un Kabuse cha dont le portrait se trouve page 160. J'apprends que c'est un cousin germain du Gyokuro Même traitement que celui-ci mais période moins longue et cueilli mécaniquement. Dans la tasse (Kris, les deux premières sont pour toi, une pour chaque oeil...), belle couleur jaune légèrement trouble ; l'umami est bien présent, saveurs de légumes mais un peu amer, contrairement au Gyokuro, les feuilles infusées seront arrosées de sauce soja pour faire mariner les crevettes grises de l'entrée. 
C'est avec beaucoup d'émotion que je pénètre chez UNAMI, impatiente de revoir Jean-Benoit et Lydia Gautier venue dédicacer son dernier bébé Portraits de thés dont j'ai déjà parlé entre autres ici : https://la-theiere-nomade.blogspot.com/2018/10/portraits-de-thes.html. Comme thé d'accueil, 
Lydia nous offre une de ses créations sur un thé blanc du Népal, le Tea Estate Shangri-la, décrit page 213, auquel elle a ajouté un bouton de rose qui provient d'un petit producteur certifié bio. 
Infusée à froid, la liqueur est incroyablement douce, légèrement sucrée avec des notes fleuries, émotion gustative évidente... Il faut absolument que je m'en procure ! 
Le deuxième est un Pu Er shu infusé à chaud auquel elle a adjoint une grande fêve tonka que mon mari, quand lui ai montré la photo, a prise pour un scarabée, no comment ! 
Vous êtes rayonnantes, je suis si heureuse de vous voir ensemble. Vous êtes toutes les deux d'authentiques sommelières dont le savoir et la compétence n'ont d'égal que votre modestie, bien loin des autoproclamées qui sous prétexte qu'elles en savent un peu plus, ou le font croire, se donnent ce titre, ce qui est de la malhonnêteté intellectuelle et un sens moral quasi inexistant, au pays des aveugles les borgnes sont rois… 
A côté de sa valeur intrinsèque ce livre devient hors de prix grâce à la signature ! 
Une autre signature qui ravira celle à qui elle est destinée… Devant un public très intéressé, Lydia raconte la genèse de son livre, sa philosophie : privilégier le contact avec les petits producteurs, parle de ses coups de cœur gustatifs mais aussi a le souci d'encourager ceux dont les thés ne sont pas encore ce qu'on pourrait en attendre mais chez qui elle sent une véritable volonté s'améliorer. Et enfin, elle parle de l'avenir des plantations, du piège du bio auquel elle préfère le terme d'agriculture raisonnée, de permaculture, d'agroforesterie, en plus de sa formation d'ingénieure agronome, elle a un vrai don de pédagogue, c'est un vrai plaisir de l'écouter ! MERCI chère Lydia, j'attends avec impatience le prochain… 
C'est pas tout cela, mais il est temps de nous quitter, cher Jean-Benoît j'ai été ravie de te revoir et d'évoquer quelques souvenirs, j'ai hâte de me servir des trésors que j'ai ramenés, ce sera pour demain ! MERCI aussi à toi ma chère Carine, pour nos échanges toujours si riches, si vrais et ... pour l'eau gazeuse, je te revaudrai cela, mais pour cela il faudra que tu viennes jusqu'ici (= message codé). Ce sont des journées comme celles-ci qui aident à oublier les scories de la vie… J'en redemande!