dimanche 2 décembre 2012

Un fabuleux premier week-end de décembre


Dernier mois de cette année 2012, décembre… Je ne sais pas vous, mais pour moi, il y a des jours où je ne sais trop pourquoi, je sens que tout ira bien. Ces deux jours en furent et bien au-delà de ce que j’imaginais.
 Hier matin déjà, je me sentais tellement bien, que mon thé a été vite choisi, ce sera le Tumsong, un Darjeeling issu du Jardin des cœurs heureux de ThéÔdor. Tout en savourant ce breuvage si subtil, je me plonge dans cette Bible et plus particulièrement dans le chapitre Recettes, je veux tester certains plats que j’aimerais proposer bientôt à mes invités.
 Ce midi, je passe de l’Inde au Japon avec un savoureux Sencha griffé Tamayura. Je repense alors à ces fabuleux passés avec Olivier le 18 novembre passé. (http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2012/11/que-dire.html ).
Une deuxième infusion et un peu de Haïkus.
 J’ai choisi celui-ci parce que ce matin, quelques canards ont survolé la maison… Mais j’arrête assez vite, je pense à la rencontre de cet après-midi… Il y a près de deux semaines et pour faire court, Pierre m’envoie un courriel me demandant si j’accepterais de rencontrer une jeune amie chinoise, doctorante en anthropologie culturelle dont le sujet de thèse est toujours pour faire court, La Voie du Thé. Me poser la question était y répondre ! Nous voilà donc partis pour Louvain-la-Neuve, j’ai hâte de mettre un visage sur un nom d’autant que les quelques courriels échangés avec Jing m’ont vraiment donné envie de la connaître. L’accueil est chaleureux, la table est prête et nous sommes invités à nous asseoir pour une "petite" dégustation.
 Alors, là… je suis restée sans voix et au début, j’ai eu du mal à me concentrer sur ce qui se déroulait à table. Dans une cité universitaire, on s’attend plutôt à ce que les murs soient recouverts de livres savants bien rangés dans des étagères  mais ici, pas de bibliothèque mais une … théothèque !
Premier thé offert : un Pu Er, un Ye Sheng Zia ou bourgeons pourpres.
 Tout en le préparant, Jing nous raconte son histoire, ce thé était déjà connu au 8e siècle et faisait partie des tributs de l’Empereur.
  En la voyant verser ce breuvage après avoir admiré ses gestes précis et si harmonieux, une phrase me revient, celle de Jiao Ran, un moine poète, ami de Lu Yu : "J’hésitais à prendre ces feuilles semblables au jade pour les transmuter en liqueur surpassant l’or."
 C’est ici que commencent les émotions gustatives, Annik, Pierre et moi sommes transportés par les incroyable et subtils parfums qui se dégagent des tasses à sentir. Quant à la liqueur précisément, c’est une explosion de saveurs qui se dégagent tout au long des nombreuses infusions, tour à tour des notes fleuries, d’amande, légèrement sucrées, tout en nuances, et en douceur.
  Ces feuilles n’ont pas encore tout donné, mais Jing veut nous emmener à la découverte d’autres trésors.
 Notre deuxième voyage gustatif nous emmène à Taiwan, cet Oolong porte le nom de Mélodie céleste, tout un programme…
Jing l’infuse dans un petit zhong en porcelaine.
Une première infusion, assez corsée, avec une légère amertume en arrière-goût.
Jing, toujours aussi concentrée, nous parle maintenant du Qi du thé, le thé est par excellence le conducteur de l’énergie parce qu’il provient entièrement de la nature. Autant la mélodie de départ était forte, un peu brutale, autant au fil des infusions, elle s’est faite plus nuancée, plus subtile, plus en douceur avec des parfums et des saveurs où les fleurs dominent.
Je vis avec intensité ces moments hors du temps, et je ne suis pas la seule…
Celui-ci non plus n’a pas tout donné. Les feuilles sont d’un beau vert brillant.
 Admiration, j’aime cette attitude de Pierre et Annik, comme un hommage à celles qui ont enchanté nos palais et nos cœurs.
 Depuis le début de cette séance, je suis en admiration devant cette théière qui complèterait bien ma collection.
 Déjà quand j’étais allée à Taiwan, j’avais failli craquer, la prochaine fois, c’est certain, je passerai à l’acte !
Nous restons à Taiwan, Jing s’apprête à nous faire découvrir ce Bai Nian Yuan Sheng Hong Cha, un thé rouge planté il y a une centaine d’années autour du lac de la Lune et du Soleil.
 Pendant qu’Annik et Pierre, qui parlent chinois, décortiquent ce qui est noté sur l’étiquette, je m’évade quelques instant, je suis sur ce lac.
Ce jour-là, il faisait assez brumeux, ce qui lui donnait un charme et un mystère particulier. Mais il est temps pour moi d’atterrir et de découvrir ce que, magnifiées par l’eau, ces feuilles nous donnent.
Et là, malgré la jolie couleur ambrée de l’infusion, c’est la déception, ce thé nous donne tout en bloc, sans nuance, à prendre ou à laisser. Ce qui me vient pour le qualifier, c’est qu’il me fait penser au travail d’un apprenti qui a encore beaucoup à apprendre dans l’art du traitement des feuilles. Les infusions suivantes me laisseront sur cette impression, question de goût évidemment.
J’ai bien ri en entendant la réflexion de Jing pour qui ce thé a une saveur de pommes de terre et de patate douce, "et moi j’aime les patates"…
 Nous restons dans les thés rouges mais partons au Yunnan avec ce Ji Pin Dian Hong  .
Un Yunnan, cela devrait me transporter. Et effectivement, cette Qualité extrême (Ji Pin) me transporte. J’y retrouve toutes les notes que j’aime dans ce thé, celles d’un terroir riche et généreux, mais ici tout est en nuances, il se donne par petites touches au fil des infusions.
Pendant que j’admire ces belles, j’écoute, pâle d’admiration (et avec une petite envie de…) Annik, Jing et Pierre parler de ce Yunnan qu’ils ont visité.
Nous restons dans le Yunnan avec ce Pu Er en vrac de 22 ans, issu de théiers sauvages de 1400 ans d’âge. Ces grandes feuilles torsadées nous promettent de bons moments quand l’eau les aura réveillées.
Toujours ces mêmes gestes lents, précis qui participent à l’atmosphère de sérénité qui règne ici. Dès la première infusion se dégagent un parfum plus fumé et une saveur assez prenante, il a encore la vivacité des jeunes crus, ce "vieux "…
Les belles nous offrent ici une partie de leur intimité, lovées qu’elles sont dans cette magnifique théières taiwanaise. Les infusions se suivent, explosions de saveurs et les émotions suivent. Nous sommes littéralement subjugués et Jing va définir ce thé d’une manière magistrale : C’est un enfant doué qui va grandir et devenir très talentueux.
Manifestement, elles n’ont pas encore tout donné.
 Je ne savais pas alors que je pourrai bientôt le vérifier…
Un coup d’œil admiratif sur celle qui a abrité ces feuilles, on pourrait croire qu’elle est en pierre. Elle fait penser à des écailles de tortues.
Nous sommes déjà au nirvana, et ce n’est pourtant pas terminé. Un Tuo Cha maintenant.
Jing en a découpé un qu’elle a mis dans une superbe jarre.
En humant ces feuilles, je crois déceler un parfum de terre caractéristique.
Ce Pu Er cuit a une couleur sombre, transparente.
Et toujours les mêmes gestes rituels par les sens, d’abord l’odorat avec la tasse à sentir.
Et des différentes infusions se dégagent aussi une palette aromatique  riche, des odeurs de terre mouillée, des saveurs de réglisse, mais pour toutes une grande douceur. La dominante est son impressionnante douceur.
 Les feuilles infusées, beaucoup plus petites, ont encore des choses à nous livrer, mais le temps passe. Ce ne sera pourtant pas le dernier trésor…
 Last but not least, encore un Pu Er, en vrac de … 1970, le Liao Fu San Cha. Il nous offre ici aussi une jolie palette de parfums et de saveurs : camphre, terre et feuilles après la pluie.
Je suis réellement transportée, je n’ai plus aucune envie de rien, « seulement » rester dans état d’extase, j’en oublie même d’immortaliser les feuilles et les liqueurs.
Voilà le bouquet des sept trésors que Jing nous a si généreusement offert en dégustation dans cette atmosphère si sereine. Mais sa générosité ne d’arrête pas là, nous repartons avec certains… C’est le cœur un peu serré que nous quittons notre si généreuse hôtesse en lui disant notre MERCI pour ces moments hors du temps dans l’esprit du thé, le respect des feuilles et de ceux qui au bout du monde par un travail minutieux et patient nous ont permis ces émotions gustatives ; MERCI aussi à vous deux, Pierre et Annik, j’ai toujours plaisir à vous revoir et vous entendre parler de vos voyages dans ce pays qui vous est chevillé au cœur ! Pierre cher Pierre d’avoir initier cette si belle rencontre. En rentrant, j’ai immédiatement envoyé un petit mot à Jing que je n’avais encore jamais. C’est ce qui m’émeut toujours profondément dans certains premiers contacts, c’est ce courant si spécial qui passe instantanément sans phase d’apprivoisement, celui-ci en fut. Il n’y a pourtant en principe que le coup de foudre qui échappe à cela. Sa réponse a été immédiate : "Je suis vraiment heureuse de t’avoir rencontrée ; quand les personnes de thé se rencontrent, cet amour du thé fait fondre toutes les barrières. Vivre dans la voie du thé, est aussi mon grand souhait, nous la partageons"» Ce premier jour du mois commence vraiment très fort. Et ce n’est pas fini, je me suis réveillée ce matin dans ce même état de sérénité profonde qui ne m’as pas quitté depuis hier.
 Un coup d’œil dehors.
Pas le temps d’ "admirer" le paysage, le téléphone sonne, ce sont mes amis qui se décommandent pour ce midi, la neige est tombée en abondance dans leur région et les routes sont dangereuses. Je suis partagée, d’un côté je me faisais une joie de les revoir, mais en même temps, j’ai de quoi m’occuper… et pendant un bon moment
Retour dans mon salon bleu-thé pour infuser à nouveau ces magnifiques bourgeons rouges.
Dont le parfum se dégage déjà, à peine plongées dans l’eau.
L’infusion, dont la couleur est nettement plus foncée qu’hier, garde une saveur très douce mais plus boisée. Au fur et à mesure des passages, je me remémore les moments fabuleux d’hier.
Je ne les compte plus, mais celui-ci sera le dernier.
Ce beau camaïeu de bruns laisse apparaître certaines feuilles plus pourpres.
Sauf celle-ci, restée très verte.
 Deuxième trésor, "l’enfant doué", ce vieux Pu Er vert encore très … vert.
 Infusé en petite théière, je suis curieuse de voir s’il va me transporter comme hier.
C’est évidemment le cas, il a perdu ses notes fumée, il est doux et si rond en bouche.
 Les feuilles sont très grandes et leur palette de couleur va du vert olive au brun quasi noir.
 La liqueur est plus ambrée, les saveurs deviennent moins subtiles.
 Je ne me lasse pas d’ouvrir la théière pour admirer les belles.
Le liquide est plus aqueux maintenant, je devrais l’infuser plus longtemps.
Ici,  je ne commente plus, je me contente d’admirer.
Avant de continuer, le soleil me pousse à faire un petit tour dehors, histoire de faire le plein de lumière, cela ne durera pas.
 Infusées plus longtemps, les feuilles reprennent vie et saveur.
Le soir tombe vite, les feuilles commencent maintenant à s’épuiser.
 Elles sont libérées à présent.
Parmi elles, je repère cette grande verte de 8 cm.
Et ces trois-ci, très foncées et encore torsadées.
 Il est 4 heures, ce beau ciel me fait oublier ce qu’il y a dessous. Je vais maintenant quitter mon cocon, je passerai le reste de ce fabuleux week-end avec mon mari.

3 commentaires:

fabienne a dit…

Mon dieu mon dieu mais que c'estmagnifique, quels superbe moments tu as du passer, quelle belle rencontre, je t'imagine en l'évitation,à quelques cm de ta chaise, les tasses fumantes et colorés dansant autours de toi!!!!
a tantôt

Cathy a dit…

Bonjour Francine,

Quelle week end ! Bon je suis rassurée de lire que tout va bien :) tu n'avais pas répondu a mon mail donc je me faisait un peu de soucis.....
Bonne fête de St Nicolas ( depuis que nous habitons en Belgique et donc qu'Emilie est petite on fête la St Nicolas !!)Donc elle a le privilège d'avoir plusieurs fëtes, celle d'ici et les Japonaises ;)
Biz

Francine a dit…

@ Fabienne: superbes moments? C'est peu de le dire! Et tu connais la meilleure? On remet cela samedi... Bonne soirée, biz

@ Cathy: ça alors! dès que j'ai fini la réponse, je vais voir mes mails et j'y réponds immédiatement. Ceci dit, pendant 2 jours, j'étais coincée, j'ai glissé dimanche soir dans la neige en allant conduire les poubelle!
J'adore cette fête, saint Nicolas est mon grand ami... Emilie a de la chance, il y a de très jolies fêtes japonaises, symboliques. A très vite, bonne soirée, biz