lundi 6 avril 2015

Encore d'intenses rétrolfactions, et toujours beaucoup d'émotions...


Je suis encore dans cet état quasi indicible d'hier. La plupart du temps les moments de bonheur même intenses sont assez éphémères, le quotidien reprenant sa place, notre esprit lui emboitant le pas les transformant en beaux souvenirs comme de jolies parenthèses. Pour moi, ce bonheur n'a pas encore de passé, il m'enveloppe, me berce, me prend entièrement, le temps s'est arrêté, est-ce cela l'éternité ? La nuit dernière, j'ai pendant des heures écouté de la musique : cantates de Bach, chants grégoriens, ce livre-CD intitulé Musique du silence me parle particulièrement : "Celui qui a compris que les trajectoires du soleil, des étoiles et des âmes, ne s’effectuent pas au hasard, dans le néant, tient son cœur prêt pour l’heure où l’univers entrera en extase. Car les objets ne sont pas muets : l’immobilité est chargée d’exigences, elle attend l’âme qui inhalera le mystère que toutes choses exhalent, dans leur soif inextinguible de communion".
A ce beau texte, il faut adjoindre la lune, resplendissante cette nuit.
Et le thé bien sûr, celui que j'ai encore infusé un nombre incalculable de fois jusqu'à ce que les Belles aient tout donné, elles attendent maintenant d'entamer leur deuxième vie : bercer mes rêves. Leur histoire a commencé hier à Hasselt, il est temps de reprendre la balade dans ce jardin japonais,
une autre belle histoire racontée par Charles. En effet, il a été réalisé grâce à la collaboration entre la ville d'Hasselt et celle d'Itami. Ce petit fascicule nous explique les caractéristiques de l'art des jardins japonais en commentant chaque élément.
Comme ici, cette lanterne de pierre
"ayant pour modèle une lanterne du temple Sennyu – ji de Kioto, où reposent les cendres des plusieurs empereurs japonais". L'eau et les pierres sont des éléments essentiels de ce jardin, toujours associés à une symbolique particulière.
Si celle de l'eau est évidente, les roches représentent les montagnes en miniature.
"Il existe une autre raison (...) les roches sont inaltérables, dans le jardin, elles sont les éléments indestructibles par les éléments et par le temps". L'énorme bloc de pierre pèse près de 14 tonnes...
"L'ensemble des roches de gneiss métamorphique (...) totalisent un poids approxomatif de 650 tonnes". Ceci termine les infos techniques.
Entre la maison de cérémonie et une partie de ceux que l'on fête ce dimanche se trouve une petite ère de repos, c'est là que nous nous sommes installées après voir quitté Staf et ses étudiantes. Nous avions décidé de fêter ce jour si particulier en partageant du thé,
c'est Anne-Marie qui a commencé en chauffant ces 2 beaux bols.
Dans la boite, du
Mao Feng de Wuliangshan, un Yunnan vert de chez Aaron Fisher dont Anne-Marie et Sabine ont abondamment parlé lors d'une autre rencontre mémorable: http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2015/03/commenttraduire-en-mots-tout-ce-que.html, j'ai vraiment hâte de le rencontrer, dici-là il faudra que je me plonge dans son livre The way of TEA - Reflections on a Life with Tea... 
En déposant délicatement les feuilles dans les bols, elle me rappelle ce retour à l'essentiel comme était préparé le thé dans les premiers temps : de l'eau, des feuilles un bol. Sen no Rikyu n'a rien dit d'autre des années plus tard :
"Qu'est-ce que le thé ? Faire chauffer de l'eau. Y battre la poudre de thé et boire. Saisir l'essentiel".
L'eau vient maintenant réveiller les feuilles.
C'est en silence que nous observons son travail.
Prendre le bol à 2 mains pour observer les feuilles.
C'est un thé tout simple me dit-elle. Mais qu'est-ce que cela signifie ? Faut-il un thé cher, haut de gamme, pour parler à notre âme ? Ou est-ce seulement lié à un certain snobisme, que nous avons nous aussi... Un thé, quel qu'il soit, donne toujours tout ce qu'il a à offrir, je parle ici de vrais thé évidemment, en feuilles et pas réduit en poudre comme dans certains sachets.
Tandis qu'elle verse une deuxième fois l'eau, elle parle du bol, on le porte à hauteur du cœur pour observer les feuilles reprendre leur état naturel au contact de l'eau.
Il est rond, il n'a ni commencement ni fin, il est profond pour retrouver la profondeur de la vie, il est cependant limité en hauteur, comme l'est la vie.
Et elle continue : la vraie valeur du bol, c'est le vide qui se remplit... Avant de me l'offrir "en souvenir de ce que nous avons partagé ici aujourd'hui". A cet instant, il est devenu inestimable... Quand le quotidien sera un à nouveau un peu lourd, j'infuserai dedans de simples feuilles en me remémorant ces moments hors du temps. Merci, un mot un peu trop pauvre pour exprimer ce que je ressens...
Ces simples feuilles ont tout donné, elles reposent à présent au pied de ce cerisier majestueux.
O Hanami, contempler les fleurs, est un jour férié au Japon, c'est dire son importance dans un pays où les 35 heures sont un concept incompréhensible. La nourriture partagée en famille fait partie des festivités, dont les mochi.
Le soleil brille, il fait merveilleusement doux, pour les accompagner, retour à ce cocktail à l'
Hanami impérial. Au Japon, c'est plutôt le saké qui coule à flot...
L'occasion aussi de composer ou de lire quelques haïkus qui célèbrent ce grand moment.
Retour à la fête chinoise de la Pure lumière, à mon tour d'offrir un thé à mon amie, infusé en gong fu dans ce set de voyage, acheté à
L'heure bleue que je vais utiliser pour la première fois. Dans ce bel écrin, le fabuleux Wild BT shan cha, et les intenses rétrolfactions qui y sont liées : http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2014/11/retrolfactions-souvenirs-proches-et.html.
Après avoir ébouillanté la théière et les tasse, première infusion de ce
Oolong très torréfié de Taiwan dont le parfum puissant nous promet des émotions gustatives intenses.
Et que dire de la couleur de ces feuilles...
En bouche, c'est l'extase dès les premières gorgées, Anne-Marie est conquise et pourtant elle en a vu d'autres, elle a un palais beaucoup plus fin que le mien et j'ai plaisir à l'entendre décrire avec tant de précision ces saveurs à la fois fortes et subtiles.
Les passages se succèdent dans ce lieu enchanteur, celui-ci sera malheureusement le dernier, les thermos sont vides. Ce qui est certain, c'est que je continuerai à vider mes boites avant de me réapprovisionner, mais celui-ci sera l'exception, je n'en ai aucun autre qui donne ces saveurs... Et je pense qu'Anne-Marie fera de même.
Avant de continuer notre balade, brève rencontre avec ces cosplay, charmant(e)s derrière lesquelles nous avons vidé l'eau du bateau à thé. Je ne connaissais pas du tout ce monde jusqu'à ce que mon beau-fils à l'époque envoie des dizaines de photos de Taipei où ils sont légion(s)... Mais c'était avant, maintenant il a un autre sujet central dans son existence !
Ici quelques marches nous conduisent à la plage de galets d'où on peut admirer le ballet des kois, et une fée des eaux...
Et les cerisiers toujours qui ici forment un écran entre le jardin et le ring juste derrière.
Tout au long de la journée, le parc a retenti de ces musiques particulières, mais il est plus de 18 heures, il ne reste plus que les instruments.
Nous devons aussi, à regret, penser au retour.
Mais pas avant d'admirer ces fleurs particulièrement éphémères qui ont tant inspiré les poètes parlant de ces fleurs fragiles comme une métaphore de la vie, lumineuse et belle mais passagère.
Et tout à côté, plus imposant, mais encore en dormance, ce chêne plus que centenaire...
Et l'eau encore, ce paysage un peu mystérieux dans le contre-jour.
Nous avons toutes les deux le même réflexe : caresser ces bourgeons
pour qu'ils nous transmettent la force de leur sève.
En voulant immortalisé cette ère de repos où nous avons tant partagé, je découvre avec stupeur le nom de cet if... venijnboom , arbre à venin!
Nous nous dirigeons à présent vers la sortie en passant par ce Tori, ce portail traditionnel japonais qui sépare la partie spirituelle de la partie temporelle... Ce long week-end pascal se termine dans l'allégresse, je suis toujours dans cet état d'hier de sérénité absolue mais mon corps m'annonce qu'il est fatigué, il ne refera pas un nouveau tour d'horloge, je vais l'écouter pour une fois... Je n'admirerai pas la lune cette nuit.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Magnifique Francine.
Comme si j'étais avec vous.

Cathy a dit…

Bonjour Francine

Merci, pour l'excellente surprise ;) magnifique set de voyage...
bon thé sur ta terrasse ?
Bise

Francine a dit…

@ "Anonyme": Merci "S", si je ne me trompe pas, c'est vrai que c'était magique, si le paradis existe, il devrait ressembler à ce jardin...

@ Cathy: ce fut un plaisir dans ce cadre idyllique. J'ai hâte d'utiliser à nouveau le set. Un thé sur ma terrasse, pas vraiment malheureusement, il ne faisait pas encore assez chaud. Je t'ai envoyé un courriel avec des dates possibles pour fêter l'Hanami... des azalées! Bonne fin de soirée, bises

sugi a dit…

Bonsoir Francine!
Merci pour ce partage magique! C'est un peu comme si on y était :-) J'y ai ressenti beaucoup d'émotions! Je vous imaginais bien toutes les deux!!! ^^ Ca me manque ces 'petits' partage en petit comité!!

Biz et bon thé
Sugi