Ce matin,
brumeux après une nuit pluvieuse et venteuse, je me prépare un
Yunnan Golden Pearls qui me plonge dans cette région "au-dessus des nuages" avant de parler
d'un livre qui m'habite, m'a envoutée et qui ne quitte pas mes
pensées... Mais par où commencer, et surtout que dire à propos de
ce livre qui m'a bouleversée au-delà des mots et qui ne me
quitte plus depuis que je l'ai refermé? D'abord qu'il m'a permis de
revivre le malström d'émotions identiques ressenties à la lecture
des livres de Pearl Buck dans mon adolescence et relus récemment :
http://la-theiere-nomade.blogspot.com/2017/10/vent-dest-vent-douest-entre-autres.html.
Cadeau de mon cher mari, il a eu sur moi le même effet que lorsqu'il
m'a amenée pour la première fois chez Mariage... :
http://la-theiere-nomade.blogspot.com/2008/05/la-rvlation-au-retour-de-giverny.html.
Avant d'en commencer la lecture, j'ai besoin de prendre "physiquement" contact avec le livre, quel qu'il soit
d'ailleurs…
Après avoir caressé la couverture en papier
glacé, j'admire le camaïeu de verts tendres des plantations de thés
sous la brume.
La quatrième de couverture me met l'eau, ou
plutôt le thé, à la bouche en lisant les deux premiers
paragraphes, et des frissons d'horreur à la lecture du troisième
qui m'a fait penser à un passage du Lotus bleu qui
m'avait marquée dans mon enfance..., en contradiction totale avec le
joli proverbe du haut de la page : "La sagesse de
tout l'univers se trouve dans une tasse de thé". La
lecture - et le voyage - peuvent commencer... Une note de l'auteure
avant même d'aborder son roman m'intrigue : "Quand
le roman débute, en 1988, les feuilles de thé récoltées dans les
montagnes du Yunnan se vendent 4 yuans le kilo (environ 50 cents
américains actuels). Le revenu moyen des producteurs de thé est à
l'époque d'environ 200 yuans (soit 25 dollars) par mois.(...)".
Curieuse entrée en matière... Même si je n'en bois pas en été,
je suis ravie d'apprendre que le Pu Er est sans doute le héros
principal de ce livre. Mais dès la page suivante, un choc :
"Quand
nait un fils,
qu'il
dorme dans un lit.
Donne-lui
de bons vêtements
et
du jade pour jouer (...)
Quand
naît une fille,
qu'elle
dorme par terre.
Emmaillotte-là
dans une toile ordinaire
et
donne-lui des tuiles brisées pour jouer (...)
Le Livre
des poèmes (1000-700 avant J.C.)"
Pourquoi
cet extrait ? La table des matières (située en fin de livre
alors qu'elle devrait logiquement précéder le corps du texte à mon
pas très humble avis) indique que l'histoire débute en 1988 pour se
terminer en 2016, il est temps d'en savoir plus ! L'auteure nous
emmène dans un village retiré du Yunnan et nous décrit la vie
quotidienne d'une famille AKHA -une des minorités de Chine- composée
des parents, de 2 frères et de Li-yan, la seule fille. Ils sont
cueilleurs de thé, la maman est sage-femme et guérisseuse. Vie
rude, loin de la catastrophique « révolution »,
empreinte de coutumes ancestrales, de religion animiste et de
superstitions. Li-yan est destinée à être sage-femme comme son
A-ma, elle semble heureuse, baignée dans la culture du thé, très
loin des grands changements de la Chine. Bien que l'histoire débute
en 1988, la vie de cette minorité AKHA est régie par des règles
ancestrales et des croyances très lourdes de conséquences. L'école
et l'influence d'un maître, victime de l'épuration, exilé dans ce
village va bouleverser sa vie (page 106): "C'est mon élève
la plus brillante. Elle est la lumière qui m'a permis de continuer" . Li-yan est la première du village à savoir lire et commence à
rejeter certaines traditions mais son émancipation aura un prix, le
plus lourd est de devoir abandonner sa fille. Difficile et douloureux
de trouver un juste milieu entre le poids des traditions, parfois
cruelles – être obligé de tuer les jumeaux nouveaux-nés
considérés comme des déchets et bannir les parents - et la vie
dans le monde moderne (page 103) : "Je laisse les idées
modernes d'opportunité ouvrir mes yeux d'Akha pour voir plus grand
et plus loin". Beaucoup d'autres thèmes sont aussi
abordés comme la relation mère / fille, la transmission des
valeurs, la fidélité à celles-ci, le racisme envers les minorités
et leur exploitation, sans oublier le culte de la nature. Mais aussi
la recherche de ses racines entreprise par sa fille Yan-yeh,
abandonnée à la naissance,qui ne sait rien de ses origines si ce
n'est une galette de thé trouvée dans sa couverture à
l'orphelinat (page 115): "Ensuite, je te donne le
cadeau le plus précieux que possèdent les femmes de note lignée" . Destins croisés. Le thé est le fil conducteur de ce roman –
mais en est-ce réellement un... -. L'auteure nous montre sa grande
connaissance de cette boisson mythique, c'est un élément essentiel
de l'histoire... J'ai lu une première fois le livre pour connaître
l'histoire, je le relis à présent en me focalisant sur la culture
akha (autre nom des Hani). Une troisième lecture sera consacrée à
l'histoire mouvementée du Pu Er.
Mais dès la première lecture,
j'ai consulté LA BIBLE : L'EMPIRE DU THE dont
j'ai déjà abondamment parlé, entre autres ici :
http://la-theiere-nomade.blogspot.com/2017/03/lempire-du-une-semaine-de-pur-bonheur.html,
le chapitre consacré aux Pu Er m'a particulièrement aidée à
situer les montagnes théières mais je n'ai vu aucune mention des
AKHA, j'ai donc fait des recherches sur Internet pour apprendre que
HANI (dont parle Katrin) et AKHA sont synonymes. En rédigeant ce
billet, je revis les émotions intenses ressenties face à cette
Mémoire du thé qui s'est imprégnée dans la mienne
pour y laisser des traces indélébiles…
Quand j'ai refermé le
livre, j'ai exprimé mon enthousiasme à mon généreux donateur en
lui disant que je voulais me procurer les autres romans de cette
auteure, il a voulu me les offrir, j'ai accepté à condition qu'ils
existent en livres de poche... Mes bibliothèques sont pleines à
craquer, je n'ai donc plus de place pour des grands formats !
Ma copine Nicole m'a conseillé de me séparer de quelques
théières pour pouvoir libérer l'une ou l'autre alcôve mais il n'en
est évidemment pas question, j'en ai déjà deux qui ont remplacé
le vide laissé par le désastre des théières brisées ! Je
vais arrêter momentanément ici, il y aurait pourtant encore tant à
dire, cela viendra... en même temps que l'envie de savourer à
nouveau ce thé si particulier. J'ai bien essayé d'en préparer au
début de ma lecture mais il m'est resté sur l'estomac, il faisait
tropical et je ne le supporte pas en été, pourquoi ? Un
mystère. J'avais pourtant choisi un fabuleux Pu Er 1988 ...
Il en va de même d'ailleurs avec les thés verts en hiver, sauf le
Matcha. J'aime les mystères mais celui-là me trouble, il m'empêche
de, périodiquement, savourer ces familles que j'aime...
Heureusement, il reste les autres !
2 commentaires:
Bonne lecture :-)
Bizouille bizouille
@ Mich.: je dévore les livres de L.See, j'ai terminé les Filles de Shanghai et je suis à la moitié de la suite, Ombres chinoises! MERCI aussi pour ton si gentil coup de fils de tantôt en cette date un peu particulière. Bisous à la saveur d'un Dong ding
Enregistrer un commentaire